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Texte à méditer :  Aucune philosophie n'a jamais pu mettre fin à la philosophie et pourtant c'est là le voeu secret de toute philosophie.   Georges Gusdorf
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Hors des sentiers battus
La société et les conflits

  "L'homme a un penchant à s'associer, car dans un tel état, il se sent plus qu'homme par le développement de ses dispositions naturelles. Mais il manifeste aussi une grande propension à se détacher (s'isoler), car il trouve en même temps en lui le caractère d'insociabilité qui le pousse à vouloir tout diriger dans son sens ; et, de ce fait, il s'attend à rencontrer des résistances de tous côtés, de même qu'il se sait par lui-même enclin à résister aux autres. C'est cette résistance qui éveille toutes les forces de l'homme, le porte à surmonter son inclination à la paresse, et, sous l'impulsion de l'ambition, de l'instinct de domination ou de cupidité, à se frayer une place parmi ses compagnons qu'il supporte, de mauvais gré, mais dont il ne peut se passer. [...] Sans ces qualités d'insociabilité, peu sympathiques certes par elles-mêmes, source de la résistance que chacun doit nécessairement rencontrer à ses prétentions égoïstes, tous les talents resteraient à jamais enfouis en germes, au milieu d'une existence de bergers d'Arcadie, dans une concorde, une satisfaction et un amour mutuels parfaits ; les hommes, doux comme les agneaux qu'ils font paître, ne donneraient à l'existence guère plus de valeur que n'en a leur troupeau domestique ; ils ne combleraient pas le néant de la création en considération de la fin qu'elle propose comme nature raisonnable. Remercions donc la nature pour cette humeur peu conciliante, pour la vanité rivalisant dans l'envie, pour l'appétit insatiable de possession ou même de domination. Sans cela toutes les dispositions naturelles excellentes de l'humanité seraient étouffées dans un éternel sommeil."

Kant, Idée d'une histoire universelle, 1784, quatrième proposition in Opuscules sur l'histoire, Trad. Stéphane Piobetta, Garnier- Flammarion, 1990, pp. 74-75.


 

    "Les différences de classes une fois disparues dans le cours du développement, toute la production étant concentrée dans les mains des individus associés, le pouvoir public perd alors son caractère politique. Le pouvoir politique, à proprement parler, est le pouvoir organisé d'une classe pour l'oppression d'une autre. Si le prolétariat, dans sa lutte contre la bourgeoisie, se constitue forcément en classe, s'il s'érige par une révolution en classe dominante et, comme classe dominante, abolit par la violence les anciens rapports de production, il abolit en même temps que ces rapports les conditions de l'antagonisme des classes, il abolit les classes en général et, par là même, sa propre domination de classe.
À la place de l'ancienne société bourgeoise, avec ses classes et ses antagonismes de classes, surgit une association dans laquelle le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous."

Marx et Engels, Manifeste du parti communiste, 1848, fin du chapitre II, trad. L. Lafargue.


 

  "La condition par excellence de la vie, de la santé et de la force chez l'être organisé, est l'action. C'est par l'action qu'il développe ses facultés, qu'il en augmente l'énergie et qu'il atteint la plénitude de sa destinée. Pour qu'il y ait action […] il faut qu'il y ait […] en rapport avec le sujet agissant un non-moi qui se pose devant son moi comme lieu et matière d'action, qui lui résiste et le contredise. […] L'action est donc une lutte. […]

  Être organisé, intelligent, moral et libre, l'homme est donc en lutte, c'est-à-dire, en rapport d'action et de réaction, d'abord avec la nature. Mais l'homme n'a pas seulement affaire avec la nature, il rencontre aussi l'homme sur son chemin, l'homme son égal qui lui dispute la possession du monde et le suffrage des autres hommes […] qui lui fait concurrence, qui le contredit, qui lui oppose son veto. Cela est inévitable et cela est bon. Cela est inévitable […]. Il est impossible que deux créatures... progressives, qui ne marchent pas du même pas, qui partent de points de vue différents, qui ont des intérêts opposés […] et travaillent à s'étendre, soient jamais entièrement d'accord.

