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Texte à méditer :  

Car quoi de plus excusable que la violence pour faire triompher la cause opprimée du droit ?   Alexis de Tocqueville


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Hors des sentiers battus
L'Etat doit assurer le bien commun
    "Voyons en cet endroit, quelles sont les choses qui sont nécessaires pour la paix et pour la défense commune, parmi celles que l'on a accoutumé de proposer, de traiter et de résoudre dans les assemblées, où la plus grande voix forme une conclusion générale. Il est surtout nécessaire à la paix, que chacun soit tellement à couvert de la violence des autres, qu'il puisse vivre en repos et sans être en crainte perpétuelle, lorsqu'il ne fera tort à personne. À la vérité, il est impossible et on ne met point aussi en délibération de protéger les hommes contre toutes sortes d'injures qu'ils se peuvent faire les uns aux autres, car on ne saurait empêcher qu'ils ne s'entrebattent quelquefois et ne s'entretuent ; mais on peut mettre si bon ordre, qu'il n'y ait pas sujet de craindre que cela arrive. La sûreté publique est la fin pour laquelle les hommes se soumettent les uns aux autres, et si on ne la trouve, on ne doit point supposer qu'une personne se soit soumise, ni qu'elle ait renoncé au droit de se défendre comme bon lui semblera. On ne doit donc pas s'imaginer que quelqu'un se soit obligé à un autre, ni qu'il ait quitté son droit sur toutes choses, avant qu'on ait pourvu à sa sûreté et qu'on l'ait délivré de tout sujet de crainte.
    Il ne suffit pas pour avoir cette assurance, que chacun de ceux qui doivent s'unir comme citoyens d'une même ville, promette à son voisin, de parole, ou par écrit, qu'il gardera les lois contre le meurtre, le larcin et autres semblables : car qui est-ce qui ne connaît la malignité des hommes et qui n'a fait quelque fâcheuse expérience du peu qu'il y a à se fier à leurs promesses, quand on s'en rapporte à leur conscience et quand ils ne sont pas retenus dans leur devoir par l'appréhension de quelque peine ? Il faut donc pourvoir à la sûreté par la punition et non par le seul lien des pactes et des contrats. Or, on a usé d'une assez grande précaution, lorsqu'il y a de telles peines établies aux offenses, que manifestement on encourt un plus grand mal par la transgression de la loi, que n'est considérable le bien auquel on se porte à travers l'injustice et la désobéissance. Car, tous les hommes en sont logés là, qu'ils choisissent par une nécessité de nature ce qui leur semble être leur bien propre, de sorte que, comme de deux biens ils préfèrent le meilleur, aussi de deux maux, ils prennent toujours le moindre".

 

Thomas Hobbes, Le Citoyen, 1642, Garnier- Flammarion, 1982, p. 150-151.


 

    "La cause finale [1], fin ou but des humains (lesquels aiment naturellement la liberté et avoir de l'autorité sur les autres), en s'imposant à eux-mêmes cette restriction (par laquelle on les voit vivre dans des États), est la prévoyance de ce qui assure leur propre préservation et plus de satisfaction dans la vie ; autrement dit de sortir de ce misérable état de guerre qui est, comme on l'a montré, une conséquence nécessaire des passions naturelles qui animent les humains quand il n'y a pas de puissance visible pour les maintenir en respect et pour qu'ils se tiennent à l'exécution de leurs engagements contractuels par peur du châtiment, comme à l'observation de ces lois de nature [2] telles qu'elles sont établies aux chapitres 14 et 15. […]
    Le seul moyen d'établir pareille puissance com­mune, capable de défendre les humains contre les invasions des étrangers et les préjudices commis aux uns par les autres et, ainsi, les protéger de telle sorte que, par leur industrie propre et les fruits de la terre, ils puissent se suffire à eux-mêmes et vi­vre satisfaits, est de rassembler [to conferre] toute leur puissance et toute leur force sur un homme ou sur une assemblée d'hommes qui peut, à la majo­rité des voix, ramener toutes leurs volontés à une seule volonté ; ce qui revient à dire : désigner un homme, ou une assemblée d'hommes, pour porter leur personne ; et chacun fait sienne et reconnaît être lui-même l'auteur de toute action accomplie ou causée par celui qui porte leur personne, et rele­vant de ces choses qui concernent la paix com­mune et la sécurité ; par là même, tous et chacun d'eux soumettent leurs volontés à sa volonté, et leurs jugements à son jugement. C'est plus que le consentement ou la concorde ; il s'agit d'une unité réelle de tous en une seule et même personne, faite par convention de chacun avec chacun, de telle manière que c'est comme si chaque individu devait dire à tout individu : j'autorise cet homme ou cette assemblée d'hommes, et je lui abandonne mon droit de me gouverner moi-même, à cette condition que tu lui abandonnes ton droit et autorises toutes ses actions de la même manière. Cela fait, la mul­titude, ainsi unie en une personne une, est appelée un ÉTAT, en latin CIVITAS. Telle est la génération de ce grand LÉVIATHAN, ou plutôt (pour parler avec plus de déférence) de ce dieu mortel, auquel nous devons, sous le dieu immortel, notre paix et notre défense."

