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Texte à méditer :   C'est croyable, parce que c'est stupide.   Tertullien
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Hors des sentiers battus
Le dit et le signifié

  "Peut-être pouvons-nous résumer de la façon suivante ce qui est nécessaire pour qu'un locuteur A veuille dire quelque chose à l'aide de x. A doit avoir l'intention de produire chez son auditeur une croyance à l'aide de x, et il doit également avoir l'intention que son énoncé soit reconnu comme ayant été produit avec cette intention. Mais ces intentions ne sont pas indépendantes ; A a l'intention que la reconnaissance joue sa part dans la production de la croyance, et si elle ne le fait pas, quelque chose aura été de travers dans la satisfaction des intentions de A. De plus, l'intention de A que la reconnaissance joue un tel rôle me semble impliquer que celui-ci fasse l'hypothèse qu'en fait elle jouera vraisemblablement ce rôle, et qu'il ne considère pas comme une conclusion courue d'avance le fait que la croyance soit produite chez son auditeur, que l'intention derrière l'énoncé soit reconnue ou non. En un mot, nous pouvons peut-être dire que « A signifieNN[1] quelque chose par x » est à peu près équivalent à « A a énoncé x avec l'intention de produire une croyance au moyen de la reconnaissance de cette intention » (Cela semble impliquer un paradoxe dû à la réflexivité, mais en fait ce n'est pas le cas.)
  Il est peut-être temps maintenant de cesser de faire comme si nous ne devions traiter que des cas « informatifs ». Commençons par quelques exemples d'impératifs ou de quasi-impératifs. Il y a un homme fort avare dans ma pièce, et je veux le faire sortir ; dans ce but, je jette un billet d'une livre par la fenêtre. Y a-t-il là un énoncé doté d'une significationNN ? Non, parce que, en me comportant comme je l'ai fait, mon intention n'était pas de l'amener à sortir par la reconnaissance de mon dessein. Si, en revanche, j'avais montré la porte du doigt, ou si je l'avais légèrement poussé vers elle, on pourrait soutenir que mon comportement constitue un énoncé doté d'une significationNN, précisément parce que alors j'aurais eu l'intention que la reconnaissance de mon intention eût pour effet d'accélérer son départ. Deux autres cas seraient un policier qui arrête une voiture en se tenant sur son chemin et (2) un policier qui arrête une voiture en lui fai­sant signe de la main.
  Considérons brièvement un autre type de cas. Si, en tant qu'examinateur, je fais échouer un candidat, je peux lui causer du chagrin, de l'indignation ou de l'humilia­tion. Si je suis de plus vindicatif, je peux avoir l'intention de causer ces effets, et même l'intention qu'il identifie mon intention. Cependant, je ne devrais pas être disposé à dire que le fait de l'avoir fait échouer signifieNN quoi que ce soit. En revanche, je me sens enclin à assimiler le fait que je coupe le chemin de quelqu'un dans la rue à un cas de significationNN ,car je ne peux pas m'attendre à ce que la personne en question se sente blessée (indignée, humiliée) à moins qu'elle n'identifie mon intention de l'affecter par cet acte (cf. le fait que, si mon université supprime complètement mon salaire, je devrai les accuser de me ruiner ; mais que s'ils le diminuent du tiers, je pourrai les accuser de m'humilier ; enfin, que je pourrais ne pas trop savoir quoi dire pour les cas intermédiaires).   Peut-être pouvons-nous avancer les généralisations suivantes :
  « A signifiaitNN quelque chose par x » est (à peu près) équivalent à « A avait l'intention que l'énoncé de x pro­duise quelque effet chez son auditeur au moyen de la reconnaissance de cette intention » ; et nous pouvons ajouter que demander ce que A signifiait revient à demander des précisions quant à l'effet qu'il entendait créer (bien qu'il ne soit bien sûr pas toujours possible d'obtenir une réponse directe comprenant une relative, comme « une croyance que... »).
  « x signifiait quelque chose » est (à peu près) équivale­nt à « Quelqu'un signifiaitNN quelque chose par x » . Ici encore nous trouverons des cas où cela ne marchera pas vraiment. Je me sens disposé à dire que le passage au rouge d'un feu de signalisation signifieNN que la circulation doit cesser ; mais il serait très peu naturel de dire « Quelqu'un (par exemple, la municipalité) signifiaitNN par le feu rouge que la circulation devait cesser. » Néanmoins, il semble que référence soit faite d'une façon ou d'une autre aux intentions de quelqu'un.
  « x signifieNN (sans temps linguistique) que... » pourrait en première approche être identifié avec un énoncé ou une disjonction d'énoncés à propos de ce que « les gens » (au sens vague) ont l'intention (avec toute les conditions concernant son « identification ») d'effectuer à l'aide de x."

