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Texte à méditer :   Les hommes normaux ne savent pas que tout est possible.   David Rousset
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Hors des sentiers battus
L'image comme sensation dégradée / perception affaiblie (la conception empiriste de l'image)

  "De même que les vagues continuent de rouler sur l'eau longtemps après que le vent a cessé, c'est de même ce qui arrive dans le cas de ces mouvements que font les parties intérieures d'un homme, donc quand il voit, rêve, etc. En effet, après que l'objet a disparu, ou quand nos yeux sont fermés, nous conservons cependant une image de la chose vue, quoiqu'elle soit plus obscure que lorsque nous la voyions. C'est cela que les Latins nomment imagination, à partir de l'image produite en voyant et qu'ils appliquent, encore qu'improprement, à tous les autres sens. Mais les Grecs l'appellent illusion [fancy][1] ce qui signifie apparence et convient aussi bien à un sens qu'à un autre. Par conséquent, l'IMAGINATION n'est qu'une sensation dégradée et on la trouve chez les humains et chez beaucoup d'autres créatures aussi bien endormies qu'éveillées.
  Chez les humains éveillés, la dégradation de la sensation ne consiste pas en la dégradation du mouvement produit par la sensation, mais en son obscurcissement, de la même façon que la lumière du soleil obscurcit la lumière des étoiles, lesquelles n'ont pas moins de vertu brillante durant la nuit qu'elles n'en ont pendant le jour. Parce que parmi les nombreux stimuli que nos yeux, nos oreilles et d'autres organes reçoivent des corps extérieurs, seul celui qui prédomine est ressenti, ainsi, la lumière du soleil étant prédominante, nous ne som­mes pas affectés par l'action des étoiles. Et si un objet quelconque est retiré de devant nos yeux, quoique l'impression qu'il nous a faite reste en nous, et si d'autres objets se présentent qui agis­sent sur nous, l'imagination du passé s'obscurcit et devient faible, comme la voix humaine est affai­blie au milieu des bruits de la journée. De cela il suit que, plus le temps écoulé est long depuis la vision, ou depuis la sensation d'un objet quelcon­que, plus l'imagination est faible. En effet, le changement continuel du corps humain détruit dans le temps les parties mises en mouvement par la sensation, de sorte que la distance de temps et de lieu produit un même et unique effet sur nous. Car à une grande distance, ce que nous regardons paraît trouble et les plus petites parties ne se distin­guent pas ; de même pour les voix qui deviennent faibles et inarticulées ; de même encore, après une longue période de temps, notre imagination du passé est faible et, par exemple, nous oublions beaucoup de rues particulières des villes que nous avons visitées et de nombreuses circonstances par­ticulières de nos actions. Cette sensation dégradée, quand nous exprimons la chose même (je veux dire l'illusion elle-même), s'appelle imagination comme je l'ai déjà dit. Mais, quand nous expri­mons la dégradation, signifiant par là que la sensation s'évanouit, qu'elle est ancienne et passée, elle s'appelle mémoire. En sorte qu'imagination et mémoire ne sont qu'une seule chose qui, selon divers­es circonstances, prend des noms divers."

 

Thomas Hobbes, Léviathan, 1651, Livre I, § 2, tr. Gérard Mairet, Folio essais, p. 76-78.


[1] Phantasma.


 