 
Thomas Hobbes, Léviathan, 1651, livre II, § 17, Traduction Gérard Mairet, Folio essais, p. 281-282 et 287-289.

[1] Celle en vue de laquelle les choses sont faites.
[2] Ici, lois, qui résultent de la nécessité d'assurer son existence dans les meilleurs conditions possibles.



  "La mission de confiance, le pouvoir et l'autorité qui appartiennent au magistrat ne lui sont accordés que pour qu'il en fasse usage pour le bien, la préservation et la paix de ceux qui sont membres de la société à la tête de laquelle il est placé ; c'est donc cela, et cela seul, qui est et doit être la norme et la mesure sur laquelle il doit se régler pour établir ses lois, pour concevoir et instituer son gouvernement. Car si les hommes pouvaient vivre ensemble dans la paix et la sûreté sans s'unir sous des lois et sans se former en corps de république, ils n'auraient nul besoin de magistrats et de politique ; ceux-ci n'ont été établis dans ce monde que pour préserver les hommes des fraudes et des violences qu'ils peuvent commettre les uns à l'égard des autres, en sorte que c'est la fin pour laquelle on a institué le gouvernement qui doit être l'unique règle de ses actions."

 

Locke, Traité sur la tolérance, 1667, tr. fr. Jean-Fabien Spitz, GF, p. 105.



    "Ce qu'est le meilleur régime pour tout État, on le connaît facilement en considérant la fin de la société civile : cette fin n'est rien d'autre que la paix et la sécurité de la vie. Par suite, le meilleur État est celui où les hommes passent leur vie dans la concorde, et dont le Droit n'est jamais transgressé. En effet, il est certain que les séditions, les guerres et le mépris ou la transgression des lois doivent être imputées non tant à la malignité des sujets qu'au mauvais régime de l'État. Les hommes, en effet, ne naissent pas aptes à la vie en société, ils le deviennent. En outre, les passions naturelles des hommes sont partout les mêmes ; si donc, dans un corps politique, la malignité humaine assure mieux son règne que dans un autre, et si on y commet plus de péchés, cela vient certainement de ce qu'un tel corps politique n'a pas assez pourvu à la concorde, n'a pas établi son Droit avec assez de sagesse et, en conséquence, n'a pas acquis le droit absolu qui est celui d'un corps politique. Car une société civile qui n'a pas éliminé les causes de sédition, où il faut toujours redouter une guerre, et où enfin les lois sont presque toujours violées, ne diffère pas beaucoup de l'état naturel, où chacun vit selon ses inclinations, mais avec un grand péril pour sa vie."


 Spinoza, Traité politique, 1677, V, § 2.


  

  "Si la nature humaine était disposée de telle façon que le plus grand désir des hommes se portât sur ce qui leur est le plus utile, il n'y aurait besoin d’aucun art pour maintenir la concorde et la fidélité. Mais comme il est certain que les dispositions de la nature humaine sont tout autres, l'État doit être réglé de telle sorte que tous, aussi bien ceux qui gouvernent que ceux qui sont gouvernés, fassent de bon ou de mauvais gré ce qui importe au salut commun, c'est-à-dire que tous, de leur propre volonté ou par force et nécessité, soient contraints de vivre selon les préceptes de la raison. Il en sera ainsi quand les affaires de l'État seront ordonnées de telle façon que rien de ce qui concerne le salut commun ne soit abandonné absolument à la foi d'un seul."

 

 

Spinoza, Traité politique, 1677, Chapitre VI, § 3, GF, 1966, p. 41-42.


 

  "L'État, selon mes idées, est une société d'hommes instituée dans la seule vue de l'établissement, de la conservation et de l'avancement de leurs INTÉRÊTS CIVILS.
  J'appelle intérêts civils, la vie, la liberté, la santé du corps ; la possession des biens extérieurs, tels que sont l'argent, les terres, les maisons, les meubles, et autres choses de cette nature.

