"En principe le pouvoir de la polis grecque était total : c'était la source de tous droits et obligations et son autorité s'étendait à la totalité des conduites humaines sans exception. […] On ne pouvait échapper à la polis.
Surgit alors une question. Si la polis avait une autorité aussi illimitée, en quel sens les Grecs étaient-ils des hommes libres comme ils croyaient l'être ? Sur ce point, la réponse était donnée par la formule « le roi, c'est la loi » (nomos basileus). La liberté n'était pas l'équivalent de l'anarchie mais d'une existence ordonnée au sein d'une communauté gouvernée par un code établi que tous respectaient. Pour atteindre ce but, on avait longtemps lutté à l'époque archaïque d'abord contre le privilège et le monopole traditionnel du pouvoir possédé par la noblesse, ensuite contre le pouvoir incontrôlé des tyrans. Le fait que la communauté était la seule source de la loi, était une garantie de liberté."
Moses I. Finley, Les Anciens Grecs, 1964, tr. fr. Monique Alexandre, Points essais, 1993, p. 55.
"Étant donné en effet qu'il n'existe pas au monde de République où l'on ait suffisamment établi de règles pour présider à toutes les actions et paroles des hommes (car cela serait impossible), il s'ensuit nécessairement que dans tous les domaines d'activité que les lois ont passés sous silence, les gens ont la liberté de faire ce que leur propre raison leur indique comme leur étant le plus profitable. Car si nous prenons le mot de liberté dans son sens propre de liberté corporelle, c'est-à-dire de n'être ni enchaîné ni emprisonné, il serait tout à fait absurde, de la part des hommes, de crier comme ils le font pour obtenir cette liberté dont ils jouissent si manifestement. D'autre part, si nous entendons par liberté le fait d'être soustrait aux lois, il n'est pas moins absurde, de la part des hommes, de réclamer comme ils le font cette liberté qui permettrait à tous les autres hommes de se rendre maîtres de leurs vies. Et cependant, aussi absurde que ce soit, c'est bien ce qu'ils réclament ; ne sachant pas que les lois sont sans pouvoir pour les protéger s'il n'est pas un glaive entre les mains d'un homme (ou de plusieurs) pour faire exécuter ces lois. La liberté des sujets ne réside par conséquent que dans les choses qu'en réglementant leurs actions le souverain a passées sous silence, par exemple la liberté d'acheter, de vendre, et de conclure d'autres contrats les uns avec les autres ; de choisir leur résidence, leur genre de nourriture, leur métier, d'éduquer leurs enfants comme ils le jugent convenable, et ainsi de suite."
Thomas Hobbes, Léviathan, 1651, Livre II, § 21,trad. F. Tricaud, Sirey, 1971, p. 224 (Folio essais, p. 339-340).
"La communauté politique la plus libre est celle dont les lois s'appuient sur la saine raison. Car, dans une organisation fondée de cette manière, chacun, s'il le veut, peut être libre, c'est-à-dire s'appliquer de tout son coeur à vivre raisonnablement. De même, les enfants, bien qu'obligés d'obéir à tous les ordres de leurs parents, ne sont cependant pas des esclaves ; car les ordres des parents sont inspirés avant tout par l'intérêt des enfants. Il existe donc selon nous une grande différence entre un esclave, un fils, un sujet, et nous formulerons les définitions suivantes : l'esclave est obligé de se soumettre à des ordres fondés sur le seul intérêt de son maître ; le fils accomplit sur l'ordre de ses parents des actions qui sont dans son intérêt propre ; le sujet enfin accomplit sur l'ordre de la souveraine Puissance* des actions visant à l'intérêt général et qui sont par conséquent aussi dans son intérêt particulier."
Spinoza, Traité théologico-politique, 1670, Chapitre XVI, GF, p. 268.
* la souveraine Puissance : l'instance qui détient l'autorité politique.
"La plupart des hommes semblent croire qu'ils sont libres dans la mesure où il leur est permis d'obéir à leurs penchants, et qu'ils abandonnent de leur indépendance dans la mesure où ils sont tenus de vivre selon la prescription de la loi divine. La moralité donc, et la religion, et, sans restriction, tout ce qui se rapporte à la force d'âme, ils les prennent pour des fardeaux qu'ils espèrent déposer après la mort, pour recevoir le prix de la servitude, à savoir de la moralité et de la religion ; et ce n'est pas cet espoir seul, mais aussi et surtout la crainte d'être punis par d'horribles supplices après la mort, qui les poussent à vivre selon la prescription de la loi divine, autant que le permettent leur petitesse et leur âme impuissante. Et si les hommes n'avaient pas cet espoir et cette crainte, s'ils croyaient au contraire que les esprits périssent avec le corps et qu'il ne reste aux malheureux épuisés par le fardeau de la moralité aucune survie, ils reviendraient à leurs naturels, voudraient tout gouverner selon leurs penchants et obéir à la fortune plutôt qu'à eux-mêmes. Ce qui ne me paraît pas moins absurde que si un homme, parce qu'il ne croit pas pouvoir nourrir éternellement son corps de bons aliments, préférait se saturer de poisons mortels ; ou bien, parce qu'il voit que l'esprit n'est pas éternel ou immortel, préfère être dément et vivre sans la Raison : absurdité telle qu'elle mérite à peine d'être relevée."