  "Une IMAGE (dans le sens strict du mot) est la ressemblance avec une chose visible quelconque. Dans ce sens, les formes, et simulacres [seemings] fantastiques des corps visibles, qui se présentent à la vue, sont seulement des images. Ce sont par exemple le reflet [shew] d'une personne ou d'une chose dans l'eau, par réflexion ou réfraction, ou du soleil, des étoiles à la faveur d'une vision directe dans l'air ; ces choses n'ont pas la réalité qu'elles semblent avoir dans ce qu'on voit, et ne sont pas dans le lieu où elles semblent être, leurs grandeurs et leurs figures ne sont pas non plus celles de l'objet : elles changent avec la variation des organes de la vue ou avec des lunettes, et sont souvent pré­sentes dans notre imagination et nos rêves quand l'objet est absent, ou bien elles changent de cou­ leurs et de formes comme des choses qui ne dé­pendent que de notre fantaisie. Ce sont là les images qui sont originairement et plus proprement appelées idées, et IDOLES, mots dérivés du grec ancien dont le mot εἴδω [eídô] signifie voir. On les appelle aussi HALLUCINATIONS [phantasmes], mot qui, dans la même langue, signifie apparitions. C'est de là que l'une des facultés de la nature humaine est appelée imagination. Par suite, il est donc manifeste qu'il n'y a jamais, et qu'il ne peut y avoir d'images d'une chose invisible.
  Il est également évident qu'il ne peut y avoir d'image d'une chose infinie ; en effet, toutes les images et hallucinations produites par l'impression de choses visibles ont une figure ; or, une figure est une quantité déterminée de tous côtés. Il ne peut donc y avoir aucune image de Dieu, non plus que de l'âme humaine et des esprits, mais seulement des corps visibles, c'est-à-dire des corps qui sont éclairés par eux-mêmes, ou que ces derniers éclairent.
  Alors que la fantaisie peut produire des formes qu'on n'a jamais vues, fabriquer des figures en utilisant les parties de créatures différentes, comme les poètes font les centaures, chimères et autres monstres que nul n'a jamais vus, de même on peut aussi doter ces formes de matière, en les faisant en bois, en glaise ou en métal. Et de telles formes sont aussi appelées images, non à cause de leur ressemblance avec une chose corporelle quelconque, mais de leur ressemblance avec une des choses fantastiques qui peuplent le cerveau de leur fabricant. Mais, dans ces idoles, telles qu'elles sont originairement dans le cerveau et telles qu'elles sont peintes, gravées, moulées ou fondues dans la matière, il y a une similitude des unes avec les autres, selon laquelle on peut dire que le corps matériel produit par l'art est l'image de l'idole fantastique fabriquée par la nature.
  Mais le mot image, employé dans un sens plus large, renvoie à n'importe quelle représentation d'une chose par une autre. Ainsi, un souverain terrestre peut être appelé l'image de Dieu, et un magistrat de rang inférieur, l'image d'un souverain terrestre. Très souvent, dans l'idolâtrie des païens on prêtait peu d'attention à la ressemblance entre l'idole matérielle et l'idole existant dans leur imagination [fancy] et pourtant elle en était l'image. Ainsi, une pierre brute fut dressée pour représenter Neptune et diverses autres formes très différentes des formes qu'ils pensaient être celles de leurs dieux. De même aujourd'hui, nous voyons des images de la Vierge Marie et d'autres saints, toutes différentes les unes des autres, et qui ne correspondent pas à l''imagination de quelqu'un. Et pourtant, si elles servent assez bien le but dans lequel elles ont été faites, qui est de représenter les personnages mentionnés dans l'histoire, c'est seulement à cause des noms auxquels tout un chacun fait correspondre une image qu'il forme lui-même, ou pas d'image du tout. Et donc, une image, au sens le plus large, est ou bien la ressemblance ou la représentation d'une chose visible quelconque, ou les deux à la fois, comme c'est le cas la plupart du temps."

 

Thomas Hobbes, Léviathan, 1651, chapitre 45, tr. fr. Gérard Mairet, Folio essais, 2000, p. 888-891.



  "Hylas : À dire vrai, Philonous, je pense qu'il y a deux sortes d'objets : les uns, perçus immédiatement, et qu'on appelle également idées ; les autres sont des choses réelles, ou des objets extérieurs perçus par l'intermédiaire de ces idées, qui sont leurs images et représentations. Or, les idées n'existent pas en dehors de l'esprit ; mais les objets de la seconde sorte, si. […]
  Philonous : Votre opinion, c'est que les idées que nous percevons par nos sens ne sont pas les choses réelles, mais leurs images ou copies. Par suite, notre connaissance n'est réelle qu'aussi longtemps que nos idées sont des représentations fidèles de ces originaux. Mais comme ces originaux supposés sont en eux-mêmes inconnus il est impossible de savoir jusqu'où nos idées leur ressemblent ; ou même si elles leur ressemblent du tout. Nous ne pouvons donc pas être certains d'avoir aucune véritable connaissance. Davantage, puisque nos idées varient perpétuellement, sans le moindre changement dans les prétendues choses réelles, il s'ensuit nécessairement que nos idées ne peuvent en être toutes des copies fidèles ; ou si certaines le sont et d'autres non, il est impossible de distinguer les premières des secondes. Ce qui nous plonge encore plus profondément dans l'incertitude. Et, encore une fois, quand nous y réfléchissons, nous ne pouvons concevoir comment une idée, ou quelque chose qui ressemble à une idée, pourrait avoir une existence absolue hors d'un esprit ; ni par conséquent, suivant votre opinion, comment il pourrait y avoir rien de réel dans la nature. Tout cela a pour résultat de nous plonger dans le scepticisme le plus irrémédiable et le plus désespéré. […]

