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Faculté de juger et jugements chez Kant

  "L'entendement n'a été défini plus haut que négativement : un pouvoir de connaître non sensible. Or, nous ne pouvons, indépendamment de la sensibilité, participer à aucune intuition. L'entendement n'est donc pas un pouvoir d'intuition. Mais, en dehors de l'intuition, il n'y a pas d'autre manière de connaître que par concepts. Donc la connaissance de tout entendement, pour le moins de l'entendement humain, est une connaissance par concepts, non intuitive, mais discursive. Toutes les intuitions, en tant que sensibles, reposent sur des affections, et les concepts, par conséquent, sur des fonctions. Or, j'entends par fonction l'unité de l'acte qui range diverses représentations sous une représentation commune. Les concepts reposent donc sur la spontanéité de la pensée, comme les intuitions sensibles, sur la réceptivité des impressions. Or, de ces concepts, l'entendement ne peut faire aucun autre usage que de juger par leur moyen. Comme aucune représentation, sauf l'intuition seule, ne se rapporte immédiatement à l'objet, un concept ne se rapporte donc jamais immédiatement à un objet, mais à quelque autre représentation de cet objet (que ce soit une intuition ou même déjà un concept). Le jugement est donc la connaissance médiate d'un objet, par conséquent la représentation d'une représentation de cet objet. Dans tout jugement il y a un concept qui est valable pour plusieurs concepts et qui parmi eux comprend aussi une représentation donnée, laquelle enfin se rapporte immédiatement à l'objet. Ainsi, par exemple, dans ce jugement : tous les corps sont divisibles, le concept du divisible s'applique à divers autres concepts parmi lesquels il se rapporte surtout à celui de corps, celui-ci, à son tour, à certains phénomènes qui se présentent à nous. Ainsi ces objets sont représentés indirectement par le concept de la divisibilité. Tous les jugements sont, d'après cela, des fonctions de l'unité parmi nos représentations, puisqu'à une représentation immédiate se substitue une représentation plus élevée qui contient la première ainsi que plusieurs autres et qui sert à la connaissance de l'objet, de sorte que beaucoup de connaissances possibles sont réunies en une seule. Mais nous pouvons ramener à des jugements tous les actes de l'entendement, de telle sorte que l'entendement en général peut être représenté comme un pouvoir de juger. En effet, d'après ce qui a été dit plus haut, il est un pouvoir de penser. Or, penser, c'est connaître par concepts et les concepts se rapportent, comme prédicats de jugements possibles, à quelque représentation d'un objet encore indéterminé. Ainsi, le concept de corps signifie quelque chose, par exemple, un métal, qui peut être connu par ce concept. Il n'est donc un concept qu'à la condition de contenir d'autres représentations au moyen desquelles il peut se rapporter à des objets. Il est donc le prédicat d'un jugement possible, par exemple de celui-ci : tout métal est un corps. On trouvera donc toutes les fonctions de l'entendement, si on parvient à déterminer complètement les fonctions de l'unité dans les jugements. […]
  Si nous faisons abstraction de tout le contenu d'un jugement en général et que nous n'y considérons que la simple forme de l'entendement, nous trouvons que la fonction de la pensée dans ce jugement peut se ramener à quatre titres dont chacun se compose de trois moments. Ils peuvent être commodément représentés dans la table suivante :

 

 

1/ Quantité des jugements

Universels
Particuliers
Singuliers

 

2/ Qualité

Affirmatifs
Négatifs
Indéfinis

 

3/ Relation

Catégoriques
Hypothétiques

Disjonctifs

 

4/ Modalité

Problématiques
Assertoriques
Apodictiques

 

 

Emmanuel Kant, Critique de la raison pure, 1787, Analytique transcendantale, Livre 1er, Chapitre 1er, 1ère section, tr. fr. A. Tremesaygues et B. Pacaud, PUF, 1997, p. 87-88.


