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Texte à méditer :  Je vois le bien, je l'approuve, et je fais le mal.  Ovide
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Hors des sentiers battus
L'amour de soi (s'aimer soi-même) ; le narcissisme

  "On se pose aussi la question de savoir si on doit faire passer avant tout l'amour de soi-même ou l'amour de quelqu'un d'autre. On critique, en effet, ceux qui s'aiment eux-mêmes par-dessus tout, et on leur donne le nom d'égoïstes, en un sens péjoratif. Et on pense à la fois que l'homme pervers a pour caractère de faire tout ce qu'il fait en vue de son propre intérêt, et qu'il est d'autant plus enfoncé dans sa perversité qu'il agit davantage en égoïste [...] et qu'au contraire l'homme de bien a pour caractère de faire une chose parce qu'elle est noble, et que sa valeur morale est d'autant plus grande qu'il agit davantage pour de nobles motifs et dans l'intérêt même de son ami, laissant de côté tout avantage personnel.
  Mais à ces arguments, les faits opposent un démenti, et ce n'est pas sans raison. On admet, en effet, qu'on doit aimer le mieux son meilleur ami, le meilleur ami étant celui qui, quand il souhaite du bien à une personne, le souhaite pour l'amour de cette personne, même si nul de doit jamais le savoir. Or ces caractères se rencontrent à leur plus haut degré, dans la relation du sujet avec lui-même, ainsi que tous les autres attributs par lesquels on définit un ami : nous l'avons dit en effet, c'est en partant de cette relation de soi-même à soi-même que tous les sentiments qui constituent l'amitié se sont par la suite étendus aux autres hommes. [...] un homme est à lui-même son meilleur ami, et par suite il doit s'aimer lui-même par-dessus tout".

 

Aristote, Éthique à Nicomaque, IX, 8, 1168 a 27 - 1168 b 10, tr. fr. Jules Tricot, Vrin, 1990, p. 455-456.


 

  "Un homme est dit tempérant ou intempérant suivant que son intellect possède ou non la domination, ce qui implique que chacun de nous est son propre intellect. Et les actions qui nous semblent le plus proprement  nôtres, nos actions vraiment volontaires, sont celles qui s'accompagnent de raison. Qu'ainsi donc chaque homme soit cette partie dominante même, ou qu'il soit tout au moins principalement cette partie, c'est là une chose qui ne souffre aucune obscurité, comme il est évident aussi que l'homme de bien aime plus que tout cette partie qui est en lui. D'où il suit que l'homme de bien sera suprêmement égoïste, quoique d'un autre type que celui auquel nous réservons notre réprobation, et dont il diffère dans toute la mesure où vivre conformément à un principe diffère de vivre sous l'empire de la passion, ou encore dans toute la mesure où désirer le bien est autre que désirer ce qui semble seulement avantageux. Ceux donc qui s'appliquent avec une ardeur exceptionnelle à mener une conduite conforme au bien sont l'objet d'une approbation et d'une louange unanimes ; et si tous les hommes rivalisaient en noblesse morale et tendaient leurs efforts pour accomplir les actions les plus parfaites, en même temps que la communauté trouverait tous ses besoins satisfaits, dans sa vie privée chacun s'assurerait les plus grands des biens, puisque la vertu est précisément un bien de ce genre.
  Nous concluons que l'homme vertueux a le devoir de s'aimer lui-même (car il trouvera lui-même profit en pratiquant le bien, et en fera en même temps bénéficier les autres), alors que l'homme vicieux ne le doit pas (car il causera du tort à la fois à lui-même et à ses proches, en suivant comme il fait ses mauvaises passions). Chez l'homme vicieux, donc, il y a désaccord entre ce qu'il doit faire et ce qu'il fait, alors que l'homme de bien, ce qu'il doit faire il le fait aussi, puisque toujours l'intellect choisit ce qu'il y a de plus excellent pour lui-même, et que l'homme de bien obéit au commandement de son intellect."

