"En effet, comme les hommes marchent presque toujours sur les chemins frayés par d'autres et procèdent dans leurs actions par imitation, et qu'il n'est pas possible de se tenir tout à fait dans les voies d'autrui ni d'égaler le génie de ceux qu'on imite, l'homme sage doit toujours s'engager dans les voies frayées par les grands hommes et imiter ceux qui ont été tout à fait excellents, de façon que si son génie ne peut y parvenir, il en garde au moins quelque relent ; et faire comme les archers avisés qui, connaissant la force de leur arc, si le but qu'ils veulent frapper leur paraît trop éloigné, prennent leur visée beaucoup plus haut que le lieu fixé, non pour que leur flèche parvienne à une telle hauteur, mais pour que cette visée si haute leur permette d'atteindre le point désigné". [...]
"Mais quant à l'exercice de l'esprit, le prince doit lire les livres d'histoire, et y considérer les actions des grands hommes, voir comment ils se sont gouvernés à la guerre, examiner les causes de leurs victoires et défaites, pour pouvoir éviter celles-ci et imiter celles-là ; et surtout faire comme a fait dans le passé tel ou tel grand homme, qui a pris pour modèle quelque personnage qui avant lui a été loué et glorifié, et a toujours gardé près de soi le récit de ses faits et gestes : comme on dit qu'Alexandre le Grand imitait Achille, César Alexandre, Scipion Cyrus".
Machiavel, Le Prince, 1513, trad. Y. Lévy, Paris, GF, 1992, p. 87 et p. 129.
"Quiconque compare le présent et le passé, voit que toutes les cités, tous les peuples ont toujours été et sont encore animés des mêmes désirs, des mêmes passions. Ainsi, il est facile, par une étude exacte et bien réfléchie du passé, de prévoir dans une république ce qui doit arriver, et alors il faut ou se servir des moyens mis en usage par les anciens, ou, n'en trouvant pas d'usités, en imaginer de nouveaux, d'après la ressemblance des événements. Mais cette étude est négligée de la plupart des lecteurs, ou bien est au-dessus de leur intelligence ; si quelqu’un d’eux est capable de tirer de telles conclusions, elles sont toujours ignorées de ceux qui gouvernent, et par là on voit revenir en tous temps les mêmes maux et les mêmes révolutions."
Miachavel, Discours sur la première décade de Tite-Live, 1517, Livre I, chapitre XXXIX, in Œuvres complètes, Pléiade, 1952, p. 467.
"Je trouve que c'est un défaut des historiens qu'ils s'attachent plus au mal qu'au bien. Le but principal de l'histoire, aussi bien que de la poésie, doit être d'enseigner la prudence et la vertu par des exemples, et puis de montrer le vice d'une manière qui en donne de l'aversion, et qui porte ou serve à l'éviter."
Leibniz, Essais de théodicée, 1710, GF-Flammarion, p. 200.
"Tout le monde reconnaît qu'il y a beaucoup d'uniformité dans les actions humaines, dans toutes les nations et à toutes les époques, et que la nature humaine reste toujours la même dans ses principes et ses opérations. Les mêmes motifs produisent toujours les mêmes actions ; les mêmes événements suivent des mêmes causes. L'ambition, l'avarice, l'amour de soi, la vanité, l'amitié, la générosité, l'esprit public : ces passions, qui se mêlent à divers degrés et se répandent dans la société, ont été, depuis le commencement du monde, et sont encore la source de toutes les actions et entreprises qu'on a toujours observées parmi les hommes. Voulez-vous connaître les sentiments, les inclinations et le genre de vie des Grecs et des Romains. Etudiez bien le caractère et les actions des Français et des Anglais; vous ne pouvez vous tromper beaucoup si vous transférez aux premiers la plupartdes observations que vous avez faites sur les seconds. Les hommes sont si bien les mêmes, à toutes les époques et en tous les lieux, que l'histoire ne nous indique rien de nouveau ni d'étrange sur ce point.
Son principal usage est seulement de nous découvrir les principes constants et universels de la nature humaine en montrant les hommes dans toutes les diverses circonstances et situations, et en nous fournissant des matériaux d'où nous pouvons former nos informations et nous familiariser avec les ressorts réguliers de l'action et de la conduite humaine."
David Hume, Enquête sur l'entendement humain, 1758, Section VIII, Première partie, § 152.
