"L'essence de chaque sorte, c'est l'idée abstraite.
La mesure et les bornes de chaque espèce ou sorte, par où elle est érigée en une telle espèce particulière, et distinguée des autres, c'est que nous appelons son essence ; qui n'est autre chose que l'idée abstraite à laquelle le nom est attaché, de sorte que chaque chose contenue dans cette idée, est essentielle à cette espèce. Quoi que ce soit là toute l'essence des substances naturelles qui nous est connue, et par où nous distinguons ces substances en différentes espèces, je la nomme pourtant essence nominale, pour la distinguer de la constitution réelle des substances, d'où dépendent toutes les idées qui entrent dans l'essence nominale, et toutes les propriétés de chaque espèce : laquelle constitution réelle quoi qu'inconnue peut être appelée pour cet effet l'essence réelle, comme il a été dit. Par exemple, l'essence nominale de l'or, c'est cette idée complexe que le mot or signifie, comme vous diriez un corps jaune, d'une certaine pesanteur, malléable, fusible, et fixe. Mais l'essence réelle, c'est la constitution des parties insensibles de ce corps, de laquelle ces qualités et toutes les autres propriétés de l'or dépendent. Il est aisé de voir d'un coup d'œil combien ces deux choses sont différentes, quoi qu'on leur donne à toutes deux le nom d'essence."
John Locke, Essai philosophique concernant l'entendement humain, 1689, Livre III, chapitre 6, § 2, tr. fr. Pierre Coste, Le Livre de Poche, 2009, p. 661.
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