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Texte à méditer :  Il n'y a rien de plus favorable à la philosophie que le brouillard.  Alexis de Tocqueville
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La cosmologie contemporaine (relativiste)

  "Newton, en formulant sa loi de la gravitation, avait dit expressément que l'espace et le temps, contenants universels des objets et des phé­nomènes, ne sont en rien affectés par ce qui se situe et se passe en eux. Dés lors, il n'était plus indispensable pour la physique de connaître la figure concrète du monde, la « facies totius universi » : ses lois n'en dépendaient pas.
  Pour Olbers, l'idée d'un Univers infini et homogène était en contra­diction avec l'interprétation, par la physique classique, des phénomènes d'observations. Dès lors, non seulement la physique se passait de cos­mologie, mais elle l'excluait.

  Einstein fut amené à reposer le problème cosmologique par les nécessités de la logique interne de son entreprise. Dans la théorie de la relativité, la géométrie n'est plus celle de l'espace, mais de l'espace-­temps, et elle dépend de la distribution de matière et d'énergie à l'en­droit et à l'instant des mesures. Le problème cosmologique était alors de nouveau posé, mais non résolu.
  C'est Hubble qui apporta les premiers éléments de réponse au nou­veau problème cosmologique en fournissant, par l'observation, des don­nées sur la répartition et le mouvement des objets dans l'Univers. Reculant vers l'infini les frontières du monde, il montra que l'Univers était homo­gène, isotrope et en expansion. II donnait ainsi des valeurs aux para­mètres des relations d'Einstein, permettant de mieux cerner la structure exacte de L'Univers.
  Dans le monde irréel, presque vide, élaboré par De Sitter comme solution aux équations d'Einstein, Weyl avait vu le red shift[1], mais sans pouvoir en tirer parti jusqu'au bout.
  Friedman trouva la solution générale des équations d'Einstein sous l'hypothèse d'une distribution homogène de matière, et quelques lignes de calcul lui auraient permis de donner la formule du red shift ; mais il n'y pensa pas, sans doute parce qu'il n'était pas au courant des décou­vertes des astronomes.
  Lemaître fut le premier à prévoir le red shift et l'expansion de l'Univers en construisant une solution cosmologique particulière aux équations d'Einstein. Cette solution appartenait à la classe des Univers de Friedman, mais il l'ignorait. En 1931, sans guère avoir de base dans la physique de son temps, il proposait l'idée de l'« atome primitif ».
  Le principal défenseur de la théorie de l'état stationnaire de Bondi et Gold fut Hoyle. Mais son idée de la création continue de matière, qui s'opposait à l'atome primitif de Lemaître, est aujourd'hui, en général, abandonnée au profit de celle du « big bang »."

 

La Recherche, 1970, n° 2, p. 141-148.


[1] En astronomie, le décalage vers le rouge (ou redshift) est une augmentation de la longueur d'onde de la lumière causée par le mouvement de la source lumineuse qui s'éloigne de l'observateur, par effet Doppler ou du fait de l'expansion de l'univers en cosmologie.



  "Essayons donc de dessiner à grands traits cette image du Cosmos telle que nous la voyons cinquante ans à peu près après l'ouverture sur le monde des galaxies. La matière est formée d'atomes partout les mêmes, comme le pensaient les classiques, répartis en quatre-vingt-douze espèces – trois cent vingt-cinq, en tenant compte de légères différences entre les noyaux. Dans une proportion mal connue, mais certaine­ment importante (la moitié au moins, peut-être, à l'intérieur des galaxies), les atomes sont groupés dans des objets de forme plus ou moins sphérique, de dimensions et de caracté­ristiques physiques très diverses, mais qui ont tous cette pro­priété commune de rayonner, et notamment d'émettre de la lumière, les étoiles. Le Soleil est une étoile banale à bien des égards ; il est accompagné d'un cortège de planètes beaucoup plus petites que lui et qui ne rayonnent pas. Il est vraisemblable que d'autres étoiles ont des cortèges plané­taires, mais jusqu'ici, on n'a pu en observer aucune ; cepen­dant, cela ne prouve rien.
  Les étoiles ne sont pas, tant s'en faut, uniformément reparties dans l'Espace, beaucoup vont par paires, certaines par groupes de trois ou quatre ; il existe aussi des groupements plus nombreux, plus ou moins serrés, allant de quelques dizaines à plusieurs milliers. En moyenne, les distances rela­tives des étoiles sont très grandes par rapport à leurs dimen­sions propres, l'espace cosmique est presque vide partout. Les étoiles se déplacent les unes par rapport aux autres à des vitesses qui sont grandes par rapport à celles de déplacements humains, mais très petites par rapport à celle de la lumière (de quelques dizaines à quelques centaines de km/s) ; étoiles dispersées, avec ou sans planètes, paires, trios ou quatuors, groupements plus ou moins nombreux et denses, matière non condensée en étoiles – tout cela s'agglomère pour former des amas de dimensions bien plus grandes, dans lesquels on compte les étoiles par centaines de millions, voire par milliards, les galaxies. Le Soleil et toutes les étoiles que nous pouvons observer, à quelques rares et précieuses exceptions près, comme nous l'avons dit, appartiennent à l'un de ces systèmes, la Galaxie.

