"Il convient […] de distinguer les symboles et les signes, d'une part, des indices ou des signaux, d'autre part. Non seulement toute pensée, mais toute activité cognitive et motrice, de la perception et de l'habitude à la pensée conceptuelle et réflexive, consiste à relier des significations, et tout signification suppose un rapport entre un signifiant et une réalité signifiée. Seulement dans le cas de l'indice, le signifiant constitue une partie ou aspect objectif du signifié, ou encore lui est relié par un lien de cause à effet : des traces laissées sur la neige sont, pour le chasseur, l'indice du gibier, et l'extrémité visible d'un objet presque entièrement caché est, pour le bébé, l'indice de sa présence. Le signal également, même artificiellement provoqué par l'expérimentateur, constitue pour le sujet un simple aspect partiel de l'événement qu'il annonce (dans une conduite conditionnée, le signal est perçu comme un antécédent objectif). Au contraire, le symbole et le signe impliquent une différentiation, du point du vue du sujet lui-même, entre le signifiant et le signifié : pour un enfant qui joue à la dînette, un caillou représentant un bonbon est consciemment reconnu comme symbolisant, et le bonbon comme symbolisé ; et lorsque le même enfant considère, par « adhérence du signe » un nom comme inhérent à la chose nommée, il regarde néanmoins ce nom comme un signifiant, même s'il en fait une sorte d'étiquette attribuée substantiellement à l'objet désigné.
Précisons encore que, selon un usage des linguistes utile à suivre en psychologie, un symbole est à définir comme impliquant un lien de ressemblance entre le signifiant et le signifié, tandis que le signe est « arbitraire » et repose nécessairement sur une convention. Le signe requiert donc la vie sociale pour se constituer, tandis que le symbole peut être élaboré déjà par un individu seul (comme dans le jeu des petits enfants). Il va de soi d'ailleurs que les symboles peuvent être socialisés, un symbole collectif étant alors en général mi-signe mi-symbole ; un pur signe est par contre toujours collectif."
Jean Piaget, Psychologie de l'intelligence, 1947, Armand Colin, 1979, p. 134-135.
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