* *

Texte à méditer :  Il n'est pas contraire à la raison de préférer la destruction du monde à une égratignure de mon doigt.  David Hume
* *
Figures philosophiques

Espace élèves

Fermer Cours

Fermer Méthodologie

Fermer Classes préparatoires

Espace enseignants

Fermer Sujets de dissertation et textes

Fermer Elaboration des cours

Fermer Exercices philosophiques

Fermer Auteurs et oeuvres

Fermer Méthodologie

Fermer Ressources en ligne

Fermer Agrégation interne

Hors des sentiers battus
Qui fait la loi ? Qui doit faire la loi ?

  "Mais, dans ces jours aussi, troublés comme ils le furent, beaucoup d'événements surviennent que l'on pourrait trouver intolérables [...]. Tandis donc que je considérais ces faits, et aussi bien les hommes qui géraient les affaires de la Cité, plus j'approfondissais mon examen des lois et des règles coutumières, plus aussi j'avançais en âge, d'autant plus voyais-je croître la difficulté d'administrer comme il faut les affaires de la Cité. [...] Il y avait, tant dans les lois écrites que dans les règles de la coutume, une corruption dont l'étendue était si prodigieusement grande que moi, qui avais commencé par être plein d'un immense élan pour la participation aux affaires publiques, je finis alors, en portant mes regards vers ces choses et en constatant que tout allait absolument à vau-l'eau, par être pris de vertige et par être incapable de me détacher désormais de l'examen des moyens grâce auxquels pourrait bien se produire un jour une amélioration, tant à l'égard des susdites circonstances que, cela va de soi, par rapport au régime politique en général. Mais, en revanche, je différais toujours le moment de l'action ; et finalement, au sujet de toutes les Cités existant à l'heure actuelle, je me dis que toutes, sans exception, ont un mauvais régime. Car tout ce qui concerne les lois s'y comporte de façon quasi incurable, faute d'avoir été extraordinairement bien préparé sous de favorables auspices. Comme aussi force me fut de me dire, à l'éloge de la droite philosophie, que c'est elle qui donne le moyen d'observer en quoi consiste la justice, tant dans les affaires publiques que dans celles des particuliers. Or les humains ne verront pas leurs maux cesser avant que, ou bien aient accédé aux charges de la Cité ceux qui ont le naturel philosophique et qui pratiquent la philosophie droitement et authentiquement, ou bien que, en vertu d'une dispensation divine, la philosophie soit réellement pratiquée par ceux qui ont le pouvoir dans les Cités."

Platon, Lettre VII, 325c-326b, traduit du Grec par L. Robin, in Oeuvres complètes, t. 11, Éd. Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, p. 1184-1187.


 

  "Il peut sembler étrange, à celui qui n'a pas bien pesé ces choses, que la nature puisse ainsi dissocier les hommes et les rendre enclins à s'attaquer et à se détruire les uns les autres : c'est pourquoi peut-être, incrédule à l'égard de cette inférence tirée des passions, cet homme désirera la voir confirmée par l'expérience. Aussi, faisant un retour sur lui-même, alors que partant en voyage, il s'arme et cherche à être bien accompagné, qu'allant se coucher, il verrouille ses portes, que, dans sa maison même, il ferme ses coffres à clef ; et tout cela sachant qu'il existe des lois, et des fonctionnaires publics armés, pour venger tous les torts qui peuvent lui être faits : qu'il se demande quelle opinion il a de ses compatriotes, quand il voyage armé ; deses concitoyens, quand il verrouille ses portes de ses enfants et de ses domestiques, quand il ferme ses coffres à clef. N'incrimine-t-il pas l'humanité par ses actes autant que je le fais par mes paroles ? Mais ni lui ni moi n'incriminons la nature humaine en cela. Les désirs et les autres passions de l'homme ne sont pas en eux-mêmes des péchés. Pas davantage ne le sont les actions qui procèdent de ces passions, tant que les hommes ne connaissent pas de loi qui les interdise ; et ils ne peuvent pas connaître de lois tant qu'il n'en a pas été fait ; or, aucune loi ne peut être faite tant que les hommes ne se sont pas entendus sur la personne qui doit la faire."

Hobbes, Léviathan, 1651, Livre I, Chapitre 13.  

 


 

 

 "À considérer humainement les choses, faute de sanction naturelle les lois de la justice sont vaines parmi les hommes; elles ne font que le bien du méchant et le mal du juste, quand celui-ci les observe avec tout le monde sans que personne les observe avec lui. Il faut donc des conventions et des lois pour unir les droits aux devoirs et ramener la justice à son objet. Dans l'état de nature, où tout est commun, je ne dois rien à ceux à qui je n'ai rien promis, je ne reconnais pour être à autrui que ce qui m'est inutile. Il n'en est pas ainsi dans l'état civil où tous les droits sont fixés par la loi.
 Mais qu'est-ce donc enfin qu'une loi ?
 […] quand tout le peuple statue sur tout le peuple il ne considère que lui-même, et s'il se forme alors un rapport, c'est de l'objet entier sous un point de vue à l'objet entier sous un autre point de vue, sans aucune division du tout. Alors la matière sur laquelle on statue est générale comme la volonté qui statue. C'est cet acte que j'appelle une loi.
 Quand je dis que l'objet des lois est toujours général, j'entends que la loi considère les sujets en corps et les actions comme abstraites, jamais un homme comme individu ni une action particulière. Ainsi la loi peut bien statuer qu'il y aura des privilèges, mais elle n'en peut donner nommément à personne; la loi peut faire Plusieurs classes de citoyens, assigner même les qualités qui donneront droit à ces classes, mais elle ne peut nommer tels et tels pour y être admis ; elle peut établir un gouvernement royal et une succession héréditaire, mais elle ne peut élire un roi ni nommer une famille royale;,en un mot toute fonction qui se rapporte à un objet individuel n'appartient point à la puissance législative.
 Sur cette idée on voit à l'instant qu'il ne faut plus demander à qui il appartient de faire des lois, puisqu'elles sont des actes de la volonté générale ; ni si le Prince est au-dessus des lois, puisqu'il est membre de l'Etat ; ni si la loi peut être injuste, puisque nul n'est injuste envers lui-même; ni comment on est libre et soumis aux lois, puisqu'elles ne sont que des registres de nos volontés."
 