 

  "L'affaire des sens, c'est l'intuition ; celle de l'entendement, c'est de penser. Or penser, c'est unifier des représentations en une conscience. Cette unification se produit ou bien relativement au sujet simplement, auquel cas elle est contingente et subjective, ou bien elle a lieu absolument, et elle est alors nécessaire ou objective. L'unification des représentations en une conscience, c'est le jugement. Donc penser équivaut à juger ou à rapporter des représentations à des jugements en général. Par suite, les jugements sont, ou bien simplement subjectifs, lorsque les représentations sont seulement rapportées à une conscience en un sujet et unifiées en elle, ou bien objectives, lorsqu'elles sont unifiées dans une conscience en général, c'est-à-dire, du coup, nécessairement. Les moments logiques de tous les jugements sont autant de manières possibles d'unifier les représentations en une conscience. Mais si ces mêmes moments servent de concepts, ce sont des concepts de l'unification nécessaire de ces représentations en une conscience, par conséquent les principes de jugements valables objectivement."

 

Emmanuel Kant, Prolégomènes à toute métaphysique future, 1783, § XXII, tr. fr. Louis Guillermit, Vrin, p. 73-74.


 

  "Si l'on définit l'entendement en général le pouvoir des règles, le jugement sera le pouvoir de subsumer sous des règles, c'est-à-dire de décider si une chose est ou n'est pas soumise à une règle donnée (casus datae legis). La logique générale ne renferme aucun précepte pour le jugement et n'en peut pas renfermer. En effet, comme elle fait abstraction de tout contenu de la connaissance, il ne lui reste qu'à exposer séparément d'une manière analytique la simple forme des connaissances d'après les concepts, les jugements et raisonnements, et qu'à établir ainsi les règles formelles de tout usage de l'entendement. Que si elle voulait montrer d'une manière générale comment on doit subsumer sous ces règles, c'est-à-dire décider si quelque chose y rentre ou non, elle ne le pourrait, à son tour, qu'au moyen d'une règle. Or, cette règle, précisément parce qu'elle est une règle, exigerait une nouvelle éducation du jugement ; on voit donc que si l'entendement est capable d'être instruit et armé par des règles, le jugement est un don particulier qui ne peut pas du tout être appris, mais seulement exercé. Aussi le jugement est-il la marque spécifique de ce qu'on nomme le bon sens (Mutterwitzes) et au manque de quoi aucun enseignement ne peut suppléer ; car, bien qu'une école puisse présenter à un entendement borné une provision de règles, et greffer, pour ainsi dire, sur lui des connaissances étrangères, il faut que l'élève possède par lui-même le pouvoir de se servir de ces règles exactement, et il n'y a pas de règle que l'on puisse lui prescrire à ce sujet et qui soit capable de le garantir contre l'abus qu'il en peut faire quand un tel don naturel lui manque[1]. C'est pourquoi un médecin, un juge ou un homme d'État peuvent avoir dans la tête beaucoup de belles règles de pathologie, de jurisprudence ou de politique, à un degré capable de les rendre de savants professeurs en ces matières, et pourtant se tromper facilement dans l'application de ces règles, soit parce qu'ils manquent de jugement naturel, sans manquer cependant d'entendement et que, s'ils voient bien le général in abstracto, ils sont incapables de distinguer si un cas y est contenu in concreto, soit parce qu'ils n'ont pas été assez exercés à ce jugement par des exemples et des affaires réelles. Aussi l'unique et grande utilité des exemples est-elle qu'ils aiguisent le jugement. En effet, pour ce qui regarde l'exactitude et la précision des vues de l'entendement, ils leur portent plutôt généralement quelque préjudice parce qu'ils ne remplissent que rarement d'une manière adéquate la condition de la règle (comme casus in terminis) et qu'ils affaiblissent en outre maintes fois la tension de l'entendement nécessaire pour apercevoir dans toute leur suffisance les règles dans l'universel et indépendamment des circonstances particulières de l'expérience, de sorte qu'on finit par s'accoutumer à les employer plutôt comme des formules que comme des principes. Les exemples sont donc les béquilles du jugement et celui-là ne saurait s'en passer à qui manque ce don naturel."

 

Emmanuel Kant, Critique de la raison pure, 1787, Analytique transcendantale, Livre II, Introduction, tr. fr. A. Tremesaygues et B. Pacaud, PUF, 1997, p. 148-149.