  Hylas : Mais, d'après vos conceptions, quelle différence y a-t-il entre les choses réelles et les chimères forgées par l'imagination ou les visions d'un rêve, puisqu'elles sont toutes également dans l'esprit ?
  Philonous : Les idées que forge l'imagination sont pâles et indistinctes ; elles sont, en outre, entièrement dépendantes de la volonté. Mais les idées perçues par le sens, c'est-à-dire les choses réelles, sont plus vives et plus claires ; et comme elles sont imprimées sur l'esprit [mind] par un esprit [spirit] distinct de nous, elles ne sont pas dans la même dépendance vis-à-vis de notre volonté. Il n'y a donc aucun danger de les confondre avec les précédentes, et il n'y a en a pas davantage de les confondre avec les visions d'un rêve, qui sont indécises, désordonnées et confuses. Et même s'il devait arriver qu'elles soient plus vives et plus naturelles, comme elles ne sont pas connectées entre elles et ne font pas corps avec les événements antérieurs et ultérieurs de notre vie, on pourrait les distinguer facilement des réalités.  En un mot, quelle que soit, dans votre système, la méthode pour distinguer les choses des chimères, la même méthode, c'est évident, vaudra aussi dans le mien. Car, je présume, ce doit toujours être une différence perçue ; et je n'entends vous priver d'aucune des choses que vous percevez."

 

George Berkeley, Trois dialogues entre Hylas et Philonous, 1713, dialogues I et III, tr. fr. Geneviève Brykman et Roselyne Dégremont, GF, 1998, p. 123, p. 207-208 et p. 186-187.

 

  "Hylas. To speak the truth, Philonous, I think there are two kinds of objects:—the one perceived immediately, which are likewise called IDEAS; the other are real things or external objects, perceived by the mediation of ideas, which are their images and representations. Now, I own ideas do not exist without the mind; but the latter sort of objects do. I am sorry I did not think of this distinction sooner; it would probably have cut short your discourse. […]
  Philonous. It is your opinion the ideas we perceive by our senses are not real things, but images or copies of them. Our knowledge, therefore, is no farther real than as our ideas are the true REPRESENTATIONS OF THOSE ORIGINALS. But, as these supposed originals are in themselves unknown, it is impossible to know how far our ideas resemble them; or whether they resemble them at all. We cannot, therefore, be sure we have any real knowledge. Farther, as our ideas are perpetually varied, without any change in the supposed real things, it necessarily follows they cannot all be true copies of them: or, if some are and others are not, it is impossible to distinguish the former from the latter. And this plunges us yet deeper in uncertainty. Again, when we consider the point, we cannot conceive how any idea, or anything like an idea, should have an absolute existence out of a mind: nor consequently, according to you, how there should be any real thing in nature. The result of all which is that we are thrown into the most hopeless and abandoned scepticism. [...]

  Hylas. But, according to your notions, what difference is there between real things, and chimeras formed by the imagination, or the visions of a dream—since they are all equally in the mind?
  Philonous. The ideas formed by the imagination are faint and indistinct; they have, besides, an entire dependence on the will. But the ideas perceived by sense, that is, real things, are more vivid and clear; and, being imprinted on the mind by a spirit distinct from us, have not the like dependence on our will. There is therefore no danger of confounding these with the foregoing: and there is as little of confounding them with the visions of a dream, which are dim, irregular, and confused. And, though they should happen to be never so lively and natural, yet, by their not being connected, and of a piece with the preceding and subsequent transactions of our lives, they might easily be distinguished from realities. In short, by whatever method you distinguish THINGS FROM CHIMERAS on your scheme, the same, it is evident, will hold also upon mine. For, it must be, I presume, by some perceived difference; and I am not for depriving you of any one thing that you perceive. […]

 

George Berkeley, Three dialogues between Hylas and Philonous, 1713, Oxford University Press, 1998, p. 89, p. 128 and p. 118.


