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Texte à méditer :  Time is money.
  
Benjamin Franklin
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Hors des sentiers battus
Destruction et protection de la nature

  "Parmi toutes ces fautes, toutes ces contradictions, ces paradoxes des temps présents, l'un des plus impardonnables est cette destruction systématique, volontaire ou involontaire, de la nature, cette rupture des équilibres naturels qui caractérise la dernière partie de notre XXe siècle.
  La frénésie du monde actuel, le vertige que provoquent toutes les formes de vitesse et d'agitation se substituant à une activité réelle, et surtout un attrait de plus en plus fort pour la violence qui pourra peut-être aller, un jour, jusqu'à mettre au service des passions humaines la puissance destructrice de l'atome, ont changé la mentalité de nos contemporains à tel point qu'au lieu de conserver le respect de la vie, nous pouvons, hélas! redouter, selon la triste prédiction de Théodore Monod, de « voir l'espèce humaine et, peut-être, la vie sur la terre arriver à la catastrophe finale ».

  On a récemment calculé qu'en dix ans les déviations de notre civilisation ont causé plus de dégâts qu'au cours d'un millénaire.
  Ayant réussi dans certains domaines à dominer la nature, l'homme du XXe siècle a tendance à négliger la revanche, parfois brutale, que la nature peut prendre.
  La pollution de l'eau et de l'atmosphère, les insupportables, conséquences d'une urbanisation agressive, comme l'usage excessif des pesticides, résultent d'une industrialisation vorace et d'un mépris absolu pour la santé des hommes.
  « Il a fallu bien peu d'années, écrivait Maurice Genevoix, pour laisser monter sur nos têtes cette nuée d'apocalypse. Il suffit d'ouvrir les yeux pour trembler comme une bête qui sent l'orage au bord des nouveaux abîmes que côtoie l'humanité. La légende de l'apprenti sorcier a cessé de n'être qu'un conte. »
  Le problème de l'adaptation des institutions à l'ère technologique se pose.
  Il faut éduquer l'homme, tandis que nous nous contentons de l'instruire, l'éduquer pour lui apprendre à se protéger lui-même. Alors que l'homme devrait se libérer, grâce à une technologie permettant des progrès considérables dans la production des biens matériels, va-t-il devenir l'esclave de cette technologie au point d'en subir les effets désastreux et de menacer l'équilibre naturel ? On pourrait, parmi beaucoup d'autres, citer l'exemple de cette servitude nouvelle des déchets qui accablent les pays civilisés en souillant l'environnement. Cela commence au papier ou au plastique et va jusqu'aux cendres, fumées, poussières. N'oublions pas, ainsi que l'écrivait récemment Barry Commoner que « c'est de l'intégrité de l'ensemble complexe que représentent les processus biologiques de l'écosystème terrestre que dépendent la survie de toutes les espèces (y compris celle de l'homme), la qualité de la vie et la réussite de toutes les activités humaines (y compris les activités technologiques, industrielles et agricoles). Ce que l'homme fait actuellement sur la terre est en contradiction la plus formelle avec cette condition essentielle.
  « En bref, nous sommes dans une crise qui menace ce l'habitabilité de l'écosphère et la survie de l'espèce humaine ».
  Le temps nous est compté si nous voulons transformer notre environnement, mettre un terme à la pollution par les automobiles, les centrales thermiques, les raffineries, les usines chimiques, le temps nous est compté si nous voulons empêcher les pesticides d'altérer l'alimentation des hommes. C'est dès maintenant qu'il faut lutter contre la pollution des eaux, arrêter la destruction des espaces verts et réintroduire la végétation autour des lieux d'habitation des populations.
  La fuite en masse des citadins du monde entier, en fin de semaine, et, pour un très grand nombre, chaque soir, vers les zones d'air pur, n'est-elle pas le symbole le plus éclatant d'une civilisation dot l'homme prend de plus en plus conscience qu'elle lui est nuisible ?
  Si nous ne voulons pas transformer en instrument de destruction notre propre progrès, si nous voulons protéger l'équilibre psychique de l'homme, il faut sauver la nature et permettre à l'homme lui-même de s'y incorporer."

 

Édouard Bonnefous, L'Homme ou la nature, 1970, Introduction, Éditions J'ai Lu, 1973, p. 12-14.



  "Comme je l'ai rappelé, mon travail sur les Achuar a permis de mettre en évidence, en parallèle d'autres chercheurs, que la forêt amazonienne est en partie le produit de plusieurs millénaires de gestion du végétal par les populations amérindiennes. Leurs pratiques ont façonné la forêt telle qu'on la connaît aujourd'hui, et l'on peut dire qu'elles ont eu des effets bénéfiques, même si encore une fois, ils ne sont pas intentionnels : les hommes sont parvenus, au cours du temps, à conserver un taux élevé de biodiversité en accroissant le nombre et la distribution des espèces sylvestres utiles à la subsistance. On peut multiplier les exemples de ce type, car les pratiques agricoles traditionnelles, y compris près de nous, témoignent souvent de formes de prudence environnementale éprouvées par le temps. Autrement dit, dans ces circonstances, l'usage de la nature n'entre pas en contradiction avec sa conservation – et il est faux de dire que l'homme est en soi une maladie pour la planète.
  La différence avec le monde moderne tient essentiellement au fait que les effets non intentionnels de notre usage de la nature sont tels qu'ils mettent en péril les équilibres écosystémiques, dont nous faisons partie. Il faut employer cette expression avec retenue, car la science écologique considère aujourd'hui que les milieux naturels ne sont pas des systèmes fixes, homéostatiques, mais qu'ils obéissent à des dynamiques d'instabilités compensées. Il reste toutefois que son inverse, l'idée de déséquilibres écosystémiques, permet de décrire des processus irréversibles de dégradation des milieux. Ce qui est menacé, au fond, c'est la capacité de ces derniers à se reproduire, à conserver leur dynamique propre, ce que les spécialistes appel­lent la résilience. Et c'est cela qui est dramatique pour les humains. Ce qui est tout à fait frappant, lorsque l'on s'intéresse à ces phénomènes, c'est qu'en dépit des avertissements de plus en plus urgents donnés par les scientifiques, et quelques rares politiques, nous ne semblons pouvoir prendre conscience de ce risque qu'après coup. C'est seulement lorsque les effets de ces déprédations deviennent tangibles, qu'ils mettent eu péril nos intérêts directs, et que l'on s'aperçoit de leur irréversibilité, c'est seulement lorsque l'on a franchi ce seuil que l'on commence à prendre leurs causes en considération. Peut-être ce décalage est-il propre à la nature humaine, mais il a en tout cas de quoi nous interroger."

 

Philippe Descola, La Composition des mondes, 2014, Champs essais, 2017, p. 317-318.

 

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Date de création : 20/01/2023 @ 08:18
Dernière modification : 18/04/2024 @ 08:26
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