 

Aristote, Éthique à Nicomaque, IX, 8, 1168b33-1169a18, tr. fr. Jules Tricot, Vrin, 1990, p. 458-459.

 

  "On dit d'un homme qu'il est maître de soi, ou non, suivant que la raison domine ou ne domine pas en lui, ce qui implique que c'est là ce qui constitue proprement chacun de nous. Et les actions que nous faisons nous-même, et volontairement, sont spécialement celles qu'on accomplit rationnellement. Chacun est donc cette partie souveraine – ou il l'est principalement – et l'honnête homme l'aime par-dessus tout, cela est clair ; comme il est clair aussi que c'est de lui qu'on pourrait dire, par excellence, qu'il s'aime lui-même, mais d'une espèce d'amour de soi bien différente de l'égoïsme qu'on blâme. Elle en diffère, en effet, autant qu'une vie conforme à la raison diffère d'une vie assujettie aux passions, autant que le désir du beau diffère du désir de ce que l'on croit utile.
  Ainsi, tout le monde approuve et loue ceux qui se distinguent par leur ardeur à faire de belles actions ; et si tous les hommes rivalisaient en amour pour le beau, et s'efforçaient à faire les actions les plus belles, on verrait à la fois la communauté comblée de tout ce qu'il lui faut, et chacun en particulier assuré des biens les plus grands, puisque la vertu est précisément le plus grand bien. D'où il faut conclure que l'homme vertueux doit s'aimer lui-même (car en faisant de belles actions, il en tirera lui-même profit, et en procurera aux autres). Le méchant, au contraire, ne doit pas s'aimer lui-même (car en s'abandonnant à de viles passions, il se nuira infailliblement à lui-même et aux autres). Chez le méchant, donc, il y a dissonance entre ce qu'il fait et ce qu'il doit faire ; l'honnête homme, au contraire, ce qu'il doit faire, il le fait : car la raison choisit toujours ce qui est le meilleur pour elle ; et l'honnête homme obéit à la raison."

 

Aristote, Éthique à Nicomaque, Livre IX, chapitre 8.


 

  "Je suis séduit, je vois, mais ce que je vois et qui me séduit, je ne puis le saisir ; si grande est l'erreur qui m'abuse dans mon amour. Et, pour ajouter encore à ma douleur, ni l'immensité de la mer ne nous sépare, ni une longue route, ni des mon­tagnes, ni des murailles aux portes closes : une mince couche d'eau est tout ce qui empêche notre union. Il aspire lui-même à mon étreinte ; car, chaque fois que j'ai tendu les lèvres à ces ondes limpides, lui, chaque fois, de sa bouche renversée, il a cherché à atteindre la mienne. On croirait qu'on peut le toucher, bien faible est l'ob­stacle entre nos ardeurs. Qui que tu sois, sors, viens ! Pourquoi, enfant sans pareil, te joues-tu de moi ? Quand je te cherche, quelle est ta retraite ? Certes, je ne suis ni d'un air ni d'un âge à te faire fuir ! Des nymphes m'ont aimé, moi aussi. Sur ton visage chéri tu me laisses lire je ne sais quel espoir, et, quand je te tends les bras, tu me les tends de ton côté ; à mon sourire répond ton sourire, et souvent aussi j'ai vu couler tes larmes quand j'en versais ; d'un signe de tête tu réponds aussi à mes signes ; et, autant que je le devine au mouvement de ta bouche charmante, tu me renvoies des mots qui n'arrivent pas à mes oreilles ! — Tu n'es autre que moi-même, je l'ai compris ; je ne suis plus dupe de ma propre image. C'est pour moi que je brûle d'amour, et cette ardeur, je la provoque à la fois et la ressens. Que faire ? Être sollicité ou solliciteur ? Et que solliciter désormais ? Ce que je désire, je le porte en moi-même, mon dénuement est venu de ma richesse. Oh ! si je pouvais me dissocier de mon propre corps ! Souhait insolite chez un amant, ce que j'aime, ce que j'aime, je voudrais en être séparé. Et voici que la douleur m'enlève mes forces ; il ne me reste plus longtemps à vivre et je m'éteins à la fleur de mon âge. Mais mourir ne m'est pas à charge, puisqu'en mourant je déposerai le fardeau de ma douleur. Pour celui qui est l'objet de ma tendresse, j'aurais souhaité une plus longue vie. Maintenant, tous deux, unis de cœur, nous exhalerons ensemble notre dernier souffle. »"

 

Ovide, Les Métamorphoses, Livre III, tr. fr. Joseph Chamonard, GF, p. 101.


