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Texte à méditer :   Les vraies révolutions sont lentes et elles ne sont jamais sanglantes.   Jean Anouilh
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Hors des sentiers battus
La philosophie comme amour de la sagesse

  "– Mais délivrer l'âme, n'est-ce pas, selon nous, à ce but que les vrais philosophes, et eux seuls, aspirent ardemment et constamment, et n'est--ce pas justement à cet affranchissement et à cette séparation de l'âme et du corps que s'exercent les philosophes ? Est-ce vrai ?
  – Évidemment.

  – Dès lors, comme je le disais en commençant, il serait ridicule qu'un homme qui, de son vivant, s'entraîne à vivre dans un état aussi voisin que possible de la mort, se révolte lorsque la mort se présente à lui.
  – Ridicule, sans contredit.
  – C'est donc un fait, Simmias, reprit Socrate, que les vrais philosophes s'exercent à mourir et qu'ils sont, de tous les hommes, ceux qui ont le moins peur de la mort. Réfléchis à ceci. Si en effet, ils sont de toute façon brouillés avec leur corps et désirent que leur âme soit seule avec elle-même, et, si d'autre part, ils ont peur et se révoltent quand ce moment arrive, n'est-ce pas une inconséquence grossière de leur part, de ne point aller volontiers en un endroit où ils ont l'espoir d'obtenir dès leur arrivée ce dont ils ont été épris toute leur vie, et ils étaient épris de la sagesse, et d'être délivrés d'un compagnon avec lequel ils étaient brouillés ? Hé quoi, on a vu beaucoup d'hommes qui, pour avoir perdu un mignon, une femme, un fils, se sont résolus d'eux-mêmes à les suivre dans l'Hadès, conduits par l'espoir d'y revoir ceux qu'ils regrettaient et de rester avec eux, et, quand il s'agit de la sagesse, l'homme qui en est réellement épris et qui a, lui aussi, la ferme conviction qu'il ne trouvera nulle part ailleurs que dans l'Hadès une sagesse qui vaille la peine qu'on en parle, se révoltera contre la mort et n'ira pas volontiers dans l'autre monde ! Il faut bien croire que si, camarade, s'il est réellement philosophe, car il aura la ferme conviction qu'il ne rencontrera nulle part la sagesse pure, sinon là-bas. Mais, s'il en est ainsi, ne serait-ce pas, comme je le disais tout à l'heure, une grossière inconséquence, qu'un tel homme eût peur de la mort ?
  – Si, par Zeus, dit-il.
  – Par conséquent, lorsque tu verras un homme se fâcher parce qu'il va mourir, tu as là une forte preuve qu'il n'aimait pas la sagesse, mais le corps, et l'on peut croire qu'il aimait aussi l'argent et les honneurs, l'un des deux, ou tous les deux ensemble.
  – Certainement, dit-il, cela est comme tu le dis."

 

Platon, Phédon, 67d-68c, tr. fr. Émile Chambry, GF, 1965, p. 116-117.

 

  "Comment voilà un homme qui, sa vie durant, s'entraîne à une manière de vivre aussi proche que possible de la mort et qui, lorsqu'elle survient, se révolte contre elle !
  - Il serait ridicule, forcément.

  - Alors, Simmias, dit-il, c'est bien une réalité: Ceux qui philosophent droitement s'exercent à mourir, et il n'y a pas homme au monde qui ait moins qu'eux peur d'être mort. Pour examiner la question, fonde-toi sur ce qui suit: du moment qu'ils sont complètement brouillés avec leur corps et désirent que leur âme soit tout à elle-­même, s'ils se mettaient, à l'instant précis où cela arrive, à avoir peur et à se révolter, ne serait-ce pas là le comble de l'illogisme ?
  S'ils n'étaient pas joyeux de s'en aller vers ce lieu où ils ont espoir, une fois arrivés, de rencontrer ce dont toute leur vie ils ont été amoureux –, espoir d'être séparés de ce compagnon avec qui ils étaient brouillés ? Quoi, pour des attachements humains, parce que des épouses ou de jeunes aimés étaient morts, tant de gens ont souhaité aller volontairement dans l'Hadès, mus par l'espoir que là-bas ils apercevraient au moins quelque chose de l'objet de leur désir, et seraient avec lui ? Et quand il s'agit de la pensée, celui qui en est réellement amoureux et qui éprouve avec intensité le même espoir de la rencontrer – d'une manière qui vaille la peine d'en parler – dans l'Hadès et nulle part ailleurs, ira se révolter au moment de mourir, et ne se réjouira pas d'aller là-bas ? Il faut croire qu'il se réjouira, ami, si c'est bien réellement qu'il est philosophe. Car il croira intensément que la pensée, il ne pourra la rencontrer en toute pureté nulle part ailleurs, seulement là-bas. Dans ces conditions ne serait-ce pas, comme je viens e le dire, le comble de l'illogisme qu'un tel homme eût peur de la mort ?
  - Le comble, par Zeus! dit-il.
  - Bien. Tu tiens là, reprit Socrate, un signe de reconnaissance suffisant : si tu vois un homme se révolter quand il est sur le point de mourir, c'est qu'il n'était pas ami du avoir mais un quelconque ami du corps ; le même pouvant d'ailleurs être aussi, si cela se trouve, ami de l'argent, ami des honneurs, soit des unes, soit des autres, soit les deux à la fois.
  - Tu dis les choses tout à fait comme elles sont! fit-il."

 

Platon, Phédon, 67d-68c, tr. fr. Monique Dixsaut, GF, 1991, p. 218-220.

 

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Date de création : 02/11/2021 @ 10:11
Dernière modification : 02/11/2021 @ 10:11
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