* *

Texte à méditer :   C'est croyable, parce que c'est stupide.   Tertullien
* *
Figures philosophiques

Espace élèves

Fermer Cours

Fermer Méthodologie

Fermer Classes préparatoires

Espace enseignants

Fermer Sujets de dissertation et textes

Fermer Elaboration des cours

Fermer Exercices philosophiques

Fermer Auteurs et oeuvres

Fermer Méthodologie

Fermer Ressources en ligne

Fermer Agrégation interne

Hors des sentiers battus
La responsabilité politique

  "Les gens de bien ne veulent gouverner ni pour les richesses ni pour les honneurs : ils ne veulent pas être traités de mercenaires, en exigeant ouvertement le salaire de leur fonction, ni de voleurs en tirant eux-mêmes de leur charge des profits secrets. Ils ne sont pas non plus attirés par les honneurs ; car ils ne sont pas ambitieux. Il faut donc qu'une punition les contraigne à prendre part aux affaires ; aussi, risque-t-on, à prendre volontairement le pouvoir, sans attendre la nécessité, d'encourir quelque honte. Or la punition la plus grave, c'est d'être gouverné par un plus méchant que soi, quand on se refuse à gouverner soi-même : c'est par crainte de cette punition, ce me semble, que les honnêtes gens qu'on voit au pouvoir se chargent du gouvernement. Alors ils se mêlent aux affaires, non pour leur intérêt ni pour leur plaisir ; mais par nécessité et parce qu'ils ne peuvent les confier à des hommes plus dignes ou du moins aussi dignes qu'eux-mêmes. Supposez un État composé de gens de bien : on y ferait sans doute des brigues pour échapper au pouvoir, comme on en fait à présent pour le saisir, et l'on y verrait bien que réellement le véritable gouvernant n'est point fait pour chercher son propre intérêt, mais celui du sujet gouverné ; et tout homme sensé préférerait être l'obligé d'un autre que de se donner la peine d'obliger autrui."


Platon, République, éd. et trad. E. Chambry, Paris, 1932, I, 17, 345d ; I, 18, 347 a.


 

    "Certains sont d'avis qu'il est contre nature qu'un seul homme soit le maître absolu de tous les citoyens, là où la cité est composée d'hommes semblables entre eux : car, disent-ils, les êtres semblables en nature doivent, en vertu d'une nécessité elle-même naturelle, posséder les mêmes droits et la même valeur ; ils en tirent cette conséquence que s'il est vrai qu'une répartition égale de nourriture et de vêtements entre des personnes inégales est une chose nuisible au corps, ainsi en est-il aussi au sujet de la distribution des honneurs ; et par suite, il en est de même quand les personnes égales reçoivent un traitement inégal, et ce serait là précisément la raison pour laquelle il est juste que nul ne commande plus qu'il n'obéit, et qu'ainsi chaque citoyen soit appelé à tour de rôle à commander et à obéir, alternance qui n'est dès lors rien d'autre qu'une loi, puisque l'ordre est une loi."

 

Aristote, Politiques, III, 16, 2-3.


 

    "D'abord la puissance législative et la puissance exécutive qui constituent la souveraineté n'en sont pas distinctes. Le Peuple Souverain veut par lui-même, et par lui-même il fait ce qu'il veut. Bientôt l'incommodité de ce concours de tous à toute chose force le Peuple Souverain de charger quelques-uns de ses membres d'exécuter ses volontés. Ces Officiers, après avoir rempli leur commission, en rendent compte, et rentrent dans la commune égalité. Peu à peu ces commissions deviennent fréquentes, enfin permanentes. Insensiblement il se forme un corps qui agit toujours. Un corps qui agit toujours ne peut pas rendre compte de chaque acte ; il ne rend plus compte que des principaux ; bientôt il vient à bout de n'en rendre d'aucun. Plus la puissance qui agit est active, plus elle énerve la puissance qui veut. La volonté d'hier est censée être aussi celle d'aujourd'hui ; ou bien que l'acte d'hier ne dispense pas d'agir aujourd'hui. Enfin l'inaction de la puissance qui veut la soumet à la puissance qui exécute ; celle-ci rend peu à peu ses actions indépendantes, bientôt ses volontés : au lieu d'agir pour la puissance qui veut, elle agit sur elle. Il ne reste alors dans l'État qu'une puissance agissante, c'est l'exécutive. La puissance exécutive n'est que la force, et où règne la seule force l'État est dissous. Voilà, Monsieur, comment périssent à la fin tous les États démocratiques."