 

  "Si l'on examine avec soin ce qui attache ordinairement les hommes plutôt à une opinion qu'à une autre, on trouvera que ce n'est pas la pénétration de la vérité et la force des raisons, mais quelque lien d'amour-propre, d'intérêt ou de passion. C'est le poids qui emporte la balance, et qui nous détermine dans la plupart de nos doutes ; c'est ce qui donne le plus grand branle à nos jugements, et qui nous y arrête le plus fortement. Nous jugeons des choses, non par ce qu'elles sont en elles-mêmes, mais par ce qu'elles sont à notre égard ; et la vérité et l'utilité ne sont pour nous qu'une même chose.
  Il n'en faut point d'autres preuves que ce que nous voyons tous les jours, que des choses tenues partout ailleurs pour douteuses, ou même pour fausses, sont tenues pour très-certaines par tous ceux d'une nation ou d'une profession, ou d'un Institut ; car n'étant pas possible que ce qui est vrai en Espagne soit faux en France, ni que l'esprit de tous les Espagnols soit tourné si différemment de celui de tous les Français, qu'à ne juger des choses que par les règles de la raison, ce qui paraît vrai généralement aux uns paraisse faux généralement aux autres ; il est visible que cette diversité de jugement ne peut venir d'autre cause, sinon qu'il plaît aux uns de tenir pour vrai ce qui leur est avantageux, et que les autres, n'y ayant point d'intérêt, en jugent d'une autre sorte.
  Cependant qu'y a-t-il de moins raisonnable que de prendre notre intérêt pour motif de croire une chose ? Tout ce qu'il peut faire au plus, est de nous porter à considérer avec plus d'attention les raisons qui peuvent nous faire découvrir la vérité de ce que nous désirons être vrai : mais il n'y a que cette vérité, qui doit se trouver dans la chose même indépendamment de nos désirs, qui doive nous persuader. Je suis d'un tel pays ; donc je dois croire qu'un tel saint y a prêché l'Évangile. Je suis d'un tel ordre ; donc je crois qu'un tel privilège est véritable. Ce ne sont pas là des raisons. De quelque ordre et de quelque pays que vous soyez, vous ne devez croire que ce qui est vrai, et que ce que vous seriez disposé à croire si vous étiez d'un autre pays, d'un autre ordre, d'une autre profession. […]
  On peut rapporter à la même illusion de l'amour-propre celle de ceux qui décident par un principe général commode, qui est, qu'ils ont raison, qu'ils connaissent la vérité ; d'où il ne leur est pas difficile de conclure que ceux qui ne sont pas de leur sentiment se trompent : en effet, la conclusion est nécessaire.
  Le défaut de ces personnes ne vient pas de ce que l'opinion avantageuse qu'elles ont de leurs lumières leur fait prendre toutes leurs pensées pour tellement claires et évidentes, qu'elles s'imaginent qu'il suffit de les proposer pour obliger tout le monde à s'y soumettre ; et c'est pourquoi elles se mettent si peu en peine d'en apporter des preuves : elles écoutent peu les raisons des autres, elles veulent tout emporter par autorité, parce qu'elles ne distinguent jamais leur autorité de la raison ; elles traitent de téméraires, tous ceux qui ne sont pas de leur sentiment, sans considérer que si les autres ne sont pas de leur sentiment, elles ne sont pas aussi du sentiment des autres, et qu'il n'est pas juste de supposer sans preuve que nous avons raison, lorsqu'il s'agit de convaincre des personnes qui ne sont d'une autre opinion que nous, que parce qu'elles sont persuadées que nous n'avons pas raison."