Rousseau, Du contrat social, 1762, livre II,chap. VI, Hatier, coll. « Les classiques de la philosophie », 1999, p. 44-46.

 


 

 

 "Il n'y a point de vrai souverain que la nation ; il ne peut y avoir de vrai législateur que le peuple ; il est rare qu'un peuple se soumette sincèrement à des lois qu'on lui impose, il les aimera, il les respectera, il y obéira, il les défendra comme son propre ouvrage, s'il en est lui-même l'auteur. Ce ne sont plus les volontés arbitraires d'un seul, ce sont celles d'un nombre d'hommes qui ont consulté entre eux[1] sur leur bonheur et leur sécurité ; elles sont vaines, si elles ne commandent pas également à tous ; elles sont vaines s'il y a un seul membre dans la société qui puisse les enfreindre impunément[2]. Le premier point d'un code doit donc m'instruire des précautions que l'on a prises pour assurer aux lois leur autorité."

Diderot, Observations sur le Nakaz, 1774, p. 343.

Pour expliquer ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d’abord étudié dans son ensemble.
 
1. Dégagez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.
2. a) Quelle différence y a-t-il entre le « vrai législateur » et « les volontés arbitraires d'un seul » ?
b) En vous appuyant sur le texte, déterminez et expliquez les trois précautions à prendre « pour assurer aux lois leur autorité. »
3. Le peuple est-il le seul vrai législateur ?


[1] Qui ont consulté entre eux : qui se sont consultés, ont débattu entre eux.
[2] Impunément : sans être puni.

 

  "Tout dépend alors de l'analyse de la loi. Or voici qu'elle-même s'avère contradictoire. D'une part, elle prétend être par essence bonne et noble. C'est la loi qui est la gardienne de la cité et de toute autre chose. De l'autre, elle est censée refléter l'opinion commune et les décisions de la cité, c'est-à-dire d'une multitude de citoyens. Dans cette fonction, elle n'est ni bonne ni noble par essence. Elle peut très bien être l'oeuvre d'imbéciles ou de fripouilles. Rien n'autorise à prétendre que les législateurs sont, en règle générale, plus sages que « vous ou moi », et pourquoi donc « vous ou moi » nous soumettrions-nous à leur décision ? Les mêmes lois qui ont été solennellement adoptées par une cité sont tout aussi solennellement abolies : cela suffit à faire naître des doutes sur la sagesse qui a présidé à leur élaboration. Il s'agit alors de savoir si les prétentions de la loi d'être bonne et noble peuvent être simplement adoptées comme absolument dépourvues de fondement ou si elles contiennent un élément de vérité.

  La loi se dit gardienne de la cité comme de tout le reste. Elle se flatte de sauvegarder le bien commun. Mais qu'appelons-nous justice si ce n'est le bien commun ? Les lois sont justes dans la mesure où elles contribuent au bien commun. Mais s'ils se confondent avec le bien commun, la justice ou le droit ne peuvent être conventionnels - les conventions ne peuvent faire tourner à l'avantage d'une cité ce qui lui est en réalité fatal et vice versa. C'est alors la nature des choses, et non la convention qui dans chaque cas détermine ce qui est juste. Ce qui implique que la justice puisse très bien varier de cité à cité, et d'une époque à l'autre : la diversité des choses justes n'est pas seulement compatible avec le principe de la justice, avec l'identité de la justice et du bien commun, elle en est aussi une conséquence. La connaissance de ce qui est juste hic et nunc, c'est-à-dire de ce qui est par nature ou en soi favorable à cette cité-ci, à l'heure qu'il est, ne peut être scientifique. Encore moins peut-elle être assimilée à la connaissance sensible. Déterminer ce qui est juste dans chaque cas, tel est le rôle de l'art et de l'habileté politique, comparables à l'art du médecin qui prescrit dans chaque cas ce qui est bon pour la santé du corps humain".

 

Léo Strauss, Droit naturel et histoire, 1953, Chapitre III, Trad. Monique Nathan et Éric de Dampierre, Champs Flammarion, 1986, p. 99-100.

 

Date de création : 13/10/2006 @ 19:51
Dernière modification : 13/07/2012 @ 12:09
Catégorie :
Page lue 5686 fois


Imprimer l'article Imprimer l'article

Recherche



Un peu de musique
Contact - Infos
Visites

   visiteurs

   visiteurs en ligne

^ Haut ^