 

Jean-Jacques Rousseau, Lettres écrites de la montagne, 1764, Lettre VII.



  "Le véritable fonctionnaire - et cette remarque est décisive pour juger notre ancien régime - ne doit pas faire de politique, justement en vertu de sa vocation : il doit administrer, avant tout de façon non partisane. Cet impératif vaut également pour les soi-disant fonctionnaires « politiques », du moins officiellement, dans la mesure où la « raison d'État », c'est-à-dire les intérêts vitaux de l'ordre établi, n'est pas en jeu. Il doit s'acquitter de sa tâche sine ira et studio, « sans ressentiment et sans parti pris ». Par conséquent il ne doit pas faire ce que l'homme politique, aussi bien le chef que ses partisans, est contraint de faire sans cesse et nécessairement, à savoir combattre. En effet prendre parti, lutter, se passionner - ira et studium - sont les caractéristiques de l'homme politique. Et avant tout du chef politique. L'activité de ce dernier est subordonnée à un principe de responsabilité totalement étranger, voire même opposé, à celui du fonctionnaire. L'honneur du fonctionnaire consiste dans son habileté à exécuter consciencieusement un ordre sous la responsabilité de l'autorité supérieure, même si - au mépris de son propre avis - elle s'obstine à suivre une fausse voie. Il doit plutôt exécuter cet ordre comme s'il répondait à ses propres convictions. Sans cette discipline morale, dans le sens le plus élevé du terme, et sans cette abnégation, tout l'appareil s'écroulerait. L'honneur du chef politique par contre, celui de l'homme d'État dirigeant, consiste justement dans la responsabilité personnelle exclusive pour tout ce qu'il fait, responsabilité qu'il ne peut ni ne doit répudier ou rejeter sur un autre."

 

Max Weber, "Le métier et la vocation d'homme politique", 1919, in Le Savant et la politique, tr. fr. Julien Freund, coll. 10/18, p. 156-157.

 

    "On peut dire qu'il y a trois qualités déterminantes qui font l'homme politique : la passion - le sentiment de la responsabilité - le coup d'oeil. Passion au sens d' « objet à réaliser » [Sachlichkeit], c'est-à-dire dévouement passionné à une « cause », au dieu ou au démon qui en est le maître. Cela n'a rien à voir avec cette conduite purement intérieure que mon regretté ami Georges Simmel avait l'habitude d'appeler une « excitation stérile », conduite particulière à une certaine sorte d'intellectuels, de préférence russes (pas tous, il est vrai), et qui fait actuellement fureur dans nos milieux d'intellectuels obnubilés par ce carnaval que l'on a décoré du nom pompeux de « révolution ». Tout cela n'est que « romantisme de ce qui est intellectuellement intéressant », d'où le sentiment objectif de la responsabilité est absent. Ce n'est qu'un sentiment qui tourne à vide. En effet la passion seule, si sincère soit-elle, ne suffit pas. Lorsqu'elle est au service d'une cause sans que nous fassions de la responsabilité correspondante l'étoile polaire qui oriente d'une façon déterminante notre activité, elle ne fait pas d'un homme un chef politique. Il faut enfin le coup d'oeil qui est la qualité psychologique déterminante de l'homme politique. Cela veut dire qu'il doit posséder la faculté de laisser les faits agir sur lui dans le recueillement et le calme intérieur de l'âme et par conséquent savoir maintenir à distance les hommes et les choses. « L'absence de détachement » [Distanz] comme telle est un des péchés mortels de l'homme politique."
 

Max Weber, Le Savant et la politique,1919, tr. fr. Julien Freund, coll. 10/18, p. 195-196.