"La Science des faits historiques tient à la Philosophie par deux endroits, par les principes qui servent de fondement à la certitude historique, et par l'utilité qu'on peut tirer de l'Histoire. Les hommes placés sur la scène du monde sont appréciés par le sage comme témoins , ou jugés comme acteurs; il étudie l'univers moral comme le physique , dans le silence des préjugés; il suit les Écrivains dans leur récit avec la même circonspection que la nature dans ses phénomènes ; il observe les nuances qui distinguent le vrai historique du vraisemblable, le vraisemblable du fabuleux ; il reconnaît les différents langages de la simplicité, delà flatterie, de la prévention et de la haine ; il en fixe les caractères ; il détermine quels doivent être, suivant la nature des faits, les divers degrés de force dans les témoignages , et d'autorité dans les témoins. Éclairé par ces règles aussi fines que sûres, c'est principalement pour connaître les hommes avec qui il vit, qu'il étudie ceux qui ont vécu. Pour le commun des Lecteurs, l'Histoire est l'aliment de la curiosité ou le soulagement de l'ennui ; pour lui elle n'est qu'un recueil d'expériences morales faites sur le genre humain ; recueil qui serait plus court et plus complet s'il n'eut été fait que par des sages, mais qui , tout informe qu'il est, renferme encore les plus grandes leçons ; comme le recueil des observations médicinales de tous les âges, toujours augmente et toujours imparfait, forme néanmoins la partie la plus essentielle de l'art de guérir."
D'Alembert, Essai sur les Éléments de philosophie, 1759, Chapitre 3, Fayard, 1999, p. 19-20.
"On recommande aux rois, aux hommes d'État, aux peuples de s'instruire principalement par l'expérience de l'histoire. Mais l'expérience et l'histoire nous enseignent que peuples et gouvernements n'ont jamais rien appris de l'histoire, qu'ils n'ont jamais agi suivant les maximes qu'on aurait pu en tirer. Chaque époque, chaque peuple se trouve dans des conditions si particulières, forme une situation si particulière, que c'est seulement en fonction de cette situation unique qu'il doit se décider : les grands caractères sont précisément ceux qui, chaque fois, ont trouvé la solution appropriée. Dans le tumulte des événements du monde, une maxime générale est d'aussi peu de secours que le souvenir des situations analogues qui ont pu se produire dans le passé, car un pâle souvenir est sans force dans la tempête qui souffle sur le présent ; il n'a aucun pouvoir sur le monde libre et vivant de l'actualité. (L'élément qui façonne l'histoire est d'une tout autre nature que les réflexions tirées de l'histoire. Nul cas ne ressemble exactement à un autre. Leur ressemblance fortuite n'autorise pas à croire que ce qui a été bien dans un cas pourrait l'être également dans un autre. Chaque peuple a sa propre situation, et pour savoir ce qui, à chaque fois, est juste, nul besoin de commencer par s'adresser à l'histoire.) À cet égard, rien n'est plus fade que de se référer aux exemples grecs et romains, comme l'ont fait si souvent les Français pendant la Révolution. Rien de plus différent que la nature de ces peuples et celle de notre époque. [...] Pour que les réflexions soient vraies et intéressantes, il faut avoir une intuition libre et large, ainsi qu'un sens profond de l'Idée telle qu'elle se présente dans l'histoire. L'Esprit des Lois de Montesquieu, oeuvre à la fois solide et profonde, en est un exemple".
Hegel, La raison dans l'histoire, 1830, trad. K. Papaioannou, coll. 10-18, 1988, p. 35-36.
Je tiens à préciser que la présence sur ce site d'extraits du livre Mein Kampf d'Adolf Hitler ne saurait être due à leur valeur philosophique, et encore moins à une quelconque proximité de ma part avec les thèses défendues. Il s'agit simplement de pouvoir réfléchir aux implications d'une idéologie totalitaire.
"On n'étudie pas l'histoire pour oublier ses leçons au moment même où il s'agit de les appliquer dans la pratique ; ou bien pour penser que leurs vérités séculaires peuvent ne plus être appliquées parce que la situation actuelle est tout autre ; on l'étudie pour en retirer des enseignements pour le présent. Celui qui n'est pas capable de faire cela, ne doit point s'imaginer qu'il est un chef politique ; il n'est en réalité qu'un pitre plat, quoique souvent présomptueux, et toute sa bonne volonté ne peut excuser son incapacité pratique."
Adolf Hitler, Mein Kampf, 1925, p. 121.
"L'histoire est le produit le plus dangereux que la chimie de l'intellect ait élaboré. Ses propriétés sont bien connues. Il fait rêver, il enivre les peuples, leur engendre de faux souvenirs, exagère leurs réflexes, entretient leurs vieilles plaies, les tourmente dans leur repos, les conduit au délire des grandeurs ou à celui de la persécution, et rend les nations amères, superbes, insupportables et vaines. L'histoire justifie ce que l'on veut. Elle n'enseigne rigoureusement rien, car elle contient tout, et donne des exemples de tout.
Que de livres furent écrits qui se nommaient : « La Leçon de ceci, les Enseignements de cela !... » Rien de plus ridicule à lire après les événements qui ont suivi les événements que ces livres interprétaient dans le sens de l'avenir."
Paul Valéry, Regards sur le monde actuel, 1945, coll. "Idées", p. 35.
Date de création : 20/10/2005 @ 12:49
Dernière modification : 12/10/2023 @ 11:39
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