Spinoza, Éthique, 1677, Ve partie, scolie de la proposition XLI, Tr. fr. Charles Appuhn, GF, p. 339-340.
"Bien compris, le droit consiste moins à restreindre un agent libre et intelligent qu'à le guider au mieux de ses intérêts et il ne commande qu'en vue du bien commun de ceux qui lui sont soumis. S'ils pouvaient vivre plus heureux sans lui, le droit disparaîtrait de lui-même, comme objet inutile ; ce n'est pas séquestrer quelqu'un que de lui rendre inaccessible les marécages et les précipices. Quoiqu'on s'y trompe souvent, le droit n'a pas pour fin d'abolir la liberté ni de l'entraver, mais de la conserver et de l'accroître. Les créatures capables de vie juridique, quelle que soit leur condition, ne sont jamais libres sans lois. La liberté consiste à ne subir ni contrainte ni violence, par le fait d'autrui, ce qui est impossible sans lois ; mais elle ne se définit pas, comme on le prétend, par la liberté pour chacun d'agir à sa guise. Comment être libre, alors que n'importe qui peut vous imposer ses caprices ? Elle se définit comme la liberté, pour chacun, de régler et d'ordonner à son idée sa personne, ses actes, ses possessions et tout ce qui lui appartient, dans le cadre des lois auxquelles il est soumis, donc, de ne pas dépendre du vouloir arbitraire d'un autre, mais de suivre librement le sien propre."
John Locke, Deuxième traité du gouvernement civil, 1690, tr. fr. Etienne Gilson, Vrin, p. 106.
"Il est certain que la fin d'une loi n'est pas d'abolir ou de restreindre la liberté mais de la préserver et de l'augmenter. Ainsi, partout où vivent des êtres créés capables de lois, là où il n'y a pas de lois il n'y a pas non plus de liberté. Car la liberté consiste à n'être pas exposé à la contrainte et à la violence des autres ; ce qui ne peut se trouver là où il n'y a pas de loi. La liberté n'est toutefois pas, comme on le prétend, le loisir pour tout homme de faire ce qui lui plaît - qui, en effet, serait libre là où n'importe quel autre, d'humeur méchante[1], pourrait le soumettre ? - mais le loisir de conduire et de disposer comme il l'entend de sa personne, de ses biens, et de tout ce qui lui appartient, suivant les lois sous lesquelles il vit ; et par là, de n'être pas sujet à la volonté arbitraire d'un autre mais de suivre librement la sienne propre."
John Locke, Deuxième traité du gouvernement civil, 1690.
Pour expliquer ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d'abord étudié dans son ensemble.
1. Dégagez la thèse de ce texte et montrez comment elle est établie.
2. a) Expliquez : "la liberté consiste à n'être pas exposé à la contrainte et à la violence des autres".
b) Pourquoi la liberté ne consiste-t-elle pas pour chacun à "faire ce qui lui plaît" ?
c) Expliquez : la liberté est "le loisir de conduire et de disposer comme il l'entend de sa personne, de ses biens, et de tout ce qui lui appartient".
3. Les lois ont-elles pour but de préserver et d'augmenter la liberté ?
[1] D'humeur méchante - se dit d'un homme de tempérament violent.
"Si l'homme, dans l'état de nature, est aussi libre que j'ai dit, s'il est le seigneur absolu de sa personne et de ses possessions, égal au plus grand et sujet à personne ; pourquoi se dépouille-t-il de sa liberté et de cet empire, pourquoi se soumet-il à la domination et à l'inspection de quelque autre pouvoir ? Il est aisé de répondre, qu'encore que, dans l'état de nature, l'homme ait un droit, tel que nous avons posé, la jouissance de ce droit est pourtant fort incertaine et exposée sans cesse à l'invasion d'autrui. Car tous les hommes étant Rois, tous étant égaux et la plupart peu exacts observateurs de l'équité et de la justice, la jouissance d'un bien propre, dans cet état, est mal assurée, et ne peut guère être tranquille. C'est ce qui oblige les hommes de quitter cette condition, laquelle, quelque libre qu'elle soit, est pleine de crainte, et exposée à de continuels dangers, et cela fait voir que ce n'est pas sans raison qu'ils recherchent la société, et qu'ils souhaitent de se joindre avec d'autres qui sont déjà unis ou qui ont dessein de s'unir et de composer un corps, pour la conservation mutuelle de leurs vies, de leurs libertés et de leurs biens; choses que j'appelle, d'un nom général, propriétés.
