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Texte à méditer :  Je suis homme, et rien de ce qui est humain ne m'est étranger.   Terence
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Hors des sentiers battus
Le sens de la vie

  "Nous trouvons le sens de la vie en le formulant. Nous autres modernes, nous sommes devenus très conscients du fait que ce sens dépend de nos pouvoirs personnels d'expression. La découverte dépend ici de l'invention – et elle y est étroitement associée. Découvrir un sens à la vie dépend de la formulation d'expressions significatives pertinentes. Ainsi, quelque chose correspond particulièrement à notre condition dans la polysémie du mot « sens » : la vie en a ou en manque si elle possède ou non un but ; alors que ce mot de sens renvoie aussi au langage et à d'autres formes d'expression. De plus en plus, nous, modernes, trouvons le sens dans la première acception en le créant dans la seconde.
  Que cela nous plaise ou non, le problème du sens de la vie est inévitable, soit parce que nous appréhendons de le perdre, soit parce que donner un sens à nos vies est l'objet d'une quête. Et ceux qui, sur le plan spirituel, se définissent principalement de cette façon vivent un dilemme existentiel fondamentalement différent de celui qui prédominait dans la plupart des cultures antérieures et qui définit encore la vie de bien des gens aujourd'hui. Il s'agissait alors d'un dilemme dans lequel un cadre indiscutable rendait impératives des exigences auxquelles on craignait de ne pouvoir satisfaire. On faisait face à la possibilité de l'exil ou d'une condamnation irrémédiable, à celle de sombrer à jamais dans l'oubli, d'être damné pour l'éternité ou relégué à un ordre inférieur dans d'innombrables vies futures. La pression pouvait être extrême et inévitable; on pouvait succomber sous ce poids. Ce danger différait profondément de celui qui menace la quête moderne, qui s'y oppose presque : pour nous, le monde perd tout contour spirituel, il n'y a rien qui vaille la peine d'être entrepris, nous appréhendons un vide terrifiant, une sorte de vertige, voire une rupture de notre univers et de notre espace vital.

  Pour saisir ce contraste, pensons à l'angoisse et à la détresse intenses de Luther avant le moment libérateur où il perçut que le salut passait par la foi, à son sentiment d'une damnation inévitable qu'il s'infligeait irrévocablement à lui-même par les instruments mêmes du salut,les sacrements. Qu'importe la façon dont on veuille analyser cet état, il ne s'agissait pas d'une crise de sens. Ce terme n'aurait rien signifié pour Luther dans l'acception moderne que j'ai définie ici. Le « sens » de la vie était évidemment indiscutable chez ce moine de l'ordre de Saint-Augustin, comme il l'était d'ailleurs pour tous à son époque.
  Le dilemme existentiel dans lequel on craint la damnation diffère radicalement de celui dans lequel on craint, par-dessus tout, le vide de sens. La prédominance du vide existentiel définit peut-être notre époque.

 

Charles Taylor, Les Sources du moi. La formation de l'identité moderne, 1989, tr. fr. Charlotte Melançon, Seuil, 1998, p. 33-34.

 

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Date de création : 06/06/2016 @ 15:35
Dernière modification : 06/06/2016 @ 15:35
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