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Texte à méditer :  

Il est vrai qu'un peu de philosophie incline l'esprit de l'homme à l'athéisme ; mais que davantage de philosophie le ramène à la religion.   Francis Bacon


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Hors des sentiers battus
La justice pénale

  "Dans la mesure où la procédure criminelle est obligatoire et est engagée même lorsque la victime préfère oublier et pardonner, elle repose sur des lois dont l' « essence » est que « le crime n'est pas seulement commis contre la victime mais d'abord contre la communauté dont la loi a été violée » – selon un article de Telford Taylord publié dans le New York Times Magazine. Le malfaiteur comparaît en justice parce que son acte a perturbé et gravement mis en danger la communauté dans son ensemble et non, comme dans les affaires civiles, parce qu'il a lésé certains individus qui ont droit à un dédommagement. Dans les affaires criminelles, le dédommagement est d'une tout autre nature ; c'est le corps politique lui-même qui doit être « dédommagé » et c'est l'ordre public dans son ensemble qui a été perturbé et doit être en quelque sorte rétabli. En d'autres termes, c'est la loi, et non le plaignant, qui doit prévaloir."

 

Hannah Arendt, Eichmann à Jérusalem, 1963, Épilogue, tr. fr. A. Guérin, Gallimard Quarto, 2002, p. 1270.


 

  "Pourquoi la vengeance du sang, partout où elle sévit, constitue-t-elle une menace insupportable ? La seule vengeance satisfaisante, devant le sang versé, consiste à verser le sang du criminel. Il n'y a pas de différence nette entre l'acte que la vengeance punit et la ven­geance elle-même. La vengeance se veut représaille et toute représaille appelle de nouvelles représailles. Le crime que la vengeance punit ne se conçoit presque jamais lui-même comme premier ; il se veut déjà vengeance d'un crime plus originel.
  La vengeance constitue donc un processus infini, interminable. Chaque fois qu'elle surgit en un point quelconque d'une communauté elle tend à s'étendre et à gagner l'ensemble du corps social. Elle risque de provoquer une véritable réaction en chaîne aux consé­quences rapidement fatales dans une société de dimen­sions réduites. La multiplication des représailles met en jeu l'existence même de la société. C'est pourquoi la vengeance fait partout l'objet d'un interdit très strict.

  Mais c'est là, curieusement, où cet interdit est le plus strict que la vengeance est reine. Même quand elle reste dans l'ombre, quand son rôle reste nul, en appa­rence, elle détermine beaucoup de choses dans les rappo­rts entre les hommes. Cela ne veut pas dire que l'interdit dont la vengeance fait l'objet soit secrètement bafoué. C'est parce que le meurtre fait horreur, c'est parce qu'il faut empêcher les hommes de tuer que s'impose le devoir de la vengeance. Le devoir de ne jamais verser le sang n'est pas vraiment distinct du devoir de venger le sang versé. Pour faire cesser la vengeance, par conséquent, comme pour faire cesser la guerre, de nos jours, il ne suffit pas de convaincre les hommes que la violence est odieuse ; c'est bien parce qu'ils en sont convaincus qu'ils se font un devoir de la venger. […]
  Il y a un cercle vicieux de la vengeance et nous ne soupçonnons pas à quel point il pèse sur les sociétés primitives. Ce cercle n'existe pas pour nous. Quelle est la raison de ce privilège ? À cette question, on peut apporter une réponse catégorique sur le plan des institutions. C'est le système judiciaire qui écarte la menace de la vengeance. Il ne supprime pas la vengeance : il la limite effectivement à une représaille unique dont l'exercice est confié à une autorité souveraine et spécialisée dans son domaine. Les décisions de l'autorité judiciaire s'affirment toujours comme le dernier mot de la vengeance.
  Certaines expressions, ici, sont plus révélatrices que les théories juridiques. Une fois que la vengeance interminable est écartée, il arrive qu'on la désigne comme vengeance privée. L'expression suppose une vengeance publique mais le second terme de l'opposition n'est jamais explicite. Dans les sociétés primitives, par définition, il n'existe que de la vengeance privée. Ce n'est pas chez elles, donc, qu'il faut chercher la vengeance publique, c'est dans les sociétés policées où seul le système judiciaire peut fournir le répondant demandé.
  Il n'y a, dans le système pénal, aucun principe de justice qui diffère réellement du principe de venge­ance. C'est le même principe qui est à l'œuvre dans les deux cas, celui de la réciprocité violente, de la rétribution. Ou bien ce principe est juste et la justice est déjà présente dans la vengeance, ou bien il n'y a de justice nulle part. De celui qui se fait vengeance lui­-même, la langue anglaise affirme : He takes the law into his own hands, « il prend la loi dans ses propres mains ». Il n'y a pas de différence de principe entre vengeance privée et vengeance publique, mais il y a une différence énorme sur le plan social : la vengeance n'est plus vengée ; le processus est fini ; le danger d'escalade est écarté."

 

René Girard, La Violence et le sacré, 1972, chapitre I, Pluriel, 2003, p. 28-30.

 

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Date de création : 16/11/2025 @ 17:31
Dernière modification : 16/11/2025 @ 17:31
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