"L'observation et l'expérience relatives aux phénomènes sociaux apprirent bientôt aux hommes que, pour obtenir les avantages de l'existence en société, il fallait obéir à certaines règles. La moralité a commencé avec la société. La société n'est possible qu'à condition que chacun de ses membres cède plus ou moins de sa liberté d'action individuelle. Chez les sociétés primitives, l'égoïsme individuel était une force centrifuge d'une telle intensité qu'elle amenait constamment l'organisation sociale à deux doigts de sa destruction. De là, la prééminence des règles positives d'obéissance aux vieillards et de fidélité à la famille ou la tribu en toute difficulté, l'accomplissement des rites religieux, parce qu'on pensait que leur non-observance les compromettrait auprès des puissances surnaturelles dont le culte est un des premiers produits de la pensée humaine, et enfin les règles négatives qui empêchent chacun de s'ingérer dans la vie ou dans la propriété des autres.
La forme la plus élevée de la société humaine qu'il soit possible de concevoir est celle où le désir de faire ce qui convient à tous domine et limite l'action de chaque membre de la société. Plus l'organisation sociale est complexe, et plus grand est le nombre des actes dont chaque homme doit s'abstenir s'il désire faire ce qui convient à tous. Ainsi l'évolution progressive de la société est synonyme de la restriction croissante de la liberté individuelle en certaines directions."
Thomas Henry Huxley, Science et religion, 1893, Introduction, tr. fr. H. de Varigny, Librairie J.-B. Baillière et Fils, p. 48-49.
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