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Texte à méditer :  Il n'y a rien de plus favorable à la philosophie que le brouillard.  Alexis de Tocqueville
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Hors des sentiers battus
Le monde de Ptolémée

   "I. De l'ordre des phénomènes.

  Nous commencerons cet ouvrage par considérer d'abord la relation de la terre en général avec tout le ciel ; ensuite, entrant dans les détails, nous parlerons premièrement de la situation du cercle oblique et de la position des lieux de cette partie de la terre que nous habitons, ainsi que des différences qui existent entre les uns et les autres, par les diverses inclinaisons de leurs horizons respectifs ; car ces préliminaires faciliteront les recherches qui suivront. En second lieu, nous considérerons le mouvement du soleil, celui de la lune et toutes leurs circonstances. Car, sans cette connaissance préalable, il serait impossible d'appuyer sur une méthode certaine, la théorie des étoiles. Puis, continuant sur ce plan, pour terminer par les étoiles, nous exposerons d'abord la sphère de celles qu'on appelle fixes ; ensuite viendront les cinq astres qu'on nomme planètes. Nous entreprendrons d'expliquer chacune de ces choses, en posant pour principes et pour bases de ce que nous voulons trouver, ce qui est évident, réel et certain, tant dans les phénomènes, que dans les observations anciennes et modernes, et en déduisant de ces conceptions leurs conséquences [...].
  Avant tout, il faut admettre généralement que le ciel est de forme sphérique, et qu'il se meut à la manière d'une sphère ; que la terre, par sa figure, prise dans la totalité de ses parties, est sensiblement un sphéroïde. Qu'elle est au milieu de tout le ciel, comme dans un centre ; et que, par sa grandeur et sa distance relativement à la sphère des étoiles fixes, elle n'est qu'un point sans mouvement et sans, déplacement. Nous allons parcourir brièvement chacune de ces assertions, pour les rendre plus présentes à l'esprit.

  II. Le ciel se meut sphériquement.

  L'observation a sans doute suffi aux anciens pour leur donner les premières idées sur ces objets. Ils voient, en effet, le soleil, la lune et les étoiles transportés d'orient en occident, dans des cercles toujours parallèles entr'eux, commencer par se lever d'en bas, comme de terre ; et, parvenus peu à peu en haut, redescendre d'une manière semblable, s'abaisser et finir par disparaître comme tombant sur terre ; et, après quelque temps de disparition, se montrer de nouveau, comme se levant d'un autre point, et se couchant de même, en observant exactement les vicissitudes réglées qui ramènent généralement et les mêmes temps et les mêmes lieux des levers et des couchers.
  La révolution circulaire des étoiles toujours visibles, contribua le plus à l'idée de sphéricité dont on eut bientôt acquis la certitude, en voyant, surtout, que cette révolution se fait en tournant autour d'un centre unique et le même pour toutes. Ce point fut nécessairement pris pour le pôle de la sphère céleste ; car les étoiles qui en sont les plus voisines, parcourent de plus petits cercles, et les autres qui en sont plus éloignées, décrivent des cercles plus grands, à proportion de leur éloignement, jusqu'à la distance où commencent les étoiles qui disparaissent ; parmi celles-ci, on voyait les plus proches des étoiles toujours visibles demeurer moins de temps dans leur disparition, et celles qui en sont plus éloignées rester d'autant plus longtemps cachées, que leur distance est plus grande. Cela seul a suffi d'abord pour faire naître cette idée que les observations suivantes ont confirmée ; toutes les apparences se trouvant absolument contraires à toute autre opinion. […]"

  III. La Terre est sensiblement de forme sphérique dans l'ensemble de toutes ses parties.

  Pour concevoir que la terre est sensiblement de forme sphérique, il suffit d'observer que le soleil, la lune et les autres astres ne se lèvent et ne se couchent pas pour tous les habitants de la terre à la fois, mais d'abord pour ceux qui sont à l'orient, ensuite pour ceux qui sont à l'occident. Car nous trouvons que les phénomènes des éclipses, particulièrement de la lune, qui arrivent toujours dans le même temps absolu, pour tous les hommes, ne sont pourtant pas vues aux mêmes heures, relativement à celle de midi, c'est-à-dire, aux heures également éloignées du milieu du jour, mais que, partout, ces heures sont plus avancées pour les observateurs orientaux, et moins pour ceux qui sont plus à l'occident.  Or, la différence entre les nombres des heures où les uns et les autres voient ces éclipses, étant proportionnelle aux distances de leurs lieux respectifs, on en conclura que la surface de la terre est certainement sphérique, et que de l'uniformité de sa courbure prise en totalité, il résulte que chacune de ses parties fait obstacle aux parties suivantes, et en borne la vue d'une manière semblable pour toutes. Il en serait tout autrement, si la terre avait une autre figure, comme on peut s'en convaincre par les réflexions suivantes.
  Si la surface terrestre était concave, les habitants de ses parties occidentales seraient les premiers qui verraient les astres se lever ; si elle était plane, tous ses habitants ensemble et à la fois les verraient se lever et se coucher ; si elle était composée de triangles, de quadrilatères ou de polygones de quelqu'autre figure, tous les habitants d'une même face plane verraient les phénomènes dans le même temps, chose qui toutefois ne paraît pas avoir lieu. Il est certain aussi, que la terre n'est pas un cylindre dont la surface regarde le levant et le couchant, et dont les bases soient tournées vers les pôles du monde, conjecture qu'on pourrait juger plus vraisemblable ; car, si cela était, les habitants de la surface convexe ne verraient pas perpétuellement de certaines étoiles ; mais ou elles se lèveraient et se coucheraient entièrement, ou les mêmes à égale distance les unes d'un pôle, les autres de l'autre, seraient toujours invisibles pour tous. Cependant plus nous avançons vers les ourses, plus nous découvrons d'étoiles qui ne se couchent jamais, tandis que les australes disparaissent à nos yeux dans la même proportion. En sorte qu'il est encore évident, qu'ici, par un effet de la courbure uniforme de la terre, chaque partie fait obstacle aux parties latérales suivantes, de la même manière ; ce qui prouve que la terre a dans tous les sens une courbure sphérique. Enfin, sur mer si, de quelque point que ce soit, et dans toute direction quelconque, nous voguons vers des montagnes, ou d'autres lieux élevés, nous voyons ces objets comme sortir de la mer où ils étaient auparavant cachés par la courbure de la surface de l'eau. 

