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Texte à méditer :   Les vraies révolutions sont lentes et elles ne sont jamais sanglantes.   Jean Anouilh
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Hors des sentiers battus
L'Etat naît de la violence

  "Presque tous les gouvernements qui existent à présent ou qui ont laissé des traces dans l'histoire se sont originellement fondés sur l'usurpation ou la conquête ou sur les deux sans qu'il y ait eu un consentement équitable ou un assujettissement volontaire du peuple. Quand un homme hardi et habile se trouve à la tête d'une armée ou d'une faction, il lui est souvent facile d'employer la violence ou de faux prétextes pour établir son empire sur un peuple cent fois plus nombreux que ses partisans. Il ne permet aucune communication libre pour que ses ennemis ne puissent pas savoir avec certitude sa force et le nombre de ses partisans. Il ne leur laisse pas le loisir de s'assembler en un corps pour s'opposer à lui. Même tous ceux qui sont les instruments de son usurpation peuvent souhaiter sa perte mais parmi eux, les uns ne connaissent pas les intentions des autres, ce qui les fait demeurer dans la crainte, et c'est là la seule raison de sa sécurité. Par de tels artifices, de nombreux gouvernements ont été établis et c'est là tout le contrat originel dont ils peuvent se vanter."
 

David Hume, Essai sur le contrat originel, 1748, in Three Essays, Moral and Political, A. Kincaid, tr. fr. Philippe Folliot.


 

  "On a dit beaucoup de mal du « machiavélisme» ; mais si on veut prendre au sérieux, comme il se doit, le Prince on découvrira qu'on n'élude pas aisément son problème qui est proprement l'instauration d'un nouveau pouvoir, d'un nouvel État. Le Prince, c'est la logique implacable de l'action politique ; c'est la logique des moyens, la pure technique de l'acquisition et de la conservation du pouvoir. Ainsi Machiavel posait le vrai problème de la violence politique, qui n'est pas celui de la vaine violence, de l'arbitraire et de la frénésie, mais celui de la violence calculée et limitée, mesurée par le dessein même d'instaurer un État durable. Sans doute peut-on dire que par ce calcul la violence instauratrice se met sous le jugement de la légalité instaurée ; mais cette légalité instaurée, cette « république », est marquée dès l'origine par la violence qui a réussi. Ainsi sont nés toutes les nations, tous les pouvoirs et tous les régimes ; leur naissance violente a été résorbée dans la nouvelle légitimité dont ils ont accouché, mais cette nouvelle légitimité garde quelque chose de contingent, de proprement historique, que sa naissance violente ne cesse de lui communiquer."

 

Paul Ricœur, Histoire et vérité, 1955, Éd. Du Seuil, coll. Esprit, 1987, p. 271.


 

   "Le pouvoir politique ne commence pas quand cesse la guerre. L'organisation, la structure juridique du pouvoir, des États, des monarchies, des sociétés a son principe là où cesse le bruit des armes. La guerre n'est pas conjurée. D'abord, bien sûr, la guerre a présidé à la naissance des États : le droit, la paix, les lois sont nés dans le sang et la boue des batailles. Mais par là il ne faut pas entendre des batailles idéales, des rivalités telles que les imaginent les philosophes ou les juristes : il ne s'agit pas d'une sorte de sauvagerie théorique. La loi ne naît pas de la nature, auprès des sources que fréquentent les premiers bergers ; la loi naît des batailles réelles, des victoires, des massacres, des conquêtes qui ont leur date et leur héros d'horreur ; la loi naît des villes incendiées, des terres ravagées ; elle naît avec les fameux innocents qui agonisent dans le jour qui se lève.
  Mais cela ne veut pas dire que la société, la loi et l'État soient comme l'armistice dans ces guerres, ou la sanction définitive des victoires. La loi n'est pas pacification, car sous la loi, la guerre continue à faire rage à l'intérieur de tous les mécanismes de pouvoir, même les plus réguliers. C'est la guerre qui est le moteur des institutions et de l'ordre : la paix, dans le moindre de ses rouages, fait sourdement la guerre. Autrement dit, il faut déchiffrer la guerre sous la paix : la guerre, c'est le chiffre. Nous sommes donc en guerre entière, continûment et en permanence, et c'est ce front de bataille qui place chacun de nous dans un camp ou un autre. Il n'y a pas de sujet neutre. On est forcément l'adversaire de quelqu'un."

 

Michel Foucault, "Il faut défendre la société", Cours au collège de France (21 janvier 1976), Éd. du Seuil/Gallimard, coll. Hautes Études, 1997.

 

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Date de création : 28/03/2019 @ 17:56
Dernière modification : 10/05/2021 @ 08:37
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