[1] Le manque de jugement est proprement ce que l'on appelle stupidité, et à ce vice il n'y a pas de remède. Une tête obtuse ou bornée en laquelle il ne manque que le degré d'entendement convenable et de concepts qui lui soient propres, peut fort bien arriver par l'instruction jusqu'à l'érudition. Mais, comme alors, le plus souvent, ce défaut accompagne aussi l'autre, il n'est pas rare de trouver des hommes très instruits qui laissent incessamment apercevoir dans l'usage qu'ils font de leur science ce vice irrémédiable.


 

  "Dans tous les jugements où est pensé le rapport d'un sujet à un prédicat (je ne considère que les jugements affirmatifs ; car ce que j'en dirai s'appliquera [ensuite] facilement aux jugements négatifs), ce rapport est possible de deux manières. Ou le prédicat B appartient au sujet A comme quelque chose qui est contenu [implicitement] [...] dans ce concept A, ou B est entièrement en dehors du concept A, quoiqu'il soit, à la vérité, en connexion avec lui. Dans le premier cas, je nomme le jugement analytique, dans l'autre synthétique. Ainsi les jugements (les affirmatifs) sont analytiques quand la liaison du prédicat au sujet y est pensée par identité ; mais on doit appeler jugements synthétiques ceux en qui cette liaison est pensée sans identité.
  On pourrait aussi nommer les premiers explicatifs, les autres extensifs, car les premiers n'ajoutent rien au concept du sujet par le moyen du prédicat, mais ne font que le décomposer par l'analyse en ses concepts partiels qui ont été déjà (bien que confusément) pensés en lui ; tandis qu'au contraire les autres ajoutent au concept du sujet un prédicat qui n'avait pas été pensé en lui et qu'on n'aurait pu en tirer par aucun démembrement.

  Par exemple, lorsque je dis que tous les corps sont étendus, j'énonce un jugement analytique, car je n'ai pas besoin de sortir du concept que je lie au mot corps, pour trouver l'étendue unie à lui, mais je n'ai qu'à décomposer ce concept, c'est-à-dire qu'à prendre conscience du divers que je pense en lui, pour y trouver ce prédicat ; ce jugement est donc analytique. Au contraire, lorsque je dis que tous les corps sont pesants, ici le prédicat est tout à fait différent de ce que je pense dans le simple concept d'un corps en général. L'adjonction de ce prédicat donne, par conséquent, un jugement synthétique.
  D'où il résulte clairement : 1. que les jugements analytiques n'étendent pas du tout nos connaissances, mais seulement développent le concept que j'ai déjà et me le rendent intelligible à moi-même ; 2. que dans les jugements synthétiques, je dois avoir en dehors du concept du sujet quelque chose encore (X) sur quoi l'entendement s'appuie pour reconnaître qu'un prédicat qui n'est pas contenu dans ce concept lui appartient cependant.
  Dans les jugements empiriques ou d'expérience, il n'y a pas du tout de difficulté à cela [...].
  Mais, dans les jugements synthétiques a priori, je suis entièrement privé de ce moyen. Si je dois sortir du concept A pour en connaître un autre, B, comme lié avec lui, sur quoi pourrai-je m'appuyer et qu'est-ce qui rendra la synthèse possible, alors qu'ici je n'ai pas l'avantage de m'orienter dans le champ de l'expérience ? Soit la proposition : Tout ce qui arrive a sa cause. Dans le concept de quelque chose qui arrive, je conçois, il est vrai, une existence que précède un temps, etc., et de là se laissent tirer des jugements analytiques.
  Mais le concept d'une cause [est tout à fait en dehors de ce concept-là et] montre quelque chose de distinct de ce qui arrive ; il n'est [donc] nullement contenu dans cette dernière représentation [...]. Quel est ici l'[inconnu] X, sur quoi s'appuie l'entendement, quand il croit trouver, hors du concept de A, un prédicat B qui lui est étranger, mais qui est toutefois lié à ce concept ? Ce ne peut pas être l'expérience, puisque c'est non seulement avec plus de généralité que l'expérience n'en peut fournir, mais aussi avec l'expression de la nécessité, par suite entièrement a priori et par simples concepts, que le principe en question ajoute cette seconde représentation à la première. Or, sur de tels principes synthétiques, c'est-à-dire extensifs, repose la fin tout entière de notre connaissance a priori spéculative, car les principes analytiques sont, à la vérité, grandement importants et nécessaires, mais seulement pour arriver à cette clarté des concepts requise pour une synthèse sûre et étendue, comme pour une acquisition réellement nouvelle. […]
  Les jugements mathématiques sont tous synthétiques. […]
  Il faut remarquer tout d'abord que les propositions vraiment mathématiques sont toujours des jugements a priori et non empiriques puisqu'elles comportent la nécessité qu'on ne peut tirer de l'expérience [...].
  On pourrait sans doute penser, à première vue, que la proposition 7 + 5 = 12 est une proposition simplement analytique qui résulte, en vertu du principe de contradiction, du concept de la somme de sept et de cinq.
  Mais quand on y regarde de plus près, on trouve que le concept de la somme de sept et de cinq ne contient rien de plus que la réunion des deux nombres en un seul, par quoi n'est pas du tout pensé ce qu'est le nombre unique qui renferme les deux autres. Le concept de douze n'est pensé en aucune manière par le fait seul que je conçois simplement cette réunion de sept et de cinq, et j'aurai beau analyser le concept que j'ai d'une telle somme possible, aussi longuement que je le voudrai, je n'y trouverai pas le nombre douze. […] Que 5 dussent être ajoutés à 7, je l'ai, en vérité, pensé dans le concept d'une somme = à 7 + 5, mais non que cette somme soit égale au nombre 12. La proposition arithmétique est donc toujours synthétique ; on s'en convaincra d'autant plus clairement que l'on prendra des nombres quelque peu plus grands, car il est alors évident que, de quelque manière que nous tournions et retournions nos concepts, nous ne pourrions jamais, sans recourir à l'intuition, trouver la somme, au moyen de la simple décomposition de nos concepts."

