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Texte à méditer :  Il n'y a rien de plus favorable à la philosophie que le brouillard.  Alexis de Tocqueville
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Hors des sentiers battus
Ethiques de la vertu

  "Ce n'est ni par nature, ni contrairement à la nature que naissent en nous les vertus, mais la nature nous a donné la capacité de les recevoir, et cette capacité est amenée à maturité par l'habitude. En outre, pour tout ce qui survient en nous par nature, nous le recevons d'abord à l'état de puissance, et c'est plus tard que nous le faisons passer à l'acte, comme cela est manifeste dans le cas des facultés sensibles (car ce n'est pas à la suite d'une multitude d'actes de vision ou d'une multitude d'actes d'audition que nous avons acquis les sens correspondants, mais c'est l'inverse : nous avions déjà les sens quand nous en avons fait usage, et ce n'est pas après en avoir fait usage que nous les avons eus). Pour les vertus, au contraire, leur possession suppose un exercice antérieur, comme c'est aussi le cas pour les autres arts. En effet, les choses qu'il faut avoir apprises pour les faire, c'est en les faisant que nous les apprenons : par exemple, c'est en construisant qu'on devient constructeur, et en jouant de la cithare qu'on devient cithariste ; ainsi encore, c'est en pratiquant les actions justes que nous devenons justes, les actions modérées que nous devenons modérés, et les actions courageuses que nous devenons courageux. Cette vérité est encore attestée par ce qui se passe dans les cités, où les législateurs rendent bons les citoyens en leur faisant contracter certaines habitudes : c'est même là le souhait de tout législateur, et s'il s'en acquitte mal, son œuvre est manquée, et c'est en quoi une bonne constitution se distingue d'une mauvaise."

 

Aristote, Éthique à Nicomaque, Livre II, chapitre 1, 1103a 24-1103b 5, tr. fr. Jules Tricot, Vrin, 1990, p. 88-89.

 

  "Aucune des vertus morales ne naît naturellement en nous ; en effet, rien ne peut modifier l'habitude donnée par la nature ; par exemple, la pierre qu'entraîne la pesanteur ne peut contracter l'habitude contraire, même si, un nombre incalculable de fois, on la jette en l'air ; le feu monte et ne saurait descendre ; et il en va de même pour tous les corps, qui ne peuvent modifier leur habitude originelle. Ce n'est donc ni par un effet de la nature, ni contrairement à la nature que les vertus naissent en nous ; nous sommes naturellement prédisposés à les acquérir, à condition de les perfectionner par l'habitude. De plus, pour tout ce qui nous est donné par la nature, nous n'obtenons d'elle que des dispositions, des possibilités ; c'est à nous ensuite à les faire passer à l'acte. Cela est visible en ce qui concerne les sens ; car ce n'est pas par de fréquentes sensations de la vue et de l'ouïe que nous avons acquis ces deux sens ; bien au contraire, nous les possédions déjà et nous les avons employés ; ce n'est pas l'usage qui nous les a donnés. Quant aux vertus, nous les acquérons d'abord par l'exercice, comme il arrive également dans les arts et les métiers. Ce que nous devons exécuter après une étude préalable, nous l'apprenons par la pratique ; par exemple, c'est en bâtissant que l'on devient architecte, en jouant de la cithare que l'on devient citharède. De même, c'est à force de pratiquer la justice, la tempérance et le courage que nous devenons justes, tempérants et courageux. La preuve en est ce qui se passe ordinairement dans les cités ; les législateurs, en les habituant, forment les citoyens à la vertu. Et c'est bien là l'intention de tout législateur. Tous ceux qui ne s'y prennent pas ainsi manquent leur but, attendu que c'est par là seulement qu'une cité diffère d'une autre cité, et une bonne cité d'une mauvaise."

 

Aristote, Éthique de Nicomaque, Livre II, chapitre 1, § 2-5, tr. fr. Jean Voilquin, GF, 1965, p. 51-52.



  "D'abord, ce n'est pas parce que la vertu est susceptible de procurer du plaisir qu'on tend vers elle : car elle ne procure pas que le plaisir, c'est par surcroît qu'il est donné. Ce n'est pas lui qu'elle s'efforce d'atteindre, mais c'est en visant à tout autre chose qu'elle l'obtient en plus. Quand un champ a été labouré pour la moisson, quelques fleurs poussent dans ses sillons. Ce n'est pas pour ces herbettes, si agréables qu'elles soient au regard qu'on s'est donné toute cette peine ; le semeur avait autre chose en tête, les fleurs sont apparues comme un supplément. De même, le plaisir n'est ni le prix ni la cause la vertu, mais quelque chose qui vient en surplus. On ne la pratique pas pour s'en délecter, mais en la pratiquant, on s'en délecte aussi.
  La vertu suprême réside dans le jugement et le mode d'être d'une âme supérieure qui, lorsqu'elle a accompli sa trajectoire et s'est fortifiée dans ses objectifs, a porté à la perfec­tion le souverain bien et ne désire rien de plus : car il n'y a rien en dehors du tout, ni au-delà des fins dernières. Aussi est-ce une erreur de se demander pourquoi on recherche la vertu : cela revient à s'interroger ­sur quelque chose qui dépasse le suprême. Tu me demandes ce que je cherche dans la vertu ? Elle-même. Elle ne procure rien qui vaille mieux qu'elle, étant elle-même sa propre récompense. Un si grand bien n'est-il pas assez ? Quand je t'aurai dit : « Le souverain bien est l'infrangible rectitude de l'âme, sa prévoyance, sa sublimité, sa santé, sa liberté, sa concorde, sa beauté », exigeras-tu quelque chose de plus grand qui fonde la quête de tout cela ? Que me parles-tu du plaisir ? C'est le bien de que je cherche et non celui du ventre, qui domine surtout chez les bestiaux et les fauves."

 

Sénèque, La Vie heureuse, tr. fr François Rosso, Arléa, 2005, p. 35-36.

 

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Date de création : 05/05/2020 @ 09:48
Dernière modification : 03/07/2024 @ 13:18
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