Exemple d'introduction : Comment peut-on dire : "Nous savons que nous sommes mortels, mais nous ne le croyons pas." ?
Il peut paraître étrange qu'on puisse savoir quelque chose et ne pas y croire. Car savoir, c'est nécessairement apporter son acquiescement à ce que l'on sait. Si je sais que Paris est la capitale de la France, je donne mon assentiment à ce jugement, j'y crois. Ou bien, il ne serait qu'hypothétique et cesserait d'être un savoir. Certes, il peut arriver qu'on croie sans savoir. Telle est la définition de la foi et du préjugé. Dans la foi, on s'engage à donner son assentiment à une vérité qu'on ne connaît pas réellement : l'existence de Dieu, par exemple. On commence par croire, puis on cherche à savoir. Mais ce savoir restera toujours subordonné à la croyance initiale. De même, l'homme qui vit dans le préjugé veut d'abord croire, et c'est seulement après qu'il trouve des raisons pour se justifier.
Dans l'idée de mort, au contraire, nous avons affaire à un savoir certain qui se refuse à la croyance. Savoir certain, puisque aucune vérité n'est plus triviale que celle-ci : toute vie se termine par la mort. Refus d'y croire, puisque les hommes agissent ordinairement comme s'ils devaient toujours vivre. Comment un tel paradoxe est-il possible ? Sans doute par un mouvement inverse du préjugé : une volonté de se cacher ce que l'on sait. Mais par quels mécanismes une telle fuite est-elle mise en scène ? Quelles en sont les conséquences ? S'agit-il d'une attitude vitale dont l'homme ne pourrait se défaire ? Ou bien d'une certaine mauvaise foi dont nous pourrions nous déprendre et que nous devrions condamner ?"