 

Emmanuel Kant, Critique de la raison pure, 1787, Introduction 1ère édition, § IV, tr. fr. A. Tremesaygues et B. Pacaud, PUF, 1997, p. 37-41.


 

  "La faculté de juger peut être considérée soit comme un simple pouvoir de réfléchir suivant un certain principe sur une représentation donnée, dans le but de rendre possible par là un concept, soit comme un pouvoir de déterminer, à l'aide d'une représentation empirique donnée, un concept pris comme sujet du jugement. Dans le premier cas, il s'agit de la faculté de juger réfléchissante, dans le second, de la faculté de juger déterminante. Or, réfléchir (examiner par la réflexion), c'est comparer et tenir ensemble des représentations données, soit avec d'autres, soit avec son pouvoir de connaître, en relation avec un concept rendu par là possible. La faculté de juger réfléchissante est celle que l'on appelle aussi le pouvoir de porter des jugements appréciatifs (facultas dijudicandi).
  L'acte de réfléchir (qui se manifeste même chez des animaux, bien que ce ne soit que de manière instinctive, c'est-à-dire en relation, non pas à un concept qui se pourrait obtenir par ce moyen, mais à une inclination qui se trouve à déterminer par là) requiert pour nous tout autant un principe que l'acte de déterminer, dans lequel le concept de l'objet qui est pris pour sujet du jugement prescrit la règle à la faculté de juger et joue donc le rôle du principe.