  "L'homme public, puisqu'il se mêle de gouverner les autres, ne peut se plaindre d'être jugé sur les actes dont les autres portent la peine, ni sur l'image souvent inexacte qu'ils donnent de lui. Comme Diderot le disait du comédien en scène, nous avançons que tout homme qui accepte de jouer un rôle porte autour de soi un « grand fantôme » dans lequel il est désormais caché, et qui est responsable de son personnage même s'il n'y reconnait pas ce qu'il voulait être. Le politique n'est jamais aux yeux d'autrui ce qu'il est à ses propres yeux, non seulement par ce que les autres le jugent témérairement, mais encore parce qu'ils ne sont pas lui, et que ce qui est en lui erreur ou négligence peut-être pour eux mal absolu, servitude ou mort. Acceptant, avec un rôle politique, une chance de gloire, il accepte aussi un risque d'infâmie, l'une et l'autre « imméritées ». L'action politique est de soi impure parce qu'elle est action à plusieurs.  Un opposant pense utiliser les koulaks ; un chef pense utiliser pour sauver son œuvre l'ambition de ceux qui l'entourent. Si les forces qu'il libère les emportent, et voilà, devant l'histoire, l'homme des koulaks et l'homme d'une clique. Aucun politique ne peut se flatter être innocent. Gouverner, comme on dit, c'est prévoir, et le politique ne peut s'excuser sur l'imprévu. Or, il y a de l'imprévisible. Voilà la tragédie."

 

 Maurice Merleau-Ponty, Humanisme et terreur. Essai sur le problème communiste, 1947, préface, Gallimard idées, 1980, p. 61-62.


 

  "Nombreux sont ceux qui, aujourd'hui, s'accorderaient pour dire que la culpabilité collective n'existe pas plus que l'innocence collective et que, dans le cas contraire, aucun individu ne pourrait jamais être coupable ou innocent. Dire cela n'est évidemment pas nier l'existence d'une chose comme la responsabilité politique, qui est cependant relativement distincte de ce que l'individu membre du groupe a fait et ne peut donc être jugée en termes moraux, ni conduite devant un tribunal criminel. Chaque gouvernement assume la responsabilité politique des faits et méfaits du gouvernement précédent et chaque nation, des faits et méfaits de son passé. Quand Napoléon, prenant le pouvoir en France au lendemain de la Révolution, déclarait : J'assumerai la responsabilité de tout ce qu'a fait la France depuis Saint Louis jusqu'au comité de salut public, il ne faisait qu'affirmer avec une certaine emphase l'un des principes fondamentaux de toute vie politique. Mais, d'une manière générale, cela signifie seulement que la naissance de chaque génération s'effectue au sein d'une continuité historique et que, pour cette raison, les péchés de ses pères pèsent sur elle, de même qu'elle est bénie par les actes de ses ancêtres. Or ce n'est pas ce genre de responsabilité dont nous parlons ici ; quand quelqu'un dit qu'il se sent coupable non de ce qu'il a fait mais des actes de son père ou de son peuple, c'est en un sens seulement métaphorique et non en un sens personnel. (Moralement parlant, il est presque aussi mal de se sentir coupable quand on n'a rien fait de précis, que de se sentir innocent quand on est réellement coupable.) On peut très bien concevoir qu'un tribunal international se prononce un jour sur certaines responsabilités politiques des nations ; mais il est inconcevable qu'un tel tribunal soit une cour d'assises appelée à se prononcer sur la culpabilité ou l'innocence d'individus.
    Et le problème de la culpabilité, ou de l'innocence de l'individu, de la justice rendue à l'accusé et à la victime, sont les seules choses qui sont en jeu lors d'un procès criminel."

 

Hannah Arendt, Eichmann à Jérusalem. Rapport sur la banalité du mal, 1963, Post-scriptum, traduit de l'anglais par Anne Guérin, revue par M.-I. Brudny de Launay, Gallimard, Quarto, p. 1305-1306.


 

"[…] la « responsabilité personnelle » […] doit être par opposition à la responsabilité politique que tout gouvernement assume pour les actions et méfaits de son prédécesseur, et chaque nation pour les actions et méfaits du passé. Lorsque Napoléon, prenant le pouvoir en France après la Révolution, a dit : j'assumerai la responsabilité de tout ce que la France a fait depuis saint Louis jusqu'au Comité de salut public, il a seulement énoncé de façon quelque peu emphatique l'un des faits de base de toute la vie politique. Pour une nation, il est évident que chaque génération, procédant d'un continuum historique, porte le fardeau des péchés de ses pères et est créditée des actes de ses ancêtres. Celui qui endosse une responsabilité politique en viendra toujours au point de dire avec Hamlet :

 

Notre monde est tordu ; oh, maudit coup du sort !

Que je sois jamais né, moi, pour le redresser.

