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Texte à méditer :  Je vois le bien, je l'approuve, et je fais le mal.  Ovide
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La religion musulmane (l'islam)

  "Musulmans et non-musulmans s'accordent généralement à donner au mot « Islam » le sens de « soumission » – spécialement, celle du croyant à la volonté de Dieu. Le muslim, musulman, est celui qui accomplit cet acte. Sans doute ce mot avait-il à l'origine une acception légèrement différente : celle de totalité. En ce sens, le musulman était celui qui s'abandonna entièrement à Dieu seul, à l'exclusion des autre dieux – un monothéiste, par opposition aux polythéistes parmi lesquels le Prophète était apparu dans l'Arabie du 1er /VIIe  siècle.
  Sous cet angle, l'Islam, aux yeux de Mahomet lui-même et des premiers musulmans, fut certainement compris, non comme une innovation, mais comme un continuation – comme la phase ultime de la longue lutte entre le monothéisme et le polythéisme. De nombreux prophètes monothéistes et leurs disciples qui avaient participé à cette lutte avant Mahomet étaient aussi des muslims, et le mot « Islam » désigna la vraie foi qu'avaient prêchée tous les apôtres choisis par Dieu. Le judaïsme comme le christianisme, phases antérieures d'une même suite de révélations divines, avaient été, à leurs débuts, de vraies religions, mais pour les musulmans, la mission de Mahomet les rendait désormais caduques. Ce qu'il y avait de vrai dans ces religions était incorporé dans le message du Prophète ; ce qui ne s'y trouvait pas incorporé n'était pas vrai et résultait de déformations.

  Sur le plan religieux, l'Islam est considéré comme un achèvement. Mais historiquement, on peut y voir un recommencement : la fondation d'une nouvelle religion, d'un nouvel empire, d'une nouvelle civilisation. Il est un point important sur lequel le destin d Mahomet diffère radicalement de celui de Jésus et de autres prophètes qui le précédèrent: c'est que sa vie fut marquée par la réussite temporelle. Certes, il ne fut d'abord, comme les autres envoyés de Dieu, qu'un humble prédicateur persécuté, mais, au lieu de subir le martyre, il s'éleva à la souveraineté."

 

Bernard Lewis, L'Islam, 1976, Prologue, tr. fr. Dominique Le Bourg, Maud Sissung et Charles Pellat, Petite Bibliothèque Payot, 2003, p. 14-15.