C'est pourquoi, la plus grande et la principale fin que se proposent les hommes, lorsqu'ils s'unissent en communauté et se soumettent à un gouvernement, c'est de conserver leurs propriétés, pour la conservation desquelles bien des choses manquent dans l'état de nature. "
John Locke, Traité du gouvernement civil, 1690, Chapitre IX, trad. D. Mazel, Ed. Garnier-Flammarion, 1984, p. 273-274.
"Comme dans les démocraties le peuple paraît à peu près faire ce qu'il veut, on a mis la liberté dans ces sortes de gouvernements, et on a confondu le pouvoir du peuple avec la liberté du peuple.
Il est vrai que, dans les démocraties, le peuple paraît faire ce qu'il veut : mais la liberté politique ne consiste point à faire ce que l'on veut. Dans un Etat, c'est-à-dire dans une société où il y a des lois, la liberté ne peut consister qu'à pouvoir faire ce que l'on doit vouloir, et à n'être point contraint de faire ce que l'on ne doit point vouloir.
Il faut se mettre dans l'esprit ce que c'est que l'indépendance, et ce que c'est que la liberté. La liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent : et, si un citoyen pouvait faire ce qu'elles défendent, il n'aurait plus de liberté, parce que les autres auraient tout de même ce pouvoir."
Montesquieu, De l'Esprit des lois, 1748, Livre XI, chapitre 3, Garnier, 1973, p. 167.
"La liberté philosophique consiste dans l'exercice de sa volonté, ou du moins (s'il faut parler dans tous les systèmes) dans l'opinion où l'on est que l'on exerce sa volonté. La liberté politique consiste dans la sûreté, ou du moins dans l'opinion que l'on a de sa sûreté.
Cette sûreté n'est jamais plus attaquée que dans les accusations publiques ou privées. C'est donc de la bonté des lois criminelles, que dépend principalement la liberté du citoyen.
Les lois criminelles n'ont pas été perfectionnées tout d'un coup. Dans les lieux mêmes où l'on a le plus cherché la liberté, on ne l'a pas toujours trouvée. Aristote nous dit qu'à Cumes, les parents de l'accusateur pouvaient être témoins. Sous les rois de Rome, la loi était si imparfaite, que Servius Tullius prononça la sentence contre les enfants d'Ancus Martius accusé d'avoir assassiné le roi son beau-père. Sous les premiers rois de France, Clotaire fit une loi, pour qu'un accusé ne pût être condamné sans être oui ; ce qui prouve une pratique contraire dans quelque cas particulier, ou chez quelque peuple barbare. Ce fut Charondas qui introduisit les jugements contre les faux témoignages. Quand l'innocence des citoyens n'est pas assurées, la liberté ne l'est pas non plus.
Les connaissances que l'on a acquises dans quelque pays, et que l'on acquerra dans d'autres, sur les règles les plus sûres que l'on puisse tenir dans les jugements criminels, intéressent le genre humain plus qu'aucune chose qu'il y ait au monde.
Ce n'est que sur la pratique de ces connaissances, que la liberté peut être fondée ; et dans un État qui aurait là-dessus les meilleures lois possibles, un homme à qui on ferait son procès, et qui devrait être pendu le lendemain, serait plus libre qu'un bacha ne l'est en Turquie."
Montesquieu, De l'Esprit des lois, 1748, Livre XII, chapitre II, Garnier, 1973, p. 202-203.
"On a beau vouloir confondre l'indépendance et la liberté, ces deux choses sont si différentes que même elles s'excluent mutuellement. Quand chacun fait ce qu'il lui plaît, on fait souvent ce qui déplaît à d'autres, et cela ne s'appelle pas un état libre. La liberté consiste moins à faire sa volonté qu'à n'être pas soumis à celle d'autrui ; elle consiste encore à ne pas soumettre la volonté d'autrui à la nôtre. Quiconque est maître ne peut être libre, et régner c'est obéir. Je ne connais de volonté vraiment libre que celle à laquelle nul n'a droit d'opposer de la résistance ; dans la liberté commune nul n'a droit de faire ce que la liberté d'un autre lui interdit, et la vraie liberté n'est jamais destructive d'elle-même. Ainsi la liberté sans la justice est une véritable contradiction. [...]