 

Remettre l'époque en ordre signifie renouveler le monde, et cela, nous pouvons l'accomplir parce que nous arrivons tous à un moment ou à un autre comme des nouveaux venus dans un monde qui était là avant nous et qui sera encore là quand nous serons partis, quand nous aurons légué ce fardeau à nos successeurs. Mais il ne s'agit pas là du type de responsabilité dont je parle ici ; elle n'est pas personnelle, à strictement parler, et ce n'est qu'au sens métaphorique que nous pouvons dire que nous nous sentons coupables des péchés de nos pères ou de notre peuple ou du genre humain, à savoir pour des actes que nous n'avons pas commis. Moralement parlant, il est injuste de se sentir coupable sans avoir rien fait de spécifique, tout comme il est injuste de se sentir libre de toute culpabilité si on est effectivement coupable de quelque chose. J'ai toujours considéré comme la quintessence de la confusion morale le fait que, pendant la période d'après-guerre en Allemagne, ceux qui étaient à titre personnel complètement innocents aient affirmé les uns aux autres et au monde en général l'ampleur de la culpabilité qu'ils ressentaient, alors que très peu parmi les criminels étaient prêts à admettre même le plus léger remords. L'admission spontanée de cette responsabilité collective a eu pour résultat le blanchiment très efficace quoique inattendu de ceux qui avaient fait quelque chose : comme nous l'avons déjà vu, quand tous sont coupables, personne ne l'est. Et quand nous avons entendu, au cours du récent débat en Allemagne sur l'extension du statut des limitations pour les assassins nazis, comment le ministre de la Justice s'est opposé à une telle extension au motif que davantage de zèle à rechercher ce que les Allemands appellent « les assassins parmi nous » créerait seulement de la complaisance morale parmi les Allemands qui ne sont pas des assassins (Der Spiegel, n° 5, 1963, p. 23), c'est-à-dire chez ceux qui sont innocents, nous voyons combien cette confusion morale est devenue dangereuse. Le raisonnement n'est pas neuf. Il y a quelques années, l'exécution de la sentence de mort rendue pour Eichmann a suscité une opposition généralisée, au motif qu'elle aurait allégé la conscience des Allemands ordinaires et « servi à expier la culpabilité ressentie par beaucoup de jeunes gens en Allemagne », comme l'a dit Martin Buber. Mais si les jeunes d'Allemagne, trop jeunes pour avoir fait quoi que ce soit, se sentent coupables, ou bien ils ont tort et sont dans la confusion au bien il s'agit d'un jeu de l'esprit. Il n'existe rien de tel que la culpabilité collective ou l'innocence collective ; la culpabilité et l'innocence n'ont de sens qu'appliquées à des individus."

 

Hannah Arendt, Responsabilité personnelle et régime dictatorial, 1964, in Responsabilité et jugement, tr. fr. Jean-Luc Fidel, Payot, p. 68-70.


 

  "J'ignore quand le terme de « responsabilité collective » est apparu pour la première fois, mais je crois pouvoir affirmer avec certitude que non seulement le terme mais aussi les problèmes qu'il implique doivent leur pertinence et l'intérêt général qu'ils attirent à des situations qui sont politiques, et non juridiques ou morales. Les normes juridiques et morales ont un élément très important en commun – elles sont toujours liées à la personne et à ce qu'elle a fait ; s'il se trouve que la personne a été impliquée dans une entreprise collective, comme dans le cas du crime organisé, ce qu'il y a à juger, c'est encore cette personne-là, son degré de participation, son rôle spécifique, et ainsi de suite, mais pas le groupe. Le fait qu'elle en ait fait partie ne joue un rôle que dans la mesure où il rend plus probable le fait qu'elle ait commis un crime ; et ce n'est en principe pas différent du fait d'avoir une mauvaise réputation ou un casier judiciaire. Si l'accusé était membre de la Mafia ou des SS ou d'une autre organisation criminelle ou politique, et qu'il assure qu'il était un simple rouage n'agissant qu'en vertu d'ordres supérieurs et ayant fait ce que n'importe qui d'autre aurait fait aussi bien, dès le moment où il apparaît devant une cour de justice, il apparaît en tant qu'il est une personne et est jugé d'après ce qu'il a fait. Que même un rouage puisse redevenir une personne : voilà ce qui constitue la grandeur des poursuites judiciaires. La même chose semble vraie à un degré encore plus haut du jugement moral, pour lequel l'excuse : mon seul autre choix aurait été de me suicider, ne pèse pas autant que pour les poursuites judiciaires. Ce n'est pas une affaire de responsabilité, mais de culpabilité.