  La divergence des idées, la contradiction des principes, la polémique, le choc des opinions, sont l'effet certain de leur rapprochement. J'ajoute que... cela est bien. […] C'est par la diversité des opinions et des sentiments et par l'antagonisme quelle engendre que se crée au-dessus du monde organique, spéculatif et affectif, le monde des transactions sociales, monde politique, monde moral. Mais avant la transaction, il y a nécessairement lutte et cela toujours à chaque instant de l'existence. Les mêmes causes... veulent que cet antagonisme soit éternel."

 

Proudhon, La Guerre et la Paix, 1861, Livre 1, chapitre VI.


 

    "Cette tendance à l'agression, que nous pouvons déceler en nous-mêmes et dont nous supposons à bon droit l'existence chez autrui, constitue le facteur principal de perturbation dans nos rapports avec notre prochain ; c'est elle qui impose à la civilisation tant d'efforts. Par suite de cette hostilité primaire qui dresse les hommes les uns contre les autres, la société civilisée est constamment menacée de ruine. L'intérêt du travail solidaire ne suffirait pas à la maintenir : les passions instinctives sont plus fortes que les intérêts rationnels. La civilisation doit tout mettre en oeuvre pour limiter l'agressivité humaine et pour en réduire les manifestations à l'aide de réactions psychiques d'ordre éthique. De là [...] cet idéal imposé d'aimer son prochain comme soi-même, idéal dont la justification véritable est précisément que rien n'est plus contraire à la nature humaine primitive. Tous les efforts fournis en son nom par la civilisation n'ont guère abouti jusqu'à présent. Elle croit prévenir les excès les plus grossiers de la force brutale en se réservant le droit d'en user elle-même contre les criminels, mais la loi ne peut atteindre les manifestations les plus prudentes et les plus subtiles de l'agressivité humaine. [...] Il est toujours possible d'unir les uns aux autres par des liens d'amour une plus grande masse possible d'hommes, à la seule condition qu'il en reste d'autres en dehors d'elle pour recevoir les coups."

 

Freud, Malaise dans la civilisation, 1929, trad. Ch. et J. Odier, PUF, 1986, p. 65-66 et 68.


 
 "Toute organisation sociale, qu'elle soit animale ou humaine, nécessite le strict respect par les membres du groupe d'un certain nombre de règles comportementales qui peuvent être contraires à leur intérêt individuel à court terme, mais qui sont vitales pour la viabilité du groupe. Dans le monde animal, comme l'avait déjà si bien montré le fondateur de l'éthologie animale, Konrad Lorenz, ces comportements dangereux pour la survie de l'espèce sont inhibés par des mécanismes dits « instinctifs ». En particulier, chez les mammifères sociaux, ce sont ces mécanismes, profondément ancrés dans les couches les plus primitives du cerveau, qui régulent les comportements agressifs : les combats au sein du groupe, pourtant fréquents, ne se soldent jamais, ou très exceptionnellement, par la mise à mort du vaincu. Qu'on nous entende bien : il s'agit ici d'observations qui concernent uniquement les comportements « meurtriers » au sein d'un même groupe, qui menacent directement l'organisation sociale du groupe. En revanche, dans les conflits intergroupes, ces inhibitions ne sont plus de mise : c'est ainsi que la primatologue Jane Goodall a pu observer, sur le terrain, de véritables « guerres » entre groupes de chimpanzés, avec des tueries systématiques.
 Il est intéressant d'observer que les interdits humains recouvrent assez précisément ces inhibitions instinctives : ainsi, dans routes les cultures, les interdits concernent les meurtres entre individus d'une même tribu et, avant tout, dans le cercle familial. Les agressions à l'extérieur de la tribu, elles, n'ont pas du tout le même statut et peuvent même être explicitement encouragées et codifiées...
 La grande différence entre l'homme et les autres mammifères sociaux c'est que, chez l'homme, la régulation sociale ne s'effectue pas au niveau biologique, mais au niveau socioculturel. C'est par la parole et la pression du groupe social que s'imposent les interdits et non pas parce qu'ils seraient biologiquement bloqués, au contraire: c'est bien parce que nous sommes capables de commettre de tels actes (les exemples ne manquent malheureusement pas) qu'ils sont culturellement prohibés et punis."
 
Bernard Victorri, "À la recherche de la langue originelle", in Les origines du langage, Le Pommier, 2010, p. 110-112.
 


Date de création : 29/05/2006 @ 21:50
Dernière modification : 17/10/2012 @ 09:26
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