 

  "Hylas : Mais d'après votre opinion, quelle différence y a-t-il entre des choses réelles et des chimères formées par l'imagination, ou les visions du rêve – puisque toutes sont également dans l'esprit ?
  Philonous : Les idées formées par l'imagination sont pâles et indistinctes ; en outre elles dépendent entièrement de la volonté. Et les idées perçues par les sens, c'est-à-dire les choses réelles, sont plus vigoureuses et plus claires ; et, comme elles sont imprimées dans l'intelligence par un esprit distinct de nous, elles ne dépendent pas de même manière de notre volonté. Il n'y a donc aucun danger les confondre avec les premières ; et il y en a aussi peu de les confondre avec les visions du rêve, qui sont faibles, désordonnées et confuses. Et bien que les visions soient parfois très vives et très naturelles, cependant, leur manque de liaison et d'unité avec les occupations antérieure et ultérieures de notre vie les fait aisément distinguer des réalités. Bref, le procédé qui, dans votre système, vous fait distinguer les choses des chimères, le même restera également valable dans le mien. Car, je pense, il doit s'appuyer sur une différence perçue ; et je ne veux vous priver d'aucune des choses que vous percevez".

 

George Berkeley, Trois dialogues entre Hylas et Philonous, 1713, Troisième dialogue, tr. fr. Michel Ambacher, Aubier-Montaigne, 1944, p. 153.

 

  "Hylas. But, according to your notions, what difference is there between real things, and chimeras formed by the imagination, or the visions of a dream—since they are all equally in the mind?
 
Philonous. The ideas formed by the imagination are faint and indistinct; they have, besides, an entire dependence on the will. But the ideas perceived by sense, that is, real things, are more vivid and clear; and, being imprinted on the mind by a spirit distinct from us, have not the like dependence on our will. There is therefore no danger of confounding these with the foregoing: and there is as little of confounding them with the visions of a dream, which are dim, irregular, and confused. And, though they should happen to be never so lively and natural, yet, by their not being connected, and of a piece with the preceding and subsequent transactions of our lives, they might easily be distinguished from realities. In short, by whatever method you distinguish THINGS FROM CHIMERAS on your scheme, the same, it is evident, will hold also upon mine. For, it must be, I presume, by some perceived difference; and I am not for depriving you of any one thing that you perceive."

 

George Berkeley, Three dialogues between Hylas and Philonous, 1713, The third dialogue, Oxford University Press, 1998, p. 118.



  "Nous constatons par expérience que, lorsqu'une impression a été présente à l'esprit, elle y fait à nouveau son apparition en tant qu'idée, et cela, de deux façons différentes : soit elle conserve une large part de sa vivacité initiale quand elle réapparaît, et elle est alors, en quelque sorte, intermédiaire entre une impression et une idée, soit elle perd intégralement cette vivacité, et c'est une idée parfaite. La faculté par laquelle nous répétons nos impressions de la première manière s'appelle la MÉMOIRE, et l'autre, l'IMAGINATION. À première vue, il est évident que les idées de la mémoire sont beaucoup plus vives et fortes que celles de l'imagination, et que la première de ces facultés peint ses objets avec des couleurs plus franches que celles qui sont utilisées par la seconde. Lorsque nous nous rappelons un événement passé, l'idée en imprègne l'esprit d'une manière irrésistible, tandis que dans l'imagination, la perception est faible et languide et l'esprit ne peut que difficilement la garder très longtemps stable et uniforme. Il y a donc ici me différence sensible entre une espèce d'idées et une autre. […]
  Il y a une autre différence entre ces deux sortes d'idées, qui n'est pas moins évidente, et la voici : bien que ni les idées de la mémoire ni celles de l'imagination, ni les idées vives ni les faibles, ne puissent se présenter à l'esprit sans que les impressions qui leur correspondent les aient précédées pour leur frayer voie, l'imagination n'est pourtant pas tenue de respecter identiquement l'ordre et la forme des impressions originelles, tandis que sur ce point, la mémoire est, d'une certaine manière, assujettie, sans aucun pouvoir de modification.
  Il est évident que la mémoire conserve la forme originelle sous laquelle les objets ont été présentés que, chaque fois que nous nous en écartons en nous remémorant quelque chose, cela provient d'un certain défaut ou d'une certaine imperfection de cette faculté. Il peut arriver qu'un historien, pour la commodité de sa narration, relate un événement avant un autre auquel il était, en fait, postérieur ; mais s'il veut être exact, il prend alors bonne note de ce désordre, replace ainsi l'idée dans la position qui est la sienne. Il en va de même lorsque nous nous souvenons des lieux et des personnes que nous avons connus auparavant. L'activité principale de la mémoire n'est pas de conserver les idées simples, mais leur ordre et leur position. En bref, ce principe est étayé par un nombre si considérable de phénomènes courants et triviaux que nous pouvons nous épargner le souci d'y insister davantage.
  Nous retrouvons la même évidence dan notre second principe, celui de la liberté que possède l'imagination de transposer et de changer ses idées. Les fables que nous trouvons dans les poèmes et les romans placent ce principe hors de toute discussion. La nature est totalement bouleversée et il n'est question que de chevaux ailés, de dragons qui crachent le feu et de géants monstrueux. Et cette liberté de la fantaisie [fancy] ne paraîtra pas étrange si nous considérons que toutes nos idées sont des copies de nos impressions et qu'il n'est pas deux impressions qui soient parfaitement inséparables ; sans compter que c'est une conséquence évidente de la division de idées en simples et complexes. Toutes les fois que l'imagination perçoit une différence entre les idées elle peut aisément effectuer une séparation."

