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Texte à méditer :  Avant notre venue, rien de manquait au monde ; après notre départ, rien ne lui manquera.   Omar Khayyâm
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Hors des sentiers battus
Le besoin d'État

  "Il n'est pas question, à l'heure actuelle, de remettre en cause l'existence de l'État. Nous nous plaignons de ses exigences et nous protestons contre ses empiétements de plus en plus fréquents sur ce qui était autrefois du domaine privé, mais il nous est presque impossible d'envisager la vie sans lui. Dans le monde actuel, le sort le plus affreux que l'on puisse connaître est celui d'apatride. « L'homme sans pays », dont parlait Hale[1], existe bel et bien de nos jours, et son malheur revêt des formes que Hale n'aurait jamais pu imaginer. On peut désormais se passer des anciennes façons de trouver son identité au sein d'une société : un homme sans famille, sans domicile fixe et sans appartenance religieuse peut mener une vie suffisamment remplie. Mais sans État, il n'est rien. Il n'a aucun droit. Aucune sécurité et peu de chances de mener une carrière utile. Sur terre point de salut en dehors du cadre d'un État organisé.
  Ce ne fut pas toujours le cas. Il y eut des époques, qui à l'échelle de l'histoire ne sont pas bien reculées, où l'État n'existait pas, sans que personne trouvât à redire à cette absence. En ce temps-là, un homme qui n'avait ni famille ni seigneur et n'appartenait ni à une communauté locale ni à un groupe religieux majoritaire, ne parvenait à survivre qu'en devenant domestique ou esclave. Ce type de société avait des valeurs différentes des nôtres : on y faisait le sacrifice suprême de sa vie ou de ses biens au nom de la famille du seigneur, de la communauté ou de la religion, pas au nom de l'État. La puissance d'organisation de telles sociétés était inférieure à la nôtre ; il était difficile alors d'amener un très grand nombre de personnes à œuvrer pendant longtemps à une tâche commune. Un fort sentiment d'obligations réciproques liait ceux qui se connaissaient personnellement mais ce lien s'évanouissait bien vite avec la distance. Le caractère imparfait et limité dans l'espace de ces types d'organisation empêchait la société de faire le meilleur usage de ses ressources naturelles et humaines, la maintenant à un niveau dc vie peu élevé, et privant les individus doués de la possibilité de se réaliser pleinement. Au contraire, le développement de l'État moderne rendit possible une concentration telle, quant à l'utilisation des ressources humaines, que tous les autres types d'organisation sociale furent inévitablement relégués à un rôle secondaire. Nous payons un prix parfois dangereusement élevé pour cette concentration du pouvoir. En théorie, on peut envisager de conserver les bénéfices de cette complexité d'organisation, tout en réduisant le rôle d'encadrement de l'État. mais en pratique, nul n'a jamais accompli cet exploit. Seules les peuplades les plus reculées et les plus primitives peuvent se passer de l'État. Aussitôt que le monde moderne les atteint, leurs habitants se voient contraints, soit de se constituer en État, soit de se réfugier à l'ombre d'un État déjà existant."

 

Joseph R. Strayer, Les Origines médiévales de l'État, 1970, tr. fr. Michèle Clément, Klincksiek, 2018, p. 3-4.


[1] Edward Everett Hale (1822-1909) est un écrivain américain, auteur d'une nouvelle ayant pour titre L'Homme sans pays.

 

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Date de création : 26/02/2025 @ 17:09
Dernière modification : 26/02/2025 @ 17:09
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