"Il fut excellent, certes, et rempli du soin de la dignité humaine, le dessein de ceux qui s'efforcèrent de protéger de la malveillance les nobles actions d'hommes éminents par leur vertu et de défendre contre l'oubli et la mort leurs noms dignes de l'immortalité. C'est de là que proviennent les images léguées à la mémoire de la postérité, qu'elles soient sculptées dans le marbre ou bien façonnées dans le bronze ; de là, les statues érigées, pédestres ou équestres ; de là, les colonnes et les pyramides pour lesquelles, comme dit le poète, ce sont les dépenses que l'on fit monter jusqu'aux Étoiles ; de là, enfin, l'édification des villes distinguées par les noms de ceux que la postérité reconnaissante a estimés devoir être confiés l'éternité. Telle, en effet, est la nature de l'esprit humain que, s'il n'est pas secoué continuellement par les simulacres des choses qui, venant de l'extérieur, font irruption en lui, tout souvenir s'écoule facilement hors de lui.
D'autres, il est vrai, visant à des moyens plus solides et plus durables, ont voué l'éternel éloge des hommes les plus grands non point aux roches et aux métaux, mais de la garde des Muses et aux monuments incorruptibles des lettres. Mais à quoi bon rappeler ces efforts ? Comme si, en vérité, l'ingéniosité humaine, contente des régions d'ici-bas, n'avait point osé aller plus avant ! Or, bien au contraire, portant plus au loin ses regards, comme elle comprenait pleinement que tous les monuments humains, vaincus par la violence, la tempête et la vétusté, finissent par périr, elle imagina des signes plus incorruptibles, sur lesquels le temps vorace et l'envieuse vieillesse ne pussent revendiquer aucun droit. Émigrant donc au ciel, sur les Orbes ainsi marqués pour l'éternité des plus brillantes Étoiles, elle imposa comme un sceau le nom de ceux qui, pour leurs exploits extraordinaires et presque divins, semblèrent dignes de jouir, ensemble avec les Astres, d'une vie éternelle. Voilà pourquoi la gloire de Jupiter, de Mars, de Mercure, d'Hercule, et des autres héros qui donnent leurs noms aux Étoiles, ne sera point obscurcie avant que ne s'éteigne la splendeur des Astres eux-mêmes."
Galilée, Le Messager des étoiles, 1610, tr. fr. Fernand Hallyn, Points Sciences, 2009, p. 133-134.
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