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Hors des sentiers battus
Langage et connaissance

 "C'est le signe qui s'apprend par l'objet connu plutôt que l'objet par son signe.
  Pour mieux comprendre ceci, suppose qu'en ce moment, nous entendions le mot « tête » pour la première fois. Nous ignorons si c'est seulement un simple son de voix ou s'il possède aussi une signification et nous cherchons ce qu'est cette « tête » […]. Si donc, tandis que nous cherchons, on nous montre du doigt l'objet lui-même, nous apprenons en le voyant le sens du signe que nous avions jusque-là entendu, mais non compris. Or, comme dans ce signe, il y a deux éléments, le son et la signification ; le premier n'est pas perçu, certes, au moyen du signe, mais par le fait que le souffle frappe l'air ; quant à la signification, elle ne l'est qu'en voyant la chose signifiée. Car le doigt tendu ne peut signifier rien d'autre que ce vers quoi il est dirigé. Or, il est tendu, non vers le signe, mais vers le membre appelé « tête ». Ainsi, ce geste ne peut me faire connaître ni la chose, que je connaissais déjà, ni le signe vers lequel on ne tend pas le doigt. Mais peu importe ce doigt tendu qui, me semble-t-il, est plutôt le signe de l'action de montrer elle-même que celui des choses qui sont montrées, tout comme la préposition : « voici ». On a même l'habitude de tendre le doigt en prononçant cette préposition, de peur qu'un seul signe d'indication ne soit insuffisant !
  Par là, je cherche surtout à te persuader, si je le puis, qu'au moyen des signes appelés mots, nous n'apprenons rien, car comme je l'ai dit, la valeur du mot, c'est-à-dire la signification cachée dans le son de la voix, nous l'apprenons quand la chose signifiée est déjà connue, plutôt que cette dernière par la signification."

 
Augustin, Le maître, 389.


  "L'importance du langage dans le développement de la civilisation réside en ce que l'homme y a situé, à côté de l'autre, un monde à lui, un lieu qu'il estimait assez solide pour, s'y appuyant, sortir le reste du monde de ses gonds et s'en rendre maître. Dans la mesure même où l'homme, durant de longues périodes, a cru aux concepts et aux noms de choses comme à autant d'aeternae veritates, il a vraiment fait sien cet orgueil avec lequel il s'élevait au-dessus de l'animal : il s'imaginait réellement tenir dans le langage la connaissance du monde. L'artiste du verbe n'était pas assez modeste pour croire qu'il ne faisait qu'attribuer des dénominations aux choses, il se figurait au contraire exprimer dans ses mots le suprême savoir des choses ; le langage est en fait la première étape dans la quête de la science. Là aussi, c'est la foi dans la vérité découverte qu'ont jailli les sources de force les plus abondantes. C'est bien après coup, c'est tout juste maintenant que les hommes commencent à se rendre compte de l'énorme erreur qu'ils ont propagée avec leur croyance au langage. Il est heureusement trop tard pour qu'il puisse en résulter un retour en arrière de l'évolution de la raison qui repose sur cette croyance."

Nietzsche, Humain, trop humain, 1878, tr. R. Rovini, Folio essais, 2000, p. 37-38.


  "Il est évident que la connaissance véritable d'un langage consiste dans l'emploi approprié des mots et dans l'exécution de la conduite appropriée lorsque ces mots sont entendus. Il n'est pas plus nécessaire d'être en mesure de dire ce qu'un mot signifie, qu'il n'est requis pour un joueur de cricket de connaître la théorie mathématique de l'impact et des projectiles. Au vrai, dans le cas de beaucoup de mots-objets [1], il doit être rigoureusement impossible de dire ce qu'ils signifient sauf en recourant à une tautologie, car c'est par eux que le langage commence. Vous ne pouvez expliquer, par exemple, le mot « rouge » qu'en montrant quelque chose de rouge. Un enfant comprend le mot « rouge », à l'audition, lorsqu'une association a été établie entre le mot entendu et la couleur rouge ; il maîtrise le mot parlé « rouge », lorsqu'il est capable de dire « rouge » et obéit à une impulsion de cet ordre, dès qu'il perçoit quelque chose de rouge."

 

Russell, Signification et vérité, Chapitre premier, 1940, tr. fr. Philippe Devaux, Champs Flammarion, 2001, p. 36-37.

 

[1] Les "mots-objet" désignent tous les mots qui peuvent s'utiliser isolément : les noms propres, les noms de classe relatifs à certaines espèces d'animaux familiers, les noms des couleurs, et ainsi de suite. Ces mots ont plusieurs particularités : 1. leur signification s'apprend (ou peut s'apprendre) face aux objets qu'ils désignent ou qui sont des illustrations de leur signification. 2 Ils ne présupposent pas d'autres mots. 3. Chacun d'entre eux peut par soi-même exprimer une proposition entière.

 


Date de création : 01/03/2006 @ 19:01
Dernière modification : 10/06/2013 @ 19:33
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