  "Les cinq piliers de l'Islam

  Parmi toutes les observances islamiques, il en est cinq qui ont un caractère essentiel et fondamental. La première est la chahāda, ou Témoignage, c'est-à-dire la profession de foi par laquelle le musulman atteste qu'il n'y a de Dieu qu'Allah et que Mahomet est son Envoyé. Cette affirmation de l'unité et de l'unicité de Dieu, liée à la croyance en la mission de Mahomet constitue le credo de base de l'Islam, et la plupart dé théologiens islamiques admettent que tout homme qui y souscrit peut être considéré comme musulman. À diverses époques et en divers pays, des hommes de religion ont rédigé des professions de foi plus développées, plus riches de dogme et d'une plus grande subtilité philosophique et théologique. La simple formule de la chahāda, cependant, demeure l'expression du minimum irréductible de foi auquel doivent adhérer tous ceux qui se proclament musulmans.
  Le deuxième des cinq piliers de l'Islam est la prière. Il en existe deux sortes. L'une, le du'ā', personnelle et spontanée, n'est soumise à aucun rituel ; l'autre, 1a salāt, est la prière rituelle qui comporte des formules et des attitudes prescrites, accomplie cinq fois par jour au lever du soleil, à midi, dans l'après-midi, au coucher du soleil et le soir. C'est une obligation religieuse pour tous les musulmans adultes, hommes et femmes, malades exceptés. Le croyant doit alors se trouver dans un état de pureté rituelle, en un lieu rituellement pur, et faire face à la direction de La Mecque, ville natale du Prophète. La prière comprend la profession de foi et quelques passages du Coran. L'heure en est indiquée par l'adhān, ou appel à la prière, généralement lancé du haut du minaret de la mosquée.
  La prière en commun a lieu à la mosquée, le vendredi à midi. Le mot « mosquée » vient de l'arabe masdjid, littéralement « lieu de prosternation ». Si la prière en commun est bien la première raison d'être de cet édifice, il ne faut pas en conclure que la mosquée est l'équivalent islamique de l'église chrétienne ou de la synagogue juive –  mis à part le fait qu'elle est un lieu de culte, de prière hebdomadaire. Elle procède aussi du forum romain et de l'agora grecque ; elle est également le centre de la société musulmane, en particulier dans les villes nouvelles créées par les musulmans après leurs conquêtes. La chaire de la mosquée, le minbar, sert à la proclamation des décisions et des annonces importantes, telles que nominations ou révocations de fonctionnaires, à la première apparition en public de souverains ou de gouverneurs, aux nouvelles concer­nant les campagnes et les conquêtes ou à d'autres événements majeurs. Dans les villes anciennes, la mos­quée, les bureaux du gouvernement et les cantonne­ments militaires se trouvaient groupés tous ensemble dans une sorte de citadelle centrale, et c'était le chef de l'État ou le gouverneur en personne qui faisait, du minbar, les déclarations importantes. Selon la cou­tume, il tenait alors en main un sabre, un bâton ou un arc pour symboliser la souveraineté et la suprématie de l'Islam.
  À mesure que l'autorité de l'État s'accroît et se diversifie, le rôle politique de la mosquée diminue, mais sans jamais disparaître complètement. On conti­nuera d'annoncer en chaire les nominations, y compris l'accession d'un nouveau calife, et la khutba, ou homé­lie hebdomadaire prononcée du haut du minbar, gar­dera un contenu politique, du fait surtout qu'elle comporte une invocation citant nommément le souve­rain et le gouverneur : c'est là, d'ailleurs, l'un des pri­vilèges reconnus de la souveraineté en Islam.
  La mosquée est toujours ouverte pour la méditation, l'étude, la prière spontanée, ainsi que pour des activi­tés diverses. Dans les premiers temps, elle servait de cour de justice car, la Loi de l'Islam étant sainte, le droit et la religion étaient intimement mêlés. Elle ser­vait aussi de lieu d'étude, d'école, et elle sera, par la suite, fréquemment associée à une sorte de séminaire voué à l'enseignement non seulement du Coran, mais de l'ensemble du savoir musulman. Très tôt, de nom­breuses mosquées eurent des écoles attenantes, et la coutume s'instaura d'entretenir celles-ci par des dota­tions pieuses, ou waqfs.
  L'intérieur de la mosquée est simple et austère. II ne comporte ni sanctuaire ni autel, puisqu'il n'existe ni sacrements, ni mystères, ni fonction sacerdotale dans la religion islamique. L'imām est celui qui dirige la prière et tout musulman qui connaît les prières et le rituel peut tenir ce rôle. Si la mosquée est l'équivalent de l'église en tant que lieu de dévotion, l'Islam ne connaît aucun équivalent de l'Église en tant qu'institution.
  Le troisième pilier de l'Islam, selon la tradition, est le pèlerinage – le hadjdj. Au moins une fois dans sa vie, tout musulman est tenu de se rendre dans les deux villes saintes d'Arabie et de refaire le trajet du Prophète de La Mecque à Médine. Les femmes sont admises, avec l'autorisation de leur mari et dûment accompagnées. Ceux qui sont dans l'impossibilité de se déplacer peuvent charger quelqu'un d'autre, même par testament, d'accomplir ce devoir à leur place. Le pèlerinage a lieu entre le septième et le dixième jour du mois de dhu l-hidjdja et se couronne par la fête des Sacrifices, ou Grande Fête.
  Ce pèlerinage annuel, qui rassemble dans un même acte de dévotion des musulmans de tous les horizons est l'un des plus puissants facteurs d'unification de l'Islam. Chaque année, pour satisfaire à cette obligation, des foules immenses de croyants venus de tous les pays du monde islamique, hommes et femmes de toutes races et de toutes classes sociales, quittent leur foyer et entreprennent un voyage souvent long et pénible pour participer à cette grande manifestation religieuse. Ces déplacement de foule sont bien différents des migrations sans âme et sans but de l'Antiquité et du Moyen Âge, car chaque pèlerinage accompli est un acte volontaire et individuel, résultant d'une décision personnelle, et qui s'accompagne pour chacun, d'expériences nouvelles marquantes.
  Ce phénomène de mobilité des personnes, sans équivalent dans les autres sociétés prémodernes, eut, dans 1'Islam médiéval, d'importantes conséquences sociales, intellectuelles et économiques. Si le pèlerin était riche, il pouvait emmener des esclaves et en vendre quelques-uns en cours de route – forme inat­tendue de chèque de voyage – pour couvrir ses frais. S'il s'agissait d'un marchand, il pouvait combiner son pèlerinage avec un voyage d'affaires, acheter et vendre des marchandises dans les différentes régions qu'il traversait et s'informer ainsi des marchés, des produits, des négociants, des us et coutumes des divers pays. S'il s'agissait d'un homme de savoir, c'était pour lui l'occasion d'assister à des cours, de rencontrer des collègues, d'acheter des livres et de contribuer ainsi aux échanges et à la diffusion des connaissances et des idées. Pour faciliter le pèlerinage – sur ce point, les devoirs de la foi renforçaient les nécessités de l'administration et du commerce –, il importait de maintenir un réseau de communications bien adapté entre les divers pays musulmans, souvent très éloignés les uns des autres. Par ailleurs, le pèlerinage donna naissance à une abondante littérature de voyage, rem­plie de renseignements utiles sur des pays lointains. Tout cela favorisa, chez les musulmans, la prise de conscience d'une appartenance commune à un vaste ensemble, que fortifiait encore la participation au pèlerinage et à ses cérémonies.
  Le quatrième pilier de l'Islam est le jeûne que doi­vent observer tous les musulmans adultes, hommes et femmes (malades et vieillards exceptés), pendant le mois du ramadān, le neuvième de l'année islamique. Les voyageurs peuvent différer ce jeûne. Pendant tout ce mois, du lever au coucher du soleil, les croyants doivent s'abstenir de manger, de boire et d'avoir des relations sexuelles. Des prières spéciales sont récitées la nuit. Quand paraît la nouvelle lune, le jeûne prend fin, et l'on célèbre l'événement par une fête qui dure trois jours, le 'Īd al-Fitr, parfois appelé Petite Fête.
  Le cinquième et dernier pilier consiste dans la zakāt, contribution financière versée par les musulmans à la communauté ou à l'État. C'était, à l'origine, une collecte charitable destinée à des œuvres pieuses ; elle se transforma en une sorte d'impôt ou de tribut par lequel les convertis reconnaissaient formellement l'autorité de l'Islam et leur allégeance à l'État musulman."

 

Bernard Lewis, L'Islam, 1976, Chapitre 1er : La foi et les croyants, tr. fr. Dominique Le Bourg, Maud Sissung et Charles Pellat, Petite Bibliothèque Payot, 2003, p. 42-47.

 

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Date de création : 08/10/2016 @ 13:55
Dernière modification : 03/11/2020 @ 09:51
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