 

Antoine Arnauld et Pierre Nicole, La logique ou l'art de penser, 1662, 3e partie, Chapitre XX, Champs Flammarion, 1978, p. 324-326.


 

  "Si le concept d'amour appliqué à divers objets ne soulève aucune objection, par contre, nombreux sont ceux qui croient qu'autant il est vertueux d'aimer autrui, autant il est coupable de s'aimer soi-même. Dans la mesure où je m'aime, suppose-t-on, je n'aime pas les autres, l'amour de soi étant synonyme d'égoïsme. Ce point de vue remonte loin dans la pensée occidentale. Calvin parle de l'amour de soi comme de « la peste ». Freud l'envisage en termes psychiatriques, mais son jugement de valeur rejoint en fait celui de Calvin. Pour lui, l'amour de soi se confond avec le narcissisme, état dans lequel la libido est tournée vers le sujet lui-même. Le narcissisme représente le premier stade du dévelop­pement humain, et la personne qui ultérieurement régresse à ce stade s'avère incapable d'amour ; à la limite, elle sombre dans la folie. Freud suppose que l'amour est une manifestation de la libido, celle-ci étant ou bien tournée vers les autres – dans l'amour –, ou bien vers soi­-même – dans l'amour de soi. L'amour et l'amour de soi apparaissent dès lors comme mutuellement exclusifs en ce sens que plus il y a de l'un, moins il y a de l'autre. Si l'amour de soi est un vice, il s'ensuit que l'oubli de soi est une vertu.
  Mais plusieurs problèmes se posent. L'observation psychologique corrobore-t-elle la thèse selon laquelle il existe une contradiction fondamentale entre l'amour de soi et l'amour des autres ? L'amour de soi et 1'égoïsme constituent-ils un seul et même phénomène, ou des phénomènes opposés ? Est-il d'ailleurs certain que l'égoïsme de l'homme moderne traduise réellement un souci de lui-même en tant qu'individu, avec toutes les ressources de son intelligence, de son affectivité et de ses sens ? L'homme moderne n'est-il pas devenu plutôt une excroissance de son rôle socio-économique ? Son égoïsme s'identifie-t-il avec l'amour de soi ou résulte-t-il au contraire d'un manque de ce dernier ?

  Avant de discuter les aspects psychologiques de l'égoïsme et de l'amour de soi, nous avons à dénoncer l'erreur de logique qui sous-tend la notion d'incompatibilité entre l'amour des autres et l'amour de soi. Si c'est une vertu d'aimer mon prochain en tant qu'être humain, ce doit en être une – et non un vice – de m'aimer moi­-même, étant donné que je suis aussi un être humain. Il n'est point de concept de l'homme dans lequel je ne sois moi-même inclus. Toute doctrine qui proclame une telle incompatibilité se pose d'emblée comme intrinsèque­ment contradictoire. Le précepte biblique « Aime ton prochain comme toi-même » signifie précisément que le respect de sa propre intégrité et singularité, l'amour et la compréhension de son propre soi, sont inséparables du respect, de l'amour et de la compréhension d'autrui. L'amour de mon propre moi est indissolublement lié à l'amour des autres.
  Nous en arrivons aux prémisses psychologiques sur lesquelles repose en définitive notre argumentation. Succinctement, on peut les formuler comme suit : nos sentiments et attitudes ont non seulement les autres, mais nous-mêmes, pour « objet ». En quoi il n'y a pas contradiction mais conjonction fondamentale. Autre­ment dit, pour en revenir au problème qui nous occupe, l'amour des autres et l'amour de nous-mêmes ne cons­tituent pas une alternative. Au contraire, l'amour de soi se rencontre chez tous ceux qui sont capables d'aimer les autres. L'amour est en principe indivisible pour ce qui est de la connexion entre les « objets » et son propre soi. S'il est authentique, il se donne comme une expression de pro­ductivité et implique sollicitude, respect, responsabilité et connaissance. Il n'est pas un « affect » au sens où l'on est affecté par quelqu'un, mais un dynamisme actif, s'enracinant dans notre propre capacité d'amour, et qui vise à la croissance et au bonheur de la personne aimée.
  Dans l'amour d'un être s'actualise et se concentre la puissance d'aimer. L'affirmation fondamentale inhé­rente à l'amour se porte sur la personne aimée en tant qu'elle incarne des qualités essentiellement humaines. L'amour d'un seul être met en jeu l'amour de l'homme comme tel. Cette espèce de « division du travail », comme l'appelle William James, en vertu de laquelle l'attachement à la famille voisine avec l'indifférence à l'égard de 1' « étranger », témoigne d'une impuissance foncière à aimer. Quoi qu'on en pense généralement, l'amour de l'homme ne résulte pas d'une abstraction réalisée à partir de l'amour d'une personne spécifique, mais il en constitue au contraire la prémisse, même si génétiquement il s'acquiert en aimant des individus spécifiques.
  En conclusion, il est donc légitime de prétendre que le moi propre doit être objet de notre amour au même titre que toute autre personne. L'affirmation de notre vie, de notre bonheur, de notre croissance et de notre liberté, s'enracine dans notre capacité d'aimer, c'est-à-dire dans la sollicitude, le respect, la responsabilité et la connaissance. Si quelqu'un est capable d'amour productif, il s'aime également ; s'il ne peut aimer que les autres, il n'aime en aucune façon."