  Les galaxies ont des formes et des dimensions très diverses. Ce sont, en général, des lentilles assez aplaties avec un renflement au centre ; souvent, mais non toujours, une forme spiralée s'y dessine, avec des bras plus ou moins nombreux, plus ou moins largement ouverts. Si diverses que soient leurs propriétés, elles constituent cependant, comme les étoiles, des unités bien définies, structurées de façon très stable par des forces physiques parmi lesquelles la gravitation joue un rôle essentiel. Elles sont, comme les étoiles, très dis­persées ; entre les galaxies, il y a encore certainement de la matière, étoiles ou atomes isolés; la densité de cette matière (certainement extrêmement faible), ses propriétés spécifiques, sont encore à peu près totalement inconnues.
  [S'agissant des ordres de grandeur dans le monde des galaxies], on comprendra que la Galaxie, dont les dimen­sions passent de loin, en grandeur, tout ce qui est imaginable à l'homme (la lumière, qui met quelques secondes pour nous venir de la Lune, met près de cent mille ans pour traverser diamétralement le disque de la Galaxie), que la Galaxie n'est pourtant, dans le système des galaxies, qu'un atome, car il faut multiplier par dix mille le diamètre de la Galaxie pour avoir l'ordre de grandeur de la partie déjà sondée du système des galaxies.
  Le problème fondamental de la Cosmologie moderne, du point de vue de l'observation, est donc le suivant : peut-on raisonnablement considérer l'Univers comme un fluide dont les galaxies seraient les molécules ? On admet jusqu'ici que la réponse peut être « oui », bien que ce fluide soit quelque peu grumeleux. Il n'y a guère de doute, en effet, que les galaxies, comme les étoiles, se groupent assez généralement en amas ; c'est une question très complexe, assez controversée, étant donné l'échelle à laquelle se produit ce groupement des galaxies. Dans l'état actuel de l'enquête on admet, en général, que la Galaxie fait elle-même partie d'un amas et que les groupements d'images de galaxies sur la sphère, qui pour­raient être fortuits ou même purement apparents, corres­pondent effectivement à des groupements réels, produits par la gravitation. Les amas de galaxies se groupent-ils, eux-mêmes, en amas d'amas ? Certains le pensent, mais cela est difficile à prouver et ces groupements d'ordre supérieur sont insuffisam­ment affirmés et systématiques pour enlever sa valeur d'approximation au modèle du « fluide » cosmique.
  Le red-shift et la loi à laquelle il obéit permettent de conclure – en un sens qu'il nous faudra préciser par rapport aux théories modernes, lesquelles, seules, peuvent en donner une interprétation raisonnable – que le fluide cosmique est en expansion uniforme, la distance de deux galaxies quelconques dans l'Univers étant une fonction croissante du Temps.
  Les galaxies sont formées d'étoiles qui rayonnent aussi longtemps qu'elles existent, c'est-à-dire pendant des durées qui peuvent atteindre des milliards d'années ; le rayonnement (mouvant et passager par sa nature même) n'en est donc pas moins, à côté de la matière – aux dépens de laquelle, d'ail­leurs, il se forme dans les astres –, une composante perma­nente du contenu de l'Univers. D'ailleurs, comme nous l'avons dit, c'est une conséquence largement vérifiée de la théorie de la Relativité restreinte que matière et rayonnement sont deux formes quantitativement équivalentes et, jusqu'à un certain point, transformables l'une dans l'autre de l'énergie. La comparaison quantitative du contenu de l'Univers en matière et de son contenu en énergie rayonnante est très importante pour la Cosmologie.
  Or, l'un des traits remarquables de l'Univers que nous observons est, d'abord, que la lumière (et, en général, le rayonnement) y est rare par rapport à la matière, circonstance que l'on peut considérer comme contingente en ce qu'il n'y a rien dans les lois physiques connues, ni classiques ni modernes, qui rende nécessaire ou même probable une certaine propor­tion entre matière et rayonnement. Un « Univers de lumière », dans lequel il n'y aurait que du rayonnement, est tout aussi concevable, en théorie, qu'un « Univers de matière » où il n'y aurait que de la matière, cas beaucoup plus proche de l'Univers que nous voyons. Mais, dans certaines conditions physiques, la proportion pourrait être tout autre, et elle a pu se modifier notablement à une période révolue de l'histoire cosmique.
  Le phénomène du red-shift et la loi de Hubble mettent aussi en évidence, d'une façon particulièrement frappante, un autre trait essentiel de l'Univers, que ni la Cosmologie antique ni la Cosmologie classique n'avaient fait entrer dans leurs descriptions : qu'il est globalement en évolution."

 

Jacques Merleau Ponty, Les Trois étapes de la cosmologie, 1971, 1ère partie, III, Robert Laffont, Science nouvelle, p. 40-41.