 

Paul Grice, "Meaning", 1957, in The Philosophical Review, 66, p. 677-688, tr. fr. Pascal Ludwig.


[1] Le "NN" est mis pour "non-naturel". Il s'agit pour Grice d'opposer la signification naturelle à la signification non-naturelle, ou intentionnelle.

 

  "Perhaps we may sum up what is necessary for A to mean something by x as follows. A must intend to induce by x a belief in an audience, and he must also intend his utterance to be recognized as so intended. But these intentions are not independent; the recognition is intended by A to play its part in inducing the belief, and if it does not do so something will have gone wrong with the fulfillment of A's intentions. Moreover, A's intending that the recognition should play this part implies, I think, that he assumes that there is some chance that it will in fact play this part, that he does not regard it as a foregone conclusion that the belief will be induced in the audience whether or not the intention behind the utterance is recognized. Shortly, perhaps, we may say that “A meantNN something by x” is roughly equivalent to “A uttered x with the intention of inducing a belief by means of the recognition of this intention.” (This seems to involve a reflexive paradox, but it does not really do so.)
  Now perhaps it is time to drop the pretense that we have to deal only with “informative” cases. Let us start with some examples of imperatives or quasi-imperatives. I have a very avaricious man in my room, and I want him to go; so I throw a pound note out of the window. Is there here any utterance with a meaningNN ? No, because in behaving as I did, I did not intend his recognition of my purpose to be in any way effective in getting him to go. This is parallel to the photograph case. If on the other hand I had pointed to the door or given him a little push, then my behavior might well be held to constitute a meaningfuINN utterance, just because the recognition of my intention would be intended by me to be effective in speeding his departure. Another pair of cases would be (1) a policeman who stops a car by standing in its way and (2) a policeman who stops a car by waving.

  Or, to turn briefly to another type of case, if as an examiner I fail a man, I may well cause him distress or indignation or humiliation; and if I am vindictive, I may intend this effect and even intend him to recognize my intention. But I should not be inclined to say that my failing him meantNN anything. On the other hand, if I cut someone in the street I do feel inclined to assimilate this to the cases of meaningNN , and this inclination seems to me dependent on the fact that I could not reasonably expect him to be distressed (indignant, humiliated) unless he recognized my intention to affect him in this way. (Cf., if my college stopped my salary altogether I should accuse them of ruining me; if they cut it by 2/6 I might accuse them of insulting me; with some intermediate amounts I might not know quite what to say.)
  Perhaps then we may make the following generalizations.
  (1) “A meantNN something by x” is (roughly) equivalent to “A intended the utterance of x to produce some effect in an audience by means of the recognition of this intention”; and we may add that to ask what A meant is to ask for a specification of the intended effect (though, of course, it may not always be possible to get a straight answer involving a “that” clause, for example, “a belief that…”).
  (2) “x meant something” is (roughly) equivalent to “Somebody meantNN something by x.” Here again there will be cases where this will not quite work. I feel inclined to say that (as regards traffic lights) the change to red meantNN that the traffic was to stop; but it would be very unnatural to say, “Somebody (e.g., the Corporation) meantNN by the red-light change that the traffic was to stop.” Nevertheless, there seems to be some sort of reference to somebody's intentions.
  (3) “x meansNN (timeless) that so-and-so” might as a first shot be equated with some statement or disjunction of statements about what “people” (vague) intend (with qualifications about “recognition”) to effect by x."

 

Paul Grice, "Meaning", 1957, in The Philosophical Review, 66, p. 677-688, in Studies in the Way of Words, Harvard University Press, 1991, 219-220.

 

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Date de création : 11/12/2016 @ 15:03
Dernière modification : 10/01/2017 @ 09:32
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