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Hors des sentiers battus
Devoirs indirects envers les animaux

  "Les animaux […] n'ont pas conscience d'eux-mêmes et ne sont par conséquent que des moyens en vue d'une fin. Cette fin est l'homme. Aussi celui-ci n'a-t-il aucun devoir direct envers eux. […] Les devoirs que nous avons envers les animaux n'en sont que des devoirs indirects envers l'humanité. Les animaux sont un analogon de l'humanité ; en observant nos devoirs envers les animaux, pour tout ce qui en eux entretient quelque analogie avec la nature humaine, nous observons en fait (indirectement) nos devoirs envers l'humanité.

  Le chien qui a longuement et fidèlement servi son maître nous offre un exemple de ceci. Par analogie avec le service humain, on dira que ce chien mérite récompense, que s'il devient trop vieux pour servir son maître, celui-ci devra toute de même le garder à sa charge jusqu'à ce qu'il meure. Cela favorise l'accomplissement de nos devoirs envers l'humanité, d'après lesquels nous aurions été tenus à une telle action. Quand les actions des animaux offrent une analogie avec les actions humaines et paraissent découler des mêmes principes, nous avons donc des devoirs envers ces êtres, en tant que par là nous favorisons l'accomplissement des devoirs correspondants que nous avons envers l'humanité. Celui qui abat son chien parce qu'il ne lui est plus d'aucune utilité et ne lui rapporte même pas ce qu'il faut pour le nourrir, n'enfreint pas en vérité le devoir qu'il a envers son chien, puisque celui-ci est incapable de jugement, mais il commet un acte qui heurte en lui le sentiment d'humanité et de bienveillance, auxquels il lui faut pourtant donner suite, en vertu des devoirs qu'il a envers l'humanité. S'il ne veut pas étouffer en lui ces qualités, il doit déjà s'exercer à la bonté de coeur envers les animaux, car l'homme qui est déjà cruel envers eux est aussi endurci avec les hommes. On peut déjà juger du coeur d'un homme au traitement qu'il réserve aux animaux. Hogarth a bien illustré dans ses gravures comment se développe la cruauté. Il la montre d'abord à l'oeuvre chez les enfants qui font subir des mauvais traitements aux animaux, en leur pinçant la queue par exemple ; puis il la dépeint dans l'image de l'homme qui écrase un enfant avec son char, pour finalement la montrer sous la forme la plus terrible, dans le meurtre. Cela devrait servir de leçon aux enfants. Plus on observe la conduite des animaux, plus on apprend à les aimer, car on voit avec quel soin ils s'occupent de leurs petits. Il est alors difficile, ne serait-ce qu'en pensée d'être cruel avec eux, même avec le loup. Leibniz s'est par exemple servi d'un petit ver qu'il voulait observer, après quoi il le remit, avec sa feuille, dans l'arbre où il l'avait pris, afin qu'il ne subisse aucun tort à cause de lui. Il aurait été désolé de détruire sans raison une telle créature. Cette mansuétude envers les animaux ne peut que s'étendre pas la suite aux hommes eux-mêmes. En Angleterre, les bouchers, les chirurgiens et les médecins ne sont pas admis à faire partie des jurys, parce qu'on considère que leur profession les a trop endurcis face à la mort. Les anatomistes, qui se servent d'animaux vivants pour leurs expériences, agissent certes de façon cruelle, mais c'est pour un bon motif. Comme les animaux peuvent être considérés comme des instruments à la disposition de l'homme, cette pratique est justifiée, contrairement à la cruauté qui n'a d'autre motif que le jeu. Un maître qui tue son âne ou son chien parce qu'ils ne lui rapportent même plus ce qu'il en coûte pour les nourrir est en réalité un esprit très petit. […]
  Nos devoirs envers les animaux sont donc des devoirs indirects envers l'humanité."

 

Kant, Leçons d'éthique, 1775-1780, tr. fr. L. Langlois (revue), Le Livre de Poche, 1997, p. 391-393.


 

  "Concernant la partie des créatures qui est vivante, bien que dépourvue de raison, un traitement violent et en même temps cruel des animaux est opposé au devoir de l'homme envers lui-même, parce qu'ainsi la sympathie à l'égard de leurs souffrances se trouve émoussée en l'homme et que cela affaiblit et peu à peu anéantit une disposition naturelle très profitable à la moralité dans la relation avec les autres hommes. Cela est vrai quand bien même, dans ce qui est permis à l'homme, s'inscrit le fait de tuer rapidement (d'une manière qui évite de les torturer) les animaux, ou encore de les astreindre à un travail (ce à quoi, il est vrai, les hommes eux aussi doivent se soumettre), à condition simplement qu'il n'excède pas leurs forces ; à l'inverse, il faut avoir en horreur les expériences physiques qui les martyrisent pour le simple bénéfice de la spéculation, alors que, même sans elles, le but pourrait être atteint. Même la reconnaissance pour les services longtemps rendus par un vieux cheval ou un vieux chien (comme s'ils étaient des personnes de la maison) appartient indirectement aux devoirs de l'homme, à savoir au devoir conçu en considération de ces animaux, mais cette reconnaissance, envisagée directement, n'est jamais qu'un devoir de l'homme envers lui-même."

 

Kant, Métaphysique des mœurs, 1797, II, Doctrine de la vertu, Chapitre épisodique : de l'amphibologie des concepts moraux de la réflexion, § 17, tr. fr. Alain Renaut.

 

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Date de création : 31/03/2021 @ 09:21
Dernière modification : 31/03/2021 @ 09:21
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