  IV. La Terre occupe le centre du ciel.

  De la question de la figure de la terre, si l'on passe à celle de sa situation, on reconnaîtra que ce qui paraît arriver autour d'elle, ne peut paraître ainsi, qu'en la supposant au milieu du ciel comme au centre d'une sphère. En effet, si cela n'était pas, il faudrait, ou qu'elle fût hors de l'axe à égale distance de chaque pôle ; ou que, si elle était dans l'axe, elle fût plus proche de l'un des pôles, ou enfin, qu'elle ne fût ni dans l'axe, ni à égale distance de l'un ou de l'autre pôle. […]
  En un mot, si la terre n'occupait pas le centre du monde, l'ordre que nous voyons s'observer dans les accroissements et décroissements des jours et des nuits, serait troublé et confondu. Outre que les éclipses de lune ne pourraient pas se faire pour toutes les parties du ciel, dans l'opposition diamétrale au soleil ; parce que souvent la terre ne serait pas interposée entre les points où ces astres sont diamétralement opposés, mais dans des distances moindres que le demi-cercle.

  […]

  VI. La Terre ne fait aucun mouvement de translation

  Il y a des gens qui, tout en se rendant à ces raisons, parce qu'il n'y a rien à y opposer, prétendent que nul n'empêche de supposer, par exemple, que le centre étant immobile, la terre tourne autour de son axe, d'occident en orient, en faisant cette révolution une fois par jour, à très peu près. […]
  Il est vrai que, quant aux astres eux-mêmes, et en ne considérant que les phénomènes, rien n'empêche peut-être que, pour plus de simplicité, cela ne soit ainsi ; mais ces gens-là ne sentent pas combien, sous le rapport de ce qui se passe autour de nous et dans l'air, leur opinion est ridicule. […] [Si] la terre, par sa révolution [faisait] un si grand circuit en si peu de temps, les corps qui ne seraient pas appuyés sur elle paraîtraient donc toujours avoir un mouvement contraire au sien ; et ni les nuées ni aucun des corps lancés, ou des animaux qui volent, ne paraîtraient aller vers l'orient ; car la terre les précéderait toujours dans cette direction, et anticiperait sur eux par son mouvement vers l'orient, en sorte qu'ils paraîtraient tous, elle seule exceptée, reculer en arrière vers l'occident."

 

Ptolémée, Composition mathématique [L'Almageste], tome Ier, chapitres I-IV, tr. fr. Nicolas-B. Halma, p. 9-20.


 

  "La contribution de Ptolémée est hors pair et toute cette technique de résolution du problème des planètes est, comme il convient, associée à son nom, parce que ce fut lui qui, le premier, réunit un ensemble particulier de combinaisons de cercles pour rendre compte non seulement des mouvements du Soleil et de la Lune, mais aussi des régularités et des irrégularités quantitatives observées dans les mouvements apparents de toutes les planètes. Son Almageste, qui réunit les résultats essentiels auxquels est parvenue l'astronomie ancienne, fut le premier traité mathématique systématique qui donnait une explication, complète, détaillée et quantitative de tous les mouvements célestes. Les résultats que l'Almageste permettait d'atteindre étaient si bons et les méthodes qu'il utilisait si puissantes que le problème des planètes prit une nouvelle forme après la mort de Ptolémée. Pour accroître la précision ou la simplicité de la théorie planétaire, les successeurs de Ptolémée ajoutèrent épicycles sur épicycles et excentriques sur excentriques, tirant parti de l'immense souplesse de la technique de base de Ptolémée ; mais ils cherchèrent rarement des modifications fondamentales à cette technique. Le problème des plant était devenu un simple problème d'arrangement, un problème à attaquer principalement par le réarrangement des éléments existants. Il s'agissait de savoir quelle combinaison particulière de déférents, d'excentriques, d'équants  et d'épicycles rendrait compte des mouvements plané­taires avec le plus de simplicité et de précision."

 

Thomas Kuhn, La Révolution copernicienne, 1957, tr. fr. Avram Hayli, Le Livre de Poche, 1992, p. 99-100.

 

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Date de création : 13/09/2022 @ 12:24
Dernière modification : 26/09/2022 @ 08:35
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