"C'est une étrange et longue guerre que celle où la violence essaie d'opprimer la vérité. Tous les efforts de la violence ne peuvent affaiblir la vérité, et ne servent qu'à la relever davantage. Toutes les lumières de la vérité ne peuvent rien pour arrêter la violence, et ne font que l'irriter encore plus. Quand la force combat la force, la plus puissante détruit la moindre ; quand l'on oppose les discours aux discours, ceux qui sont véritables et convaincants confondent et dissipent ceux qui n'ont que la vanité et le mensonge ; mais la violence et la vérité ne peuvent rien l'une sur l'autre. Qu'on ne prétende pas de là néanmoins que les choses soient égales : car il y a cette extrême différence, que la violence n'a qu'un cours borné par l'ordre de Dieu, qui en conduit les effets à la gloire de la vérité qu'elle attaque : au lieu que la vérité subsiste éternellement, et triomphe enfin de ses ennemis ; parce qu'elle est éternelle et puissante comme Dieu même."
Pascal, Les Provinciales, 1656, Seconde lettre écrite à un provincial par un de ses amis.
"Les lois n'ont pas à décider de la vérité des dogmes ; elles n'ont en vue que le bien et la conservation de l'État et des particuliers qui le composent. Voilà, du moins, ce qui devrait être, et certes, la vérité peut bien se défendre elle-même, si l'on consent une fois à l'abandonner à ses propres forces. Le pouvoir des grands, qui ne la connaissent guère, et de qui elle n'est pas toujours bien venue, ne lui a jamais donné, et probablement ne lui donnera jamais qu'un faible secours. Elle n'a pas besoin de la violence pour s'insinuer dans l'esprit des hommes, et les lois civiles ne l'enseignent pas. Si elle n'illumine l'entendement par son propre éclat, la force extérieure ne lui sert de rien. Les erreurs au contraire ne dominent que par le secours étranger qu'elles empruntent."
Locke, Lettre sur la tolérance, 1686, tr. fr. Jean Le Clerc, GF, 1992, p. 199-200.