  Il est du devoir du magistrat civil d'assurer, par l'impartiale exécution de lois équitables, à tout le peuple en général, et à chacun de ses sujets en particulier, la pos­ses­sion légitime de toutes les choses qui regardent cette vie. Si quelqu'un se hasarde de violer les lois de la justice publique, établies pour la conservation de tous ces biens, sa témérité doit être réprimée par la crainte du châtiment, qui consiste à le dé­pouiller, en tout ou en partie, de ces biens ou intérêts civils, dont il aurait pu et même dû jouir sans cela. Mais comme il n'y a personne qui souffre volontiers d'être privé d'une partie de ses biens, et encore moins de sa liberté ou de sa vie, c'est aussi pour cette raison que le magistrat est armé de la force réunie de tous ses sujets, afin de punir ceux qui violent les droits des autres."

 

Locke, Lettre sur la tolérance, 1686, tr. fr. Jean Le Clerc, GF, 1992, p. 168.



  "Quoique ceux qui entrent dans une société remettent l'égalité, la liberté, et le pouvoir qu'ils avaient dans l'état de nature, entre les mains de la société, afin que l'autorité législative en dispose de la manière qu'elle trouvera bon, et que le bien de la société requerra ; ces gens-là, néanmoins, en remettant ainsi leurs privilèges naturels, n'ayant d'autre intention que de pouvoir mieux conserver leurs personnes, leurs libertés, leurs propriétés (car, enfin, on ne saurait suppo­ser que des créatures raisonnables changent leur condition, dans l'intention d'en avoir une plus mauvaise), le pouvoir de la société ou de l'autorité législati­ve établie par eux ne peut jamais être supposé devoir s'étendre plus loin que le bien public ne le demande.
    Ainsi, qui que ce soit qui a le pouvoir législatif ou souverain d'une commu­nauté, est obligé de gouverner suivant les lois établies et connues du peuple, non par des décrets arbitraires et formés sur-le-champ; d'établir des Juges désintéressés et équitables qui décident les différends par ces lois ; d'employer les forces de la communauté au-dedans, seulement pour faire exécuter ces lois, ou au-dehors pour prévenir ou réprimer les injures étrangères, mettre la com­munauté à couvert des courses et des invasions ; et en tout cela de ne se propo­ser d'autre fin que la tranquillité, la sûreté, le bien du peuple."

 

Locke, Traité du gouvernement civil, 1690, tr. fr. David Mazel, GF, 1992, p. 239-240.


 

    "Les hommes, si l'on met de côté l'éducation qu'ils reçoivent, sont à peu près tous égaux, tant pour la force du corps que pour les facultés de l'esprit : pour peu que l'on réfléchisse, il faudra nécessairement convenir qu'il n'y a que leur libre consentement qui ait pu d'abord les rassembler en société, et les assujettir à un pouvoir quelconque. Si nous cherchons la première origine du gouvernement dans les forêts et dans les déserts, nous verrons que toute autorité et toute juridiction vient du peuple ; nous verrons que c'est lui qui pour l'amour de l'ordre et de la paix a volontairement renoncé à sa liberté naturelle, et a reçu des lois de ses égaux et de ses compagnons. Les conditions auxquelles il s'est soumis, ont été ou expressément déclarées, ou si clairement sous-entendues, qu'il eût été superflu de les exprimer. Si c'est là ce qu'on entend par contrat primitif, il est incontestable que dans son origine le gouvernement a été fondé sur un pareil contrat, et que c'est ce principe qui a porté les hommes des premiers temps à s'attrouper, et à former entre eux des sociétés encore grossières, et qui se ressentaient de la barbarie. Il serait inutile de nous renvoyer aux monuments de l'histoire, pour y chercher les patentes de notre liberté : elles n'ont point été écrites sur du parchemin, ni même sur des feuilles ou des écorces d'arbres ; elles sont antérieures en date aux inventions de l'écriture, des arts et de la politesse; mais nous les découvrons clairement dans la nature de l'homme, et dans cette égalité qui subsiste entre tous les individus de notre espèce."

 

Hume, Essai sur le contrat primitif, 1752, traduction anonyme du XVIIIe siècle.


