Il semblerait que rien ne soit plus simple que la liberté de penser. Il suffirait de faire retour sur soi-même, de se fermer aux bruits de l'extérieur pour accéder librement à ses pensées. Contrairement à la liberté d'expression qui suppose des lois et des libertés publiques, ainsi que des conditions économiques, qui ne sont pas toujours acquises, la liberté de penser ne semblerait exiger que l'activité de la pure spontanéité.
Or, on a pu constater, depuis l'antiquité grecque, que les chaînes qui interdisent la pensée ne sont pas seulement externes ; elles sont aussi, et surtout, internes : préjugés, opinions communes, traditions collectives sont plus vivaces que les tyrannies politiques, car elles sont inconscientes, donc invisibles. Il ne suffit plus alors de s'isoler pour faire table rase, il faudrait quitter famille, classe sociale, société, ne jamais avoir vécu, ce qui, évidemment, est impossible. A la limite, n'est-il pas plus facile de penser librement sous une dictature où le règne du mensonge permanent oblige l'individu à rester sur ses gardes, que dans une société libérale où des moyens puissants (mass media, publicité, modes...) insinuent subtilement dans l'individu la conviction qu'il pense librement dès lors qu'il pense comme tout le monde ?
Dans ces conditions, si l'on ne confond plus pensée et opinion, logos et doxa, la liberté de penser n'est plus considérée comme donnée, elle doit être acquise : dans un combat contre les autres, certes, mais aussi, et d'abord, contre soi-même. Que requiert ce combat ? A quelles conditions peut-on véritablement dire que l'on pense librement ?
Date de création : 04/03/2006 @ 12:09
Dernière modification : 21/06/2011 @ 18:32
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