 

David Hume, Traité de la nature humaine, 1739, Livre I, 1ère partie, section III, tr. fr. Philippe Baranger et Philippe Saltel, GF, 1995, p. 50-52.

 

  "We find by experience, that when any impression has been present with the mind, it again makes its appearance there as an idea; and this it may do after two different ways: either when in its new appearance it retains a considerable degree of its first vivacity, and is somewhat intermediate betwixt an impression and an idea: or when it entirely loses that vivacity, and is a perfect idea. The faculty, by which we repeat our impressions in the first manner, is called the MEMORY, and the other the IMAGINATION. It is evident at first sight, that the ideas of the memory are much more lively and strong than those of the imagination, and that the former faculty paints its objects in more distinct colours, than any which are employed by the latter. When we remember any past event, the idea of it flows in upon the mind in a forcible manner; whereas in the imagination the perception is faint and languid, and cannot without difficulty be preserved by the mind steddy and uniform for any considerable time. Here then is a sensible difference betwixt one species of ideas and another. […]
  There is another difference betwixt these two kinds of ideas, which is no less evident, namely that though neither the ideas, of the memory nor imagination, neither the lively nor faint ideas can make their appearance in the mind, unless their correspondent impressions have gone before to prepare the way for them, yet the imagination is not restrained to the same order and form with the original impressions; while the memory is in a manner tied down in that respect, without any power of variation.
  It is evident, that the memory preserves the original form, in which its objects were presented, and that where-ever we depart from it in recollecting any thing, it proceeds from some defect or imperfection in that faculty. An historian may, perhaps, for the more convenient Carrying on of his narration, relate an event before another, to which it was in fact posterior; but then he takes notice of this disorder, if he be exact; and by that means replaces the idea in its due position. It is the same case in our recollection of those places and persons, with which we were formerly acquainted. The chief exercise of the memory is not to preserve the simple ideas, but their order and position. In short, this principle is supported by such a number of common and vulgar phaenomena, that we may spare ourselves the trouble of insisting on it any farther.
  The same evidence follows us in our second principle, OF THE LIBERTY OF THE IMAGINATION TO TRANSPOSE AND CHANGE ITS IDEAS. The fables we meet with in poems and romances put this entirely out of the question. Nature there is totally confounded, and nothing mentioned but winged horses, fiery dragons, and monstrous giants. Nor will this liberty of the fancy appear strange, when we consider, that all our ideas are copyed from our impressions, and that there are not any two impressions which are perfectly inseparable. Not to mention, that this is an evident consequence of the division of ideas into simple and complex. Where-ever the imagination perceives a difference among ideas, it can easily produce a separation."

 

David Hume, A Treatise on human nature, 1739, Book I, 1st part, section III.