  Aucune responsabilité collective n'est impliquée dans le cas de milliers de nageurs expérimentés qui se prélassent sur une plage publique et laissent un homme se noyer dans la mer sans venir l'aider, parce qu'ils ne forment pas une collectivité ; aucune responsabilité collective n'est impliquée dans le cas d'une conspiration montée afin de dévaliser une banque, parce qu'ici, la faute n'est pas déléguée ; ce qui est impliqué, ce sont divers degrés de culpabilité. Et si, comme dans le cas du système social après-guerre dans le Sud, seuls les « assignés à résidence » ou les « exclus » sont innocents, nous sommes là encore face à un cas très clair de culpabilité ; car tous les autres ont fait quelque chose qui n'est nullement « délégué ».

  Deux conditions doivent être présentes pour qu'il y ait responsabilité collective : je dois être tenu pour responsable de quelque chose que je n'ai pas fait et la raison expliquant ma responsabilité doit être ma participation à un groupe (un collectif) qu'aucun acte volontaire de ma part ne peut dissoudre, c'est-à-dire une participation qui n'a rien à voir avec un partenariat commercial, que je peux dissoudre à volonté. La question de la « faute en groupe par complicité » doit être laissée en suspens parce que toute participation est déjà non déléguée. Cette forme de responsabilité est selon moi toujours politique, qu'elle prenne la forme ancienne où toute une communauté se juge responsable de ce que l'un de ses membres a fait ou bien si une communauté est tenue pour responsable de ce qui a été fait en son nom. Ce dernier cas est évidemment d'un plus grand intérêt pour nous, parce qu'il s'applique, pour le meilleur et pour le pire, à toutes les communautés politiques et pas seulement au gouvernement représentatif. Tout gouvernement assume la responsabilité des actes et des méfaits de ses prédécesseurs, et toute nation des actes et des méfaits passés. C'est vrai même des gouvernements révolutionnaires qui peuvent nier leur responsabilité dans les accords contractuels conclus par leurs prédécesseurs. Lorsque Napoléon Bonaparte a pris le pouvoir en France, il a déclaré : j'assume la responsabilité de tout ce que là France a fait depuis l'époque de Charlemagne jusqu'à la Terreur de Robespierre. En d'autres termes, il a dit - tout cela a été fait en mon nom dans la mesure où je suis membre de cette nation et représentatif de ce corps politique. En ce sens, de même que nous recueillons les fruits de leurs mérites, de même nous sommes toujours tenus responsables des péchés de nos pères ; mais nous ne sommes pas coupables de leurs méfaits, en termes moraux ou juridiques, ni ne pouvons nous attribuer le mérite de leurs actes."

 

Hannah Arendt, "La responsabilité collective", 1968, in Responsabilité et jugement, tr. fr. Jean-Luc Fidel, Payot, p. 200-202.



  "L'engagement politique n'est […] pas un luxe, ni même un choix que je pourrais faire ou ne pas faire à moins de faire sécession à l'égard des autres, de m'enfoncer dans un individualisme qui me conduit à l'égoïsme et à l'impuissance, je suis « embarqué » : la politique que je le veuille ou non est une dimension de ma vie.
  Il n'y a aucun sens à dire : je ne fais pas de politique. Je suis pris dans un réseau social qui conditionne mes pensées, mes actions, mes sentiments, tous les aspects de ma vie présente : mon travail comme mes loisirs, ma famille comme mon logement, toutes mes possibilités de vivre d'une vie humaine ou inhumaine. Ce courant de vie sociale qui vient de plus loin que moi, qui va plus loin que moi me porte et me submerge. Si je crois m'abstenir, cela signifie que je me laisse emporter et je contribue à laisser emporter les autres ; ma prétendue indifférence équivaut à un choix précis, celui du maintien du cours régnant avec son ordre ou ses désordres."


Roger Garaudy, Parole d'homme, 1975, Robert Laffont.

 

 

Retour au menu sur la politique


Date de création : 26/06/2006 @ 16:05
Dernière modification : 17/07/2024 @ 12:15
Catégorie :
Page lue 7974 fois


Imprimer l'article Imprimer l'article

Recherche



Un peu de musique
Contact - Infos
Visites

   visiteurs

   visiteurs en ligne

^ Haut ^