"L'être conscient ne coïncide jamais avec ce qu'il aperçoit de lui-même ; il est au-delà de ce donné qu'il aperçoit : il a toujours à être. C'est pourquoi on ne peut jamais dire ce qu'il est ; il ne peut être défini, enfermé dans une essence. C'est ce qu'on a voulu exprimer en le caractérisant comme un être « qui n'est pas ce qu'il est, et qui est ce qu'il n'est pas ». Il n'est pas ce qu'il est, c'est-à-dire qu'il ne coïncide pas avec son être donné ; ce qu'il lui est actuellement donné d'être, s'il est par exemple envieux ou charitable, dès qu'il en prend conscience, il ne l'est déjà plus. Celui qui se connaît ou s'estime charitable, sa charité risque de tourner en vanité ; celui qui a conscience d'être envieux est par là même en mesure de se délivrer de son envie. L'être conscient est toujours à distance de lui-même et capable de devenir autre que ce qu'actuellement il est. Il n'est donc pas lié à ce que déjà il est ; il est, au contraire, tout ce qu'il est capable de devenir, tout ce qu'il a encore à être, et que pour le moment il n'est pas."
Joseph Moreau, "Nature humaine et existence", in Existence et Nature, 1962, PUF, p. 117.
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