 

Erich Fromm, L'Art d'aimer, 1956, 2e partie, chapitre 3, tr. fr. J.-L. Laroche et Françoise Tcheng, Desclée de Brouwer, 1995, p. 77-80.


 

  "Étant admis que l'amour de soi est en principe indissociable de l'amour d'autrui, comment alors expliquer l'égoïsme, qui manifestement exclut tout souci authentique pour les autres ? La personne égoïste ne se préoccupe que d'elle-même, accapare tout à son profit, ne trouve aucun plaisir à donner, mais uniquement à prendre. Elle envisage le monde extérieur sous l'angle exclusif de ce qu'elle peut en tirer, indifférente aux besoins des autres, sans respect pour leur dignité et intégrité. N'ayant qu'elle-même en vue, elle juge de chacun et de chaque chose en fonction de leur utilité. En somme elle se montre fondamentalement incapable d'aimer. N'est-ce pas la preuve que le souci des autres et le souci de soi-même constituent une alternative inévitable ? Il en serait ainsi si l'égoïsme et l'amour de soi étaient identiques. Mais admettre ce présupposé, c'est en revenir au sophisme dont nous avons dénoncé […] les conclusions aberrantes. Loin d'être identiques, l'égoïsme et l'amour de soi sont en fait des phénomènes contraires. La personne égoïste, plutôt que de s'aimer trop, s'aime trop peu ; disons-le, elle se hait. Ce manque d'affection et de sollicitude pour elle-même, qui n'est au fond qu'une expression parmi d'autres de son manque de productivité, la laisse vide et frustrée. Nécessairement malheureuse, elle se montre avide d'arracher à la vie des satisfactions qu'elle pourrait obtenir si elle n'y faisait elle-même obstacle. L'attention excessive qu'elle semble se porter ne représente en fin de compte qu'une vaine tentative pour dissimuler et compenser son échec à prendre soin de son soi réel. Freud soutient que la personne égoïste est narcissique, comme si elle avait retiré d'autrui tout son potentiel d'amour pour le reporter sur sa propre personne. Certes, les personnes égoïstes sont incapables d'aimer autrui, mais elles sont tout aussi incapables de s'aimer elles-mêmes."

 

Erich Fromm, L'Art d'aimer, 1956, 2e partie, chapitre 3, tr. fr. J.-L. Laroche et Françoise Tcheng, Desclée de Brouwer, 1995, p. 80-81.

 

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Date de création : 04/01/2022 @ 15:46
Dernière modification : 04/01/2022 @ 15:46
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