"Personne, j'imagine, ne me supposera le désir de limiter l'empire de la science physique ; mais je suis réellement obligé d'avouer qu'un grand nombre de phénomènes très familiers, en même temps très importants, sont tout à fait en dehors de ses bornes légitimes. Je ne puis concevoir, par exemple, comment les phénomènes de la conscience, comme tels, et séparés du processus physique par lequel ils, sont appelés à l'existence, peuvent être ramenés dans les bornes de la science physique. Prenons l'exemple le plus simple qu'il soit possible de choisir, la sensation de la couleur rouge. La science physique nous dit qu'elle naît, d'ordinaire, en conséquence de changements moléculaires propagés de l'œil à une certaine partie de la substance du cerveau, quand des vibrations de l'éther lumineux d'un certain caractère tombent sur la rétine. Supposons que le processus d'analyse physique soit poussé assez loin pour qu'on aperçoive le dernier anneau de cette chaîne de molécules, et qu'on puisse étudier leurs mouvements, comme si elles étaient des billes de billard, les peser, les mesurer, et savoir d'elles tout ce qu'on en peut savoir. Eh bien, même dans ce cas, nous serions aussi incapables que maintenant de renfermer le phénomène de conscience qui en résulte, la sensation de la couleur rouge, dans les limites de la science physique. Ce phénomène resterait aussi différent de ceux que nous connaissons sous le nom de force et de mouvement qu'il l'est maintenant. Si jamais j'ai cru devoir insister, à plusieurs reprises, sur un principe, c'est sur celui-ci."
Thomas Henry Huxley, "Science et morale", 1886, in Science et religion, 1893, tr. fr. H. de Varigny, Librairie J.-B. Baillière et Fils, p. 83-84.
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