"L'art figuratif ne constitue ni un idéogramme ni la transposition sensible de choses ou de concepts élaborés sans participation active des artistes. Il existe une rationalité dans le mode de sélection des éléments qui entrent en combinaison dans toute œuvre imaginaire et il en existe une aussi dans les procédés de mise en relation de ces éléments entre eux, aussi bien au niveau de la mise en ordre des signes matériels sur l'écran figuratif à deux dimensions, qui sert de support à l'œuvre, que des interrelations imaginaires qui se dégagent à l'heure du déchiffrage. L'élaboration de l'œuvre d'art est le produit d'une faculté particulière ; l'objet esthétique ne remplace pas quelque chose, même lorsqu'en apparence son dessein est gratuit. L'objet figuratif, n'est ni représentation sensible d'une essence ni regroupement d'éléments conformément à un ordre préétabli. L'image visuelle ou sonore, les différentes réalités figuratives ou auditives, ne sont pas davantage issues d'une intuition qui ferait affleurer des valeurs préalablement constituées dans l'inconscient. Lorsque l'artiste, en organisant son œuvre, élimine et retient, il suit une logique créatrice. L'ordre combinatoire des formes, des volumes, des couleurs ou des sons répond à un rationalisme de l'imaginaire – non moins strict que celui des sciences mathématiques ou de la rhétorique. Ce que nous retrouvons, au moment du déchiffrage, c'est précisément cet ordre problématique ; la conformité des éléments à la perception occasionnelle qui les a suggérées n'étant que rarement assurée et toujours secondaire."
Pierre Francastel, "Art, forme, structure", 1965, in L'Image, la vision et l'imagination, Denoël/Gonthier, 1983, p. 37.
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