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Texte à méditer :  La solution du problème de la vie, c'est une manière de vivre qui fasse disparaître le problème.  Wittgenstein
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Hors des sentiers battus
La construction de l'objet scientifique

  "La science, dans son besoin d'achèvement comme dans son principe, s'oppose absolument à l'opinion. S'il lui arrive, sur un point particulier, de légitimer l'opinion, c'est pour d'autres raisons que celles qui fondent l'opinion ; de sorte que l'opinion a, en droit, toujours tort. L'opinion pense mal ; elle ne pense pas : elle traduit des besoins en connaissances. En désignant les objets par leur utilité, elle s'interdit de les connaître. On ne peut rien fonder sur l'opinion : il faut d'abord la détruire. Elle est le premier obstacle à surmonter.
    Il ne suffirait pas, par exemple, de la rectifier sur des points particuliers, en maintenant, comme une sorte de morale provisoire, une connaissance vulgaire provisoire. L'esprit scientifique nous interdit d'avoir une opinion sur des questions que nous ne comprenons pas, sur des questions que nous ne savons pas formuler clairement. Avant tout, il faut savoir poser des problèmes. Et quoi qu'on dise, dans la vie scientifique, les problèmes ne se posent pas d'eux-mêmes. C'est précisément ce sens du problème qui donne la marque du véritable esprit scientifique. Pour un esprit scientifique, toute connaissance est une réponse à une question. S'il n'y a pas eu de question, il ne peut y avoir connaissance scientifique. Rien ne va de soi. Rien n'est donné. Tout est construit".

 

Gaston Bachelard, La formation de l'esprit scientifique, 1938, Chapitre premier, §. I, Ed. Vrin, 1967, p. 14.



  "Si le découpage scientifique et le découpage sublunaire ne coïncident pas, c'est parce que la science ne consiste pas à décrire ce qui est, mais à découvrir des ressorts cachés qui, à la différence des objets sublunaires, fonctionnent en toute rigueur ; au-delà du vécu, elle cherche du formel. Elle ne stylise pas notre monde, mais elle en construit les modèles, elle en donne la formule, celle de l'oxyde carbonique ou celle de l'utilité marginale, et elle prend pour objets les modèles même dont elle décrit la construction. Elle est un discours rigoureux auquel les faits obéissent formellement dans les limites de leur abstraction ; elle coïncide particulièrement bien avec le réel dans le cas des corps célestes, planètes ou fusées, si bien que ce cas privilégié risque de nous faire oublier un peu qu'une théorie scientifique reste souvent théorique, qu'elle explique le réel plus qu'elle ne permet de le manier et que la technique dépasse largement la science, qui la déborde non moins largement sur d'autres bords. L'opposition du sublunaire et du formel, de la description et de la formalisation, n'en demeure pas moins le critère d'une science authentique ; elle n'est pas programme de recherche : on ne programmatise pas la découverte ; mais elle permet de savoir de quel côté on peut espérer voir souffler l'esprit et de quel côté sont les impasses, particulièrement les impasses d'avant-garde."

 

Paul Veyne, Comment on écrit l'histoire, 1971, Points Histoire, 1979, p. 158-159.

 

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Date de création : 06/07/2018 @ 08:30
Dernière modification : 06/07/2018 @ 08:35
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