 

    "Il ne serait pas raisonnable de croire que les peuples se sont d'abord jetés entre les bras d'un maître absolu sans conditions et sans retour, et que le premier moyen de pourvoir à la sûreté commune qu'aient imaginé des hommes fiers et indomptés, a été de se précipiter dans l'esclavage. En effet, pourquoi se sont-ils donné des supérieurs, si ce n'est pour les défendre contre l'oppression et protéger leurs biens, leurs libertés et leurs vies, qui sont, pour ainsi dire, les éléments constitutifs de leur être ? Or, dans les relations d'homme homme, le pis qui puisse arriver à l'un étant de se voir à la discrétion de l'autre, n'eut-il pas été contre le bon sens de commencer par se dépouiller entre les mains d'un chef des seules choses pour la conservation desquelles ils avaient besoin de son secours ? Quel équivalent eut-il pu leur offrir pour la concession d'un si beau droit et s'il eût osé l'exiger sous le prétexte de les défendre, n'eut-il pas aussitôt reçu la réponse... : « Que nous fera de plus l'ennemi » ? Il est donc incontestable, et c'est la maxime fondamentale de tout le droit politique, que les peuples se sont donné des chefs pour défendre leur liberté et non pour les asservir. Si nous avons un prince, disait Pline à Trajan, c'est afin qu'il nous préserve d'avoir un maître."
 

Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, 1754, Seconde partie, Livre de Poche, p. 122.

 

  "L'État, unité politique et centre de décision, détient et concentre un pouvoir énorme : il a la possibilité de faire la guerre et donc de disposer ouvertement de la vie d'êtres humains. Car le jus belli implique qu'il en soit disposé ainsi ; il représente cette double possibilité, celle d'exiger de ses nationaux qu'ils soient prêts à mourir et à donner la mort, celle de tuer des êtres humains qui se trouvent dans le camp ennemi. Mais la tâche d'un État normal est avant tout de réaliser une pacification complète à l'intérieur des limites de l'État et de son territoire, à faire régner la « tranquillité, la sécurité et l'ordre » et à créer de cette façon la situation normale, qui est la condition nécessaire pour les normes du droit soient reconnues, étant donné que toute norme présuppose une situation normale et qu'il n'est pas de norme qui puisse faire autorité dans une situation totalement anormale par rapport à elle."

 

Carl Schmitt, La notion de politique, 1932, tr. Marie-Louise Steinhauser, Champs Flammarion, 1992, p. 85.



  "Il y a enfin des terrains sur lesquels aucune disposition juridique ne saurait créer la condition principale dont dépend l'efficacité du système de concurrence et de propriété privée ; à savoir que le propriétaire profite de tous les services rendus par sa propriété et souffre de tous les dommages causés à autrui par son usage. Lorsqu'il est impossible de faire payer certains services, la concurrence ne les créera pas. Le système des prix devient inopérant lorsque le dommage causé à autrui par certains usages de la propriété ne peut être mis à la charge du propriétaire.

  Dans tous ces cas il y a une divergence entre les éléments qui entrent dans les calculs individuels et ceux qui affectent le bien-être social ; et chaque fois que cette divergence devient importante, il faut peut-être imaginer une autre méthode que la concurrence pour fournir les services en question. Ainsi ni les poteaux indicateurs, ni la plupart du temps les routes elles-mêmes ne peuvent être payées par chaque usager. De même, ni les effets funestes du déboisement, de certains méthodes agricoles, de la fumée ou du bruit des usines ne peuvent être réservés aux propriétaires intéressés ni à ceux qui sont disposés à en subir le dommage en échange d'une compensation. Dans ces cas-là, il nous faut imaginer quelque chose qui remplace le mécanisme des prix. Il faut, certes, faire intervenir l'autorité chaque fois qu'il est impossible de faire fonctionner la concurrence ; mais cela ne prouve pas qu'il faille supprimer la concurrence quand on peut la faire fonctionner. L'État possède donc un domaine d'activité vaste et incontestable : créer les conditions dans lesquelles la concurrence sera la plus efficace possible, la remplacer là où elle ne peut être efficace, fournir les services qui, comme l'a dit Adam Smith, « tout en présentant les plus grands avantages pour une collectivité importante, sont toutefois d'une nature telle que le profit ne saurait en rembourser le coût à aucun individu ou petit groupe d'individus ». Il n'y a pas de système rationnellement soutenable dans lequel l'État ne ferait rien. Un système compétitif efficace nécessite tout autant qu'un autre une armature juridique intelligemment conçue et constamment adaptée. La plus essentielle des conditions préalables de son bon fonctionnement, à savoir la prévention de la fraude et de la tromperie (y compris l'exploitation de l'ignorance), fournit à l'activité législative une tâche considérable et nullement encore achevée."

Friedrich A. Hayek, La Route de la servitude, 1946, Chapitre III, Trad. G. Blumberg, PUF, 1985, p. 34-35.

 


Date de création : 05/05/2006 @ 16:07
Dernière modification : 03/05/2017 @ 08:35
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