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Texte à méditer :  Je suis homme, et rien de ce qui est humain ne m'est étranger.   Terence
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Hors des sentiers battus
Le statut juridique de l'animal

  "En droit français, il existe deux textes essentiels à partir desquels se décline, sous le regard des droits européens et plus particulièrement du droit communautaire soucieux du bien-être animal, la prote­ction des animaux. Il s'agit de deux articles du code pénal : l'article R-654-1 et l'article 521-1. […]
  L'article R-654-1 est l'héritier de la vieille loi Gram­mont [sur les mauvais traitements envers les animaux domestiques, datée du 2 juillet 1850,  qui stipule que "seront punis d'une amende de cinq à quinze francs, et pourront l'être d'un à cinq jours de prison, ceux qui auront exercé publiquement et abusivement des mauvais traitements envers les animaux domestiques."]. Il incrimine les mauvais traitements envers un animal en ces termes : « Le fait, sans nécessité, publiquement ou non, d'exercer volontairement des mauvais traite­ments envers un animal domestique ou apprivoisé ou tenu en captivité est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 4e classe », c'est-à-dire 750 euros.

  L'article 521-1 réprime quant à lui les sévices graves ou actes de cruauté envers les animaux de la manière suivante : « Le fait, publiquement ou non d'exercer des sévices graves ou de nature sexuelle ou de commettre un acte de cruauté envers un animal domestique, ou apprivoisé ou tenu en captivité est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euro d'amende.»
  Ce qui nous aura frappé, c'est la différence entre les 750 euros d'amende prévus en cas de mauvais traitements et les deux ans d'emprisonnement accompagnés de 30 000 euros d'amende encourus en cas de sévices graves ou de mauvais traitements. Vous aurez donc entrevu un des premiers enjeux du débat juridique qui se posent en terme de qualification et qui, pour les défenseurs des animaux, consiste à faire passer le maximum de faits de la catégorie mauvais traitements à la catégorie sévices graves ou actes de cruauté. C'est à une bataille de critères qu'il faut alors s'attendre […]
  Il y a entre Je deux textes une autre différence qui saute moins aux yeux et qui n'existe d'ailleurs que depuis une loi du 6 janvier 1999 grâce à Mme Suzanne Antoine. L'article R-654-1 du code pénal vise le fait, sans nécessité, publiquement ou non d'exercer, etc. L'article 521-1 commençait de la même manière, mais depuis la réforme de 1995 « sans nécessité » a disparu. On ne peut donc plus plaider que l'on s'est trouvé dans la nécessité d'infliger un acte de cruauté ou un sévice grave à un animal. En revanche, on peut toujours faire valoir la nécessité de faire subir un mauvais traitement à un animal. Vous apercevez là un autre enjeu du débat juridique relatif à la nécessité ou à l'absence de nécessité d'un traitement qui selon le cas ne tombera pas ou tombera sous le coup de l'article R-654-1.
  Il y a un point commun aux deux textes qui est essentiel : vous l'aurez noté, les animaux protégés contre les mauvais traitements, les actes de cruauté ou les sévices graves sont exclusivement les ani­maux domestiques, apprivoisés ou tenus en capti­vité. Les animaux sauvages, qui, par ailleurs, peuvent être protégés en tant que représentants d'une espèce menacée de disparition et trouver leur place en droit de l'environnement, ne sont donc pas concer­nés. Vous avez là le troisième enjeu du débat juridi­que : faire disparaître la distinction pour que les animaux sauvages, également aptes à la souffrance, soient protégés eux aussi contre les mauvais traite­ments et les actes de cruauté."

 

Jean-Pierre Marguénaud, "Déverrouiller le débat juridique", 2009, in Qui sont les animaux ?, Folio essais, 2010, p. 154-156.


 

  "Certains expriment le souhait de donner des droits aux animaux, ou au moins à certains d'entre eux, ce qui supposerait de les doter de la personnalité juridique. Les animaux doivent certainement être juridiquement protégés, mais il n'est nul besoin de leur donner des droits pour imposer aux êtres humains des devoirs envers eux même si, à titre militant, la qualification peut contribuer à faire prendre conscience des progrès à faire en la matière.
  Les animaux n'ayant pas accès au langage, ils n'ont pas accès à l'univers symbolique et donc au droit. Ils peuvent émettre des sons et aussi communiquer : répondre à certains signaux, apprendre à indexer des signaux sur des choses du monde réel et même reconnaître des signes abstraits pour les animaux les plus intelligents (un chien saura ainsi répondre à son nom). La communication n'est cependant pas du langage, lequel suppose précisément l'accès à un monde symbolique. Seul l'être humain a une vie autonome de la représentation, c'est-à-dire peut penser dans un monde purement symbolique dissocié du réel (seul l'être humain peut pour cette raison même délirer). L'animal n'est pas confronté à la question du sens de la vie : s'il peut parfois - paraît-il se donner la mort (lorsqu'il est en danger), cette mort n'est pas un suicide, c'est-à-dire une mort volontaire justifiée par la difficulté d'être au monde.

  Il est alors absurde, au sens le plus métaphysique de ce terme, de parler de dignité des animaux, car la « dignité » est précisément, en droit, le substantif qui marque la différence entre l'homme et l'animal. Le législateur a pris cependant cette voie absurde en punissant, à côté des sévices graves et des actes de cruauté envers un animal domestique, les sévices « de nature sexuelle » (loi du 9 mars 2004). Doivent sans conteste être sévèrement punis tous les actes de cruauté ou les souffrances infligées à un animal ; mais en quoi y aurait-il une spécificité du crime sexuel sur un animal qui devrait être puni en soi, c'est-à-dire abstraction faite des éventuelles souffrances qu'il aurait provoquées chez lui ? L'animal n'éprouve aucune honte, aucune humiliation, en un mot, il n'a pas accès au sentiment de décence et donc au principe de dignité.
  La faible différence génétique entre l'homme et l'animal ne saurait justifier un égal traitement juridique. C'est même précisément parce que l'h0mme et l'animal sont dans une continuité biologique que le droit doit poser radicalement la différence entre les deux. Non pas pour que l'homme s'arroge le droit de maîtriser ou de martyriser les animaux, mais pour aider l'homme à s'arracher à son animalité et l'instituer dans son humanité."

 

Muriel Fabre-Magnan, Introduction au droit, 2012, PUF, Que sais-je ?, p. 103-105.

 

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Date de création : 06/04/2021 @ 11:30
Dernière modification : 07/11/2025 @ 10:40
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