  "En associant les résultats sur les supernovæ aux idées théoriques sur l'inflation [de l'univers], on arrive donc à l'esquisse suivante de l'évolution cosmique, résumée par la figure suivante :

evolution_univers.jpg

  Il était une fois, il y a très très longtemps, un univers dont l'énergie était portée par un champ nommé inflaton, lequel était perché loin au-dessus de son état de plus basse énergie. Du fait de sa pression négative, cet inflaton engendra un énorme sursaut d'expansion inflationnaire. Puis, 10-35 seconde plus tard, alors que l'inflaton glissait le long son énergie potentielle, cette explosion toucha à sa fin et l'inflaton libéra son énergie prisonnière pour produire la matière et le rayonnement ordinaires. Pendant des milliards d'années, ces constituants bien connus de notre Univers exercèrent une attraction gravitationnelle tout à fait ordinaire, elle aussi, qui ralentissait continuellement l'expansion spatiale. Mais, à mesure que l'Univers croissait et se diluait, l'attraction gravitationnelle diminuait. Tant et si bien que l'attraction gravitationnelle ordinaire, voici sept milliards d'années devint suffisamment faible pour que la répulsion due à la constante cosmologique devienne dominante et, depuis lors, le rythme de l'expansion spatiale de l'Univers n'a cessé d'augmenter.
  Dans environ cent milliards d'années, toutes les galaxies – sauf les plus proches – s'éloigneront les unes des autres du fait de l'expansion de l'espace plus rapidement que la lumière, et c'est pourquoi elles seront impossibles à voir malgré la puissance de nos télescopes. Si ce récit est réaliste, alors il faut s'attendre, dans un futur relativement proche, à ce que l'Univers devienne un endroit désolé, un vaste désert."


Brian Greene, La Magie du cosmos, 2004, tr. fr. Céline Laroche, Folio Essais, 2007, p. 504-505.


 

  "Pourquoi peut-on voir des œufs qui se cassent, mais pas des œufs qui se reforment ? D'où vient la flèche du temps dont nous faisons tous quotidiennement l'expérience ? Voici l'état actuel de notre compréhension. Dans un état primordial chaotique très ordinaire, doté d'une très haute entropie, une fluctuation statistique favorable, liée au hasard mais à laquelle on peut s'attendre de temps à autres permit à une petite portion d'espace de dix kilos de réunir toutes les conditions requises pour donner lieu à une explosion inflationnaire fulgurante. Cette incommensurable expansion eut pour effet d'étirer l'espace jusqu'à une taille gigantesque et avec une très faible courbure. Vers la fin de l'expansion, l'inflaton céda toute son énergie, grandement amplifiée, à de la matière et à du rayonnement, qui remplirent alors tout l'espace de manière quasi uniforme. La gravitation répulsive émanant de l'inflaton diminuant, la gravitation attractive ordinaire redevint dominante et […] exploita les petites « inhomogénéités» dues à l'agitation quantique en y accumulant suffisamment de matière pour former les galaxies, les étoiles et finalement le Soleil, la Terre, le reste du système solaire et tous les autres astres de notre Univers observable. ([…] quelque sept milliards d'années ATB [After The Bang], la gravitation répulsive reprit le dessus, mais cela n'eut d'influence qu'aux plus grandes échelles cosmiques, et pas sur des entités plus petites comme les galaxies prises individuellement ou notre système solaire, où l'attraction gravitationnelle ordinaire est toujours en vigueur.) L'énergie de notre Soleil, d'entropie relativement basse, fut utilisée par les plantes et les premières formes de vie animale de faible entropie, pour produire davantage de formes de vie de faible entropie, contribuant à l'augmentation progressive de l'entropie totale en générant chaleur et déchets. Au dernier maillon de cette chaîne fut finalement produite une poule qui pondit un œuf... et nous connaissons maintenant la suite de l'histoire : l'œuf tomba du plan de travail la cuisine pour venir s'écraser au sol, s'inscrivant ainsi dans le cadre de l'inéluctable augmentation d'entropie de l'Univers. C'est la nature uniforme, hautement ordonnée et faiblement entropique de la structure spatio-temporelle induite par l'expansion inflationnaire qui est le pendant du fait de trouver les pages de Guerre et Paix dans le bon ordre ; c'est cet état initial hautement ordonné – l'absence de distorsions trop importantes ou de trous noirs gargantuesques – qui amorça l'évolution ultérieure de l'Univers vers une entropie toujours supérieure, et qui fournit donc la flèche du temps dont nous faisons tous l'expérience. Dans l'état actuel de nos connaissances, c'est là l'explication la plus complète que l'on ait jamais donnée de la flèche du temps."

 

Brian Greene, La Magie du cosmos, 2004, tr. fr. Céline Laroche, Folio Essais, 2007, p. 536-538.
 

 

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Date de création : 14/11/2022 @ 16:37
Dernière modification : 13/12/2022 @ 08:59
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