"Nous appellerons images des choses les affections du Corps humain dont les idées nous représentent les choses extérieures comme nous étant présentes, même si elles ne reproduisent pas les figures des choses. Et, quand, l'Âme contemple les corps en cette condition, nous dirons qu'elle imagine. Et ici, pour commencer d'indiquer ce qu'est l'erreur, je voudrais faire observer que les imaginations de l'Âme considérées en elles-mêmes ne contiennent aucune erreur ; autrement dit, que l'Âme n'est pas dans l'erreur, parce qu'elle imagine ; mais elle est dans l'erreur, en tant qu'elle est considérée comme privée d'une idée qui exclue l'existence de ces choses qu'elle imagine comme lui étant présentes. Si en effet l'Âme, durant qu'elle imagine comme lui étant présentes des choses n'existant pas, savait en même temps que ces choses n'existent pas en réalité, elle attribuerait certes cette puissance d'imaginer à une vertu de sa nature, non à un vice ; surtout si cette faculté d'imaginer dépendait de sa seule nature, c'est-à-dire si cette faculté qu'a l'âme d'imaginer était libre."
Baruch Spinoza, Éthique, 1670, Proposition XVII, scolie, tr. fr. Charles Appuhn, GF, 1965, p. 95.
"2.15 – Que les éléments de l'image [Bild] soient entre eux dans un rapport déterminé présente ceci : que les choses sont entre elles dans ce rapport.
Cette interdépendance des éléments de l'image, nommons-la sa structure, et la possibilité de cette interdépendance sa forme de représentation.
2.151 – La forme de représentation est la possibilité que les choses soient entre elles dans le même rapport que les éléments de l'image.
2.1511 – L'image est ainsi attachée à la réalité ; elle va jusqu'à atteindre la réalité.
2.1512 – Elle est comme une règle graduée appliquée à la réalité.
2.15121 – Seuls les traits de division extrêmes touchent l'objet à mesurer.
2.1513 – Selon cette conception, la relation représentative appartient donc aussi à l'image qu'elle constitue comme telle.
2.1514 – La relation représentative consiste dans les correspondances des éléments de l'image et des choses.
2.1515 – Ces correspondances sont pour ainsi dire les antennes des éléments de l'image, par le moyen desquels celle-ci touche la réalité.
2.16 – Pour être une image, le fait doit avoir quelque chose en commun avec ce qu'il représente.
2.161 – Dans l'image et dans le représenté quelque chose doit se retrouver identiquement, pour que l'une soit proprement l'image de l'autre.
2.17 – Ce que l'image doit avoir en commun avec la réalité pour la représenter à sa manière – correctement ou incorrectement – c'est sa forme de représentation.
2.171 L'image peut représenter toute réalité dont elle a la forme. L'image spatiale tout ce qui est spatial, l'image en couleur tout ce qui est en coloré, etc.
2.172 Mais sa forme de représentation, l'image ne peut la représenter ; elle la montre."
Ludwig Wittgenstein, Tractatus logico-philosophicus, 1921, tr. fr. Gilles Gaston Granger, Gallimard, 2001, p. 38-39.
"La théorie pure et a priori a fait de l'image une chose. Mais l'intuition interne nous apprend que l'image n'est pas la chose. Ces données de l'intuition vont s'incorporer à la construction théorique sous une forme nouvelle : l'image est une chose, tout autant que la chose dont elle est l'image. Mais, du fait même qu'elle est image, elle reçoit une sorte d'infériorité métaphysique par rapport à la chose qu'elle représente. En un mot, l'image est une moindre chose. L'ontologie de l'image est maintenant complète et systématique : l'image est une moindre chose, qui a son existence propre, qui se donne à la conscience comme n'importe quelle chose et qui entretient des rapports externes avec la chose dont elle est image. On voit que c'est seulement cette infériorité vague et mal définie (qui pourra n'être qu'une sorte de faiblesse magique ou qu'on décrira, au contraire, comme un degré moindre de distinction et de clarté) et ce rapport externe qui justifient l'appellation d'image ; on devine aussi toutes les contradictions qui vont en résulter."
Jean-Paul Sartre, L'Imagination, 1936, Introduction, PUF, 1981, p. 5.
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