  Le principe de la réflexion sur les objets donnés de la nature est celui-ci : pour toutes les choses de la nature se peuvent trouver des concepts empiriquement déterminés, ce qui signifie également que l'on peut toujours supposer dans ses produits une forme qui est possible selon des lois générales que nous pouvons connaître. Car, si nous ne pouvions procéder à cette supposition et si nous n'établissions pas ce principe à la base de notre façon de traiter des représentations emipriques, tout acte de réflexion interviendrait seulement de manière aventureuse et aveugle, sans que par conséquent se puisse raisonnablement attendre un accord de cette réflexion avec la nature.
  Pour ce qui concerne les concepts universels de la nature, sous la condition desquels en général un concept d'expérience (sans détermination empirique particulière) devient possible, la réflexion trouve déjà ce qui la guide dans le concept d'une nature en général, c'est-à-dire dans l'entendement, et la faculté de juger ne requiert nul principe particulier de la réflexion ; au contraire, c'est elle qui schématise a priori et applique à chaque synthèse empirique ces schèmes sans lesquels nul jugement d'expérience ne serait possible. La faculté de juger est ici, dans sa réflexion, en même temps déterminante et le schématisme transcendantal de la réflexion lui sert en même temps de règle sous laquelle sont subsumées des intuitions empiriques données.
  Mais, pour ce qui est des concepts qu'il faut d'abord trouver pour des intuitions empiriques données et qui supposent une loi particulière de la nature, d'après laquelle seulement l'expérience particulière est possible, la faculté de juger requiert à destination de sa réflexion un principe spécifique, également transcendantal, et on ne peut pas la renvoyer une fois encore à des lois empiriques déjà connues, ni non plus transformer la réflexion en une simple comparaison avec des formes empiriques pour lesquelles on possède déjà des concepts. Car la question se pose de savoir comment l'on pourrait espérer, par la comparaison des perceptions, arriver à des concepts empiriques de ce qui est commun aux diverses formes de la nature si la nature (comme il est cependant possible de le penser) y avait disposé, du fait de la grande diversité de ses lois empiriques, une si grande hétérogénéité que toute comparaison, ou du moins dans la plupart des cas, serait vaine pour chercher à dégager parmi ces formes une harmonie et un ordre hiérarchisé des espèces et des genres.
  Toute comparaison de représentations empiriques pour reconnaître dans les choses de la nature des lois empiriques et des formes spécifiques se soumettant à ces lois, mais aussi s'accordant génétiquement, à la lumière de leur comparaison, avec d'autres, présuppose en tout cas que la nature a observé, même vis-à-vis de ses lois empiriques, une certaine économie adaptée à notre faculté de juger et une uniformité que nous sommes à même de saisir, et cette présupposition doit, comme principe de la faculté de juger a priori, précéder toute comparaison.
  La faculté de juger réfléchissante procède donc à l'égard de phénomènes donnés, pour les ramener sous des concepts empiriques de choses naturelles déterminées, non pas schématiquement, mais techniquement, non pas pour ainsi dire de manière simplement mécanique, comme un instrument, sous la direction de l'entendement et des sens, mais sur le mode de l'art, en se conformant au principe universel, mais en même temps indéterminé, d'un agencement finalisé de la nature en un système, en quelque sorte au bénéfice de notre faculté de juger, dans l'appropriation de ses lois particulières (dont l'entendement ne dit rien) à la possibilité de l'expérience comme constituant un système - supposition sans laquelle nous ne pourrions espérer nous y reconnaître dans le labyrinthe des lois particulières possibles en leur diversité. La faculté de juger se donne donc à elle-même a priori la technique de la nature pour principe de sa réflexion, sans toutefois pouvoir expliquer cette technique ni la déterminer plus précisément, ou sans disposer pour cela d'un fondement objectif de détermination des concepts universels de la nature (dérivant d'une connaissance des choses en elles-mêmes), mais au contraire elle se procure ce principe uniquement pour pouvoir réfléchir selon ses propres lois subjectives, selon son besoin, mais cependant, en même temps, en accord avec des lois de la nature en général.
  Cela dit, le principe de la faculté de juger réfléchissante, grâce auquel la nature est pensée comme système d'après des lois empiriques, est seulement un principe pour l'usage logique de la faculté de juger : il s'agit certes d'un principe transcendantal quant à son origine, mais uniquement en vue de considérer a priori la nature comme possédant les qualités nécessaires à la constitution d'un système logique de sa diversité sous des lois empiriques."

 

Emmanuel Kant, Critique de la faculté de juger, 1790, Première introduction, § V, tr. fr. Alain Renaut, GF, 2000, p. 101-104.


 

  "La faculté de juger en général est le pouvoir de penser le particulier comme compris sous l'universel. Si l'universel (la règle, le principe, la loi) est donné, la faculté de juger qui subsume sous lui le particulier est déterminante (même quand, comme faculté de juger transcendantale, elle indique a priori les conditions conformément auxquelles seulement il peut y avoir subsomption sous cet universel). Mais si seul le particulier est donné, pour lequel l'universel doit être trouvé, la faculté de juger est simplement réfléchissante.

 

Emmanuel Kant, Critique de la faculté de juger, 1790, Introduction, § IV, tr. fr. Alain Renaut, GF, 2000, p. 158.

 

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Date de création : 26/09/2025 @ 12:34
Dernière modification : 26/09/2025 @ 12:36
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