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Hors des sentiers battus
Le comportement animal

  "Nous entendons par comportement l'ensemble des actions que les organismes exercent sur le milieu extérieur pour en modifier des états ou pour changer leur propre situation par rapport lui : par exemple la recherche de la nourriture, la construction d'un nid, l'utilisation d'un instrument, etc. Ne consistant d'abord qu'en conduites sensori-motrices (perceptions et mouvements combinés), le comportement aboutit à des intériorisations représentatives, comme dans le cas de l'intelligence humaine où les actions se prolongent en opérations mentales. Mais les mouvements intérieurs de l'organisme, comme une contraction musculaire ou la circulation du sang, ne sont pas des comportements, quoique les conditionnant. D'autre part, les altérations de l'atmosphère par la respiration n'en sont pas non plus, en tant que résultant de processus non destinés à exercer une action sur le milieu (bien que cet effet se produise, et de façon massive dans le cas de l'oxygène dû aux végétaux). Par contre les réflexes d'un animal ou les réactions à la lumière d'une fleur d'Ornithogale seront dits « comportements » parce que visant à modifier, si localement ou occasionnellement que ce soit, les relations entre l'organisme et le milieu. Il en est de même des perceptions, toujours subordonnées à des conduites d'ensemble, effective ou virt­uelles. En un mot, le comportement est consti­tué par les actions de caractère téléonomique visant à utiliser ou transformer le milieu ainsi qu'à conserver ou à augmenter les pouvoirs que les organismes exercent sur lui."

 

Jean Piaget, Le Comportement, moteur de l'évolution, 1976, Gallimard idées, p. 7-8.


 

  "Si nous commencions par définir ce qu'est exactement le comportement animal ? Il s'agit, d'une manière générale, de tous les mouve­ments que peut faire l'animal. Cela comprend les mouvements associés à la nutrition, à la reproduction ou même à la respiration. Mais ce n'est pas tout. De légers mouvements d'une partie du corps, tels que de dresser les oreilles ou d'émettre un son, font également partie du comportement. De même, un peu comme nous rougissons, certains animaux changent de cou­leur ; ce qui peut être un camouflage et aussi parfois une arme efficace pour effrayer une autre bête ou pour attirer une femelle courtisée. Comportement encore, le simple fait de rester immobile, l'œil aux aguets ou « pensant », attitudes qui peuvent influencer la conduite ul­térieure de l'animal.
  Le comportement des animaux est très va­rié, aussi varié, en fait, que peuvent l'être leur forme, leur taille ou leur couleur. Il n'existe pas deux espèces qui se conduisent identique­ment. Ainsi, le rouge-gorge se distinguera par son chant particulier, par la manière dont il sautille et picore notre pelouse, par le genre d nid qu'il bâtit et par sa façon de réagir à l'approche d'un ennemi ou d'un congénère. Mais, bien sûr, une même espèce pourra réa­liser une même chose de différentes manières. Ainsi, la mouette se nourrit de poisson pêché dans la mer, mais elle peut aussi tuer un oiseau malade, gratter le sol d'une prairie pour y chercher des vers ou attraper des insectes au vol.

  Pourquoi un animal se conduit-il comme il le fait ? C'est une question d'apparence simple mais qui, en fait, en recouvre deux.
  Supposons que nous regardions un chien manger. Lorsque nous nous demandons : « pourquoi mange-t-il ? nous pouvons penser « à quoi lui sert-il de manger ?» et, dans ce cas, la réponse est évidemment qu'il mange pour survivre. Mais si nous pensons « qu'est-ce qui le pousse à manger ? », nous ne cherchons pas les effets de sa conduite mais ses causes. Il importe de savoir alors si le chien a été ou non privé de nourriture, s'il est stimulé par la vue et l'odeur des aliments et s'il a appris étant jeune où et quand chercher cette nourriture.
  À l'heure actuelle, l'étude de la valeur que présente le comportement dans le domaine de la survie est entrée dans une phase intéressante. La théorie de l'évolution par « sélection natu­relle », émise il y a environ un siècle par Char­les Darwin, bouleversa le monde à cette épo­que. Pour lui, la merveilleuse adaptabilité des animaux et des plantes que nous voyons autour de nous n'était pas due à une création soudaine mais à un long processus d'évolution. Au cours des âges, disait-il, seuls survécurent les plantes et les animaux qui possédaient les caractères et les capacités leur permettant de s'adapter à des changements d'environnement.
  Ainsi, les organismes étaient-ils devenus ce qu'ils sont par sélection continue des individus le mieux adaptés et l'élimination de ceux le moins bien adaptés.
  Cette théorie conduisit à toutes sortes de re­cherches pour déterminer si certaines particu­larités animales contribueraient réellement à l'adaptation. Des découvertes passionnantes fu­rent ainsi réalisées dans ce qu'on appelle le do­maine du «comportement adaptatif», l'une des plus fameuses concernant probablement la noc­tuelle et la fleur de Yucca.
  La femelle de cette noctuelle est un des ra­res papillons qui pondent ses œufs dans un tube spécial, l'oviscape. Ce tube minuscule et fin comme une aiguille pénètre dans la fleur et permet au papillon d'y déposer ses œufs. Au cours de cette opération, la noctuelle collecte le pollen à l'intérieur du Yucca et le fertilise, lui permettant de produire des graines. Les chenilles du papillon, qui se développent dans la fleur et vivent de graines, auront ainsi une ample provision de nourriture. Et, comme il y a infiniment plus de graines que les chenilles n'en pourront jamais manger, la plante ne subit aucun dommage. Ainsi, cette forme de coopé­ration garantit la survie du papillon comme de la plante.
  L'épinoche offre un autre exemple de com­portement adaptatif. Ce petit poisson bâtit dans l'eau un nid ayant la forme d'un tube ouvert. Puis le mâle, après avoir persuadé une ou plusieurs femelles de venir y déposer leurs œufs, monte la garde auprès du nid d'une manière intéressante : alternativement, il nage autour du nid et dirige de l'eau vers lui par des coups de nageoire rapides et réguliers.
  Pourquoi l'épinoche agit-il ainsi ? Quelques expériences ont fourni la réponse également très simple. Il « ventile» ses œufs en évacuant l'eau stagnante et en leur fournis­sant, grâce à de l'eau fraîchement aérée, l'oxygène dont ils ont besoin. Les œufs meurent en effet si l'on retire le mâle ou si on les sépare de lui par une plaque de verre. Par contre, ils ne meurent pas si le mâle est remplacé par un tube de verre qui dirige sur le nid de l'eau aérée; mais, que l'on arrête le courant d'eau ou que l'on vienne à utiliser de l'eau viciée, et les œufs ne survivront pas."

 

Nikolas Tinbergen, Le Comportement animal, 1967, tr. fr. Marie-Claire Busnel, collections Time-Life, 1968, p. 8-10.

 

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Date de création : 17/10/2020 @ 08:01
Dernière modification : 17/10/2020 @ 08:01
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