  "Il semble aussi évident que, lorsque les hommes suivent ce puissant et aveugle instinct naturel, ils admettent toujours que les images mêmes, que présentent les sens, sont les objets extérieurs, et ils n'entretiennent aucun soupçon que celles-là soient seulement des représentations de ceux-ci. Cette table même, que nous voyons blanche et que nous sentons dure, nous croyons qu'elle existe indépendamment de notre perception, nous croyons qu'elle est quelque chose d'extérieur à notre esprit qui la perçoit. Notre présence ne lui confère pas l'existence ; notre absence ne l'anéantit pas. Elle conserve une existence invariable et entière, indépendante de la situation des êtres intelligents qui la perçoivent ou la contemplent.
  Mais cette opinion universelle et primitive de tous les hommes est bientôt détruite par la plus légère philosophie, qui nous apprend que rien ne peut jamais être présent à l'esprit qu'une image ou une perception et que les sens sont seulement des guichets à travers lesquels ces images sont introduites, sans qu'ils soient capables de produire un rapport immédiat entre l'esprit et l'objet. La table que nous voyons semble diminuer quand nous nous en éloignons ; mais la table réelle, qui existe indépendamment de nous, ne souffre pas de modification ; ce n'était donc que son image qui était présente à l'esprit. Tels sont les décrets évidents de la raison ; aucun homme qui réfléchit n'a jamais douté de ce que les existences, que nous considérons quand nous disons cette maison et cet arbre, ne sont rien que des perceptions dans l'esprit, des copies flottantes et des représentations d'autres existences qui restent invariables et indépendantes."

 

David Hume, Enquête sur l'entendement humain, 1748, Section XII, 1ère partie, tr. fr. Philippe Baranger et Philippe Saltel, GF, 1983, p. 233-234.


 

  "Les sensations que nous avons par l'intermédiaire des sens n'existent que par la présence de l'objet et cessent par son absence ; la présence de l'objet n'étant ici entendue que par sa position par rapport à l'organe qui est l'antécédent de la sensation ; et son absence, par toute autre position.
  C'est une partie connue de notre constitution que lorsque nos sensations cessent par l'absence de leurs objets, il reste quelque chose. Après avoir vu le soleil et avoir fermé les yeux pour ne plus le voir, je peux encore penser à lui. J'ai encore un sentiment, conséquence de la sensation, qui, bien que je puisse le distinguer de la sensation et le traiter non pas comme la sensation, mais comme quelque chose de différent de la sensation, ressemble encore plus à la sensation que toute autre chose. Il est si semblable que je l'appelle une copie, une image de la sensation ; quelquefois une représentation, ou une trace de la sensation.

  Un autre nom par lequel nous désignons cette trace, cette copie de la sensation, qui reste après que la sensation cesse, est IDÉE. C'est un nom très commode, et c'est sous ce nom que les copies de la sensation ainsi décrite seront communément désignées dans le présent ouvrage. Le mot IDÉE, dans ce sens, n'exprimera aucune théorie, rien que le simple fait, qui est indiscutable. Nous avons deux classes de sentiments : l'une, celle qui existe lorsque l'objet des sens est présent ; l'autre, celle qui existe après que l'objet des sens a cessé d'être présent. J'appelle la première classe de sentiments SENSATIONS ; l'autre classe de sentiments, IDÉES."

 

James Mill, Analyse des phénomènes de l'esprit humain, 1829, chapitre II.

 

  "The sensations which we have through the medium of the senses exist only by the presence of the object, and cease upon its absence; nothing being here meant by the presence of the object, but that position of it with respect to the organ, which is the antecedent of the sensation; or by its absence, but any other position.
  It is a known part of our constitution, that when our sensations cease, by the absence of their objects, something remains. After I have seen the sun, and by shutting my eyes see him no longer, I can still think of him. I have still a feeling, the consequence of the sensation, which, though I can distinguish it from the sensation, and treat it as not the sensation, but something different from the sensation, is yet more like the sensation, than anything else can be; so like, that I call it a copy, an image, of the sensation; sometimes, a representation, or trace, of the sensation.

  Another name, by which we denote this trace, this copy, of the sensation, which remains after the sensation ceases, is IDEA. This is a very convenient name, and it is that by which the copies of the sensation thus described will be commonly denominated in the present work. The word IDEA, in this sense, will express no theory whatsoever; nothing but the bare fact, which is indisputable. We have two classes of feelings; one, that which exists when the object of sense is present; another, that which exists after the object of sense has ceased to be present. The one class of feelings I call SENSATIONS; the other class of feelings I call IDEAS."

 

James Mill, Analysis of the phenomena of the human mind, 1829, chapter II, Volume I, LONGMANS, GREEN, READER, AND DYER, 1878, p. 51-52.
 

 

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Date de création : 12/09/2024 @ 09:58
Dernière modification : 04/10/2024 @ 12:38
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