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Texte à méditer :  Je vois le bien, je l'approuve, et je fais le mal.  Ovide
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Hors des sentiers battus
Venir au monde et quitter le monde

  "La nature et le mouvement cyclique qu'elle impose à tout ce qui vit ne connaissent ni mort ni naissance au sens où nous entendons ces mots. La naissance et la mort des êtres humains ne sont pas de simples événements naturels ; elles sont liées à un monde dans lequel apparaissent et d'où s'en vont des individus, des entités uniques, irremplaçables, qui ne se répèteront pas. La naissance et la mort présupposent un monde où il n'y a pas de mouvement constant, dont la durabilité au contraire, la relative permanence, font qu'il est possible d'y paraître et d'en disparaître, un monde qui existait avant l'arrivée de l'individu et qui survivra à son départ."

 

Hannah Arendt, La Condition de l'homme moderne, 1958, Chapitre III, tr. Georges Fradier, Pocket, p. 142.


 

  "Être en vie signifie occuper un monde qui précédait votre arrivée et survivra à votre départ. Sur ce plan de la vie pure et simple, apparition et disparition, dans leur succession, constituent les événements primordiaux qui délimitent le temps, l'intervalle entre la vie et la mort. Le nombre limité d'années imparti à tout être vivant détermine non seulement la durée de sa vie, mais aussi sa façon de vivre le temps ; il fournit le prototype caché de toute mesure du temps, aussi loin qu'on le veuille dans le passé et le futur, au-delà d'une vie humaine. C'est ainsi que l'expérience vécue de la durée d'une année change du tout au tout au cours d'une vie. L'année qui, pour un enfant de cinq ans, représente tout un cinquième d'existence, doit sembler beaucoup plus longue qu'elle ne le fera quand elle n'en sera plus que le vingtième ou le trentième. Chacun sait combien les années tournent de plus en plus vite avec l'âge, jusqu'à ce que, quand arrive la vieillesse, elles recommencent à ralentir, parce qu'on se met à les évaluer en fonction de la date du grand départ, pressentie psychologiquement et somatiquement[1]. Cette horloge inséparable des êtres humains qui naissent et meurent, s'oppose au temps objectif selon lequel la longueur d'une année ne change pas. C'est là le temps qui règle le monde et se fonde – en dehors de toute croyance religieuse ou scientifique - sur l'hypothèse qu'il n'a ni commencement ni fin, hypothèse qui ne peut que venir naturellement à des êtres entrés de tout temps dans un monde qui les a précédés et leur survivra."

 

Hannah Arendt, La Vie de l'esprit, 1971, t. I, La Pensée, tr. fr. Lucienne Lotringer, PUF, Coll. "Philosophie d'aujourd'hui", 1996, p. 35-36.


[1] Psychologiquement : au niveau de l'esprit ; somatiquement : au niveau du corps.

 

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Date de création : 14/03/2023 @ 14:31
Dernière modification : 21/03/2023 @ 14:22
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