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Texte à méditer :  Time is money.
  
Benjamin Franklin
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Hors des sentiers battus
L'usage religieux de l'image

  "La visualisation du message de Dieu a entraîné toutes les suites de magisme, de superstition, d'idolâtrie, de paganisme, de polythéisme... Qu'on le veuille ou non, la profusion des images, la beauté des cérémonies, le triomphe visuel des liturgies, la symbolique purement visuelle, tout cela fut la source majeure de toutes les erreurs médiévales et postérieures, dans l'Église romaine et orthodoxe. Mais je disais qu'il fallait bien distinguer entre ces admirables artistes, et puis les dirigeants de l'Église et ces théologiens qui ont volontairement tout orienté vers le visuel, au nom de l'efficacité (et ceci est bien dit et répété expressément : il faut faire des images parce que c'est plus efficace, pour voir comme dit Paulin de Nole « si la vue de ces ombres émaillées et relevées de couleurs ne ferait point quelque impression dans les esprits grossiers et stupides des paysans »). L'image a pour but de frapper l'imagination, d'éveiller l'attention sur les sujets religieux, de « rafraîchir souvent la mémoire de Jésus-Christ crucifié pour nous, ou nous propager d'ensuivre la foi et la piété de saints personnages » (colloque de Poissy). Mais elle est aussi un enseignement : on résume la Bible et la doctrine chrétienne en retables, vitraux, bas-reliefs : « Ce sont comme histoires écrites pour les simples et ignorants. » Cependant même ainsi ces images provoquent un sentiment d'adoration, qui dépasse de loin le seul enseignement. « Car naturellement l'homme aime les images : les petits enfants même aiment les poupées, surtout si elles sont bien vêtues, et les ayant placées en quelque lieu éminent leur portent je ne sais quel respect. Cette humeur enfantine est passée en la religion. Et de fait, comme les poupées sont les idoles des enfants, aussi les images et statues sont les poupées des hommes, lesquelles sont plus honorées quand elles ont un bel habit. Car, du fait que toute notre connaissance vient par les sens, l'homme veut voir un objet d'adoration sensible, et avoir devant ses yeux quelque chose qui oblige son attention. A cela aussi invite le plaisir de l'œil et la facilité : car il est plus aisé de voir des peintures que de comprendre des doctrines, et de former des pierres à l'image de l'homme que de reformer l'homme à l'image de Dieu » (Du Moulin). La querelle des images du XVIe siècle, dont ce texte est un écho, montre aussi un dernier aspect de ces créations : pour les hommes du Moyen Age, comme pour tous ceux qui les ont précédés, l'image est toujours chargée d'un certain sens spirituel. Elle n'est jamais pure représentation, pur dessin, pure esthétique : elle est d'abord porteuse d'un message ou d'une puissance. Elle est intégrée dans le monde du sacré, et pour cela indicatrice, signifiante, engageante. On ne reste pas sans en éprouver le charme, elle vous porte même si vous ne le voulez pas dans un domaine surnaturel, du culte ou de la magie, mais qui n'est pas ce monde-ci. Elle est toujours moyen, intermédiaire, idole ou mythe, jamais distraction. Si elle est évasion, ce n'est point dans l'imaginaire, mais dans le surnaturel. Elle joue donc un rôle radicalement différent de celui des images d'aujourd'hui, laïcisées, rationalisées, vulgarisées. Leur rareté, leur permanence, leur caractère sacré donnaient donc aux images avant le XVIIIe siècle une place très particulière dans la vie des hommes, et qui ne correspond plus en rien à celle qu'elles occupent dans notre société. Mais l'image dans l'Église devient très vite glorification de l'homme, des hommes (et la sculpture baroque centre tout sur la visualisation de la puissance de ces apôtres, de ces saints, sur leur dynamisme propre, et finalement il s'agit de la puissance de l'Église dont la visualisation remplit les simples croyants de terreur et d'admiration). Cathédrales à la gloire de Dieu, certes, mais attestant la puissance indiscutée de l'Église. Images qui sont associées à la volonté des princes de l'Église de dominer la société. Non plus de servir et d'attester le Seigneur crucifié, le Sauveur des pauvres, mais de modeler la société selon les principes et idées issues d'une philosophie tirée de la synthèse évangélique. Volonté de domination, de conquête. Efficacité pour non pas amener au Sauveur compatissant, mais pour faire obéir aux commandements de Dieu et de l'Église. Efficacité qui se double exactement du triomphe de l'institution ecclésiastique."

 

Jacques Ellul, La Parole humiliée, 1981, Seuil, p. 203-205, La Table Ronde, 2014, p. 286-289.

 

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Date de création : 23/03/2025 @ 08:35
Dernière modification : 23/03/2025 @ 08:35
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