"Pour assurer et maintenir la prospérité de nos manufactures, il est nécessaire que l'ouvrier ne s'enrichisse jamais, qu'il n'ait précisément que ce qu'il lui faut pour se bien nourrir et se vêtir. Dans une certaine classe du peuple, trop d'aisance assouplit l'industrie, engendre l'oisiveté et tous les vices qui en dépendent. À mesure que l'ouvrier s'enrichit, il devient difficile sur le choix et le salaire du travail. Le salaire de la main-d'œuvre une fois augmenté, il s'accroît en raison des avantages qu'il procure. C'est un torrent qui a rompu [...]. Personne n'ignore que c'est principalement au bas prix de la main-d'œuvre que les fabriques de Lyon doivent leur étonnante prospérité. Si la nécessité cesse de contraindre l'ouvrier à recevoir de l'occupation, quelque salaire qu'on lui offre, s'il parvient à se dégager de cette espèce de servitude, si ses profits excèdent ses besoins au point qu'il puisse subsister quelque temps sans le secours de ses mains, il emploiera ce temps à former une ligue. N'ignorant pas que le marchand ne peut éternellement se passer de lui, il osera, à son tour, lui prescrire les lois qui mettront celui-ci hors d'état de soutenir toute concurrence avec les manufactures étrangères, et, de ce renversement auquel le bien-être de l'ouvrier aura donné lieu, proviendra la ruine totale de la fabrique. Il est donc très important aux fabriquants de Lyon de retenir l'ouvrier dans un besoin continuel de travail, de ne jamais oublier que le bas prix de la main d'œuvre leur est non seulement avantageux par lui-même, mais qu'il le devient encore en rendant l'ouvrier plus laborieux, plus réglé dans ses mœurs, plus soumis à leurs volontés."
Étienne Mayet, Mémoire sur les fabriques de Lyon, 1786, Moutard, p. 60-61.
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