Il n'y a donc point de liberté sans lois, ni où quelqu'un est au-dessus des lois : dans l'état même de nature, l'homme n'est libre qu'à la faveur de la loi naturelle qui commande à tous. Un peuple libre obéit, mais il ne sert pas ; il a des chefs et non pas des maîtres ; il obéit aux lois, mais il n'obéit qu'aux lois et c'est par la force des lois qu'il n'obéit pas aux hommes. Toutes les barrières qu'on donne dans les républiques au pouvoir des magistrats ne sont établies que pour garantir de leurs atteintes l'enceinte sacrée des lois : ils en sont les ministres, non les arbitres, ils doivent les garder, non les enfreindre. Un Peuple est libre, quelque forme qu'ait son Gouvernement, quand dans celui qui le gouverne il ne voit point l'homme, mais l'organe de la loi. En un mot, la liberté suit toujours le sort des lois, elle règne ou périt avec elles ; je ne sache rien de plus certain".
Jean-Jacques Rousseau, Lettres écrites de la montagne, 1764, Huitième Lettre, in Oeuvres complètes, vol. III, Gallimard, coll. "La Pléiade", 1964, p. 841.
"La puissance souveraine ne se trouve donc que dans la réunion des forces prépondérantes. Elle ne consiste même qu'en cela. Comme elle n'est puissance, que parce qu'elle est une force comparée à une autre force ; elle n'est puissance souveraine, que parce qu'elle est une force prépondérante à toutes.
Cette puissance, dira-t-on, fait donc violence aux uns pour assurer la liberté des autres. Sans doute, et la chose ne peut pas être autrement. Si la licence régnait, il n'y aurait point de liberté ; puisque la licence de tous nuirait à la liberté de tous. Pour assurer la liberté, il faut donc mettre un frein à la licence. Voilà ce que fait la puissance souveraine ou prépondérante ; et le gouvernement est libre, lorsqu'elle n'emploie la violence que contre ceux qui veulent abuser de leur liberté : c'est-à-dire, que le gouvernement est libre, lorsque les lois règlent l'usage de la puissance souveraine, et en bannissent tout arbitraire."
Étienne Bonnot de Condillac, Cours d'étude pour l'instruction du Prince de Parme, 1775, Œuvres complètes de Condillac, Histoire ancienne, tome II, chapitre III, Baudouin Frères, 1827, p. 66-67.
"De la liberté, je dirais que, dans toute la plénitude de son étendue, c'est la possibilité d'agir à notre gré sans entraves, mais que la liberté légitime est la possibilité d'agir à notre gré sans entraves dans les limites qui nous sont assignées par les droits égaux d'autrui. Je n'ajoute pas dans les limites de la loi parce que celle-ci n'est souvent – et toujours, lorsqu'elle viole les droits de l'individu – que la volonté du tyran.".
Thomas Jefferson, Lettre à Isaac H. Tiffany du 4 avril 1819, in La Liberté et l'État, Éditions Seghers, 1970, p. 104.
"Abolir les barrières des lois entre les hommes équivaut à supprimer les libertés humaines et à détruire la liberté en tant que réalité politique vivante. L'espace entre les hommes tel qu'il est délimité par les lois est l'espace vital de la liberté. La terreur totale utilise ce vieux procédé de la tyrannie, mais elle détruit aussi, en même temps, ce désert de la peur et de la suspicion, sans lois ni barrières, que la tyrannie laisse sur son passage. Ce désert n'est certes plus un espace vital pour la liberté, mais il laisse encore quelque place aux mouvements et aux actions qu'inspirent la peur et la suspicion des habitants.
En écrasant les hommes les uns contre les autres, la terreur totale détruit l'espace entre eux. En comparaison de ce qui se passe à l'intérieur de son cercle de fer, même le désert de la tyrannie, dans la mesure où il est encore une sorte d'espace, apparaît comme une garantie de liberté. Le régime totalitaire ne fait qu'amputer les libertés, ou qu'abolir les libertés essentielles ; il ne réussit pas non plus, du moins à notre connaissance, qui est limitée, à extirper du cœur des hommes l'amour de la liberté. Il détruit le seul préalable indispensable à toute liberté, tout simplement la possibilité de se mouvoir qui ne peut exister sans espace."
Hannah Arendt, Les Origines du totalitarisme, 1951, Troisième partie : Le totalitarisme, chapitre XIII, trad. Jean-Louis Bourget, Robert Davreux et Pierre Lévy, Paris, Gallimard, coll. Quarto, 2002, p. 820-821.
"Tout homme, à sa naissance, fait partie d'une communauté particulière et ne peut survivre que s'il est accepté par elle et y trouve sa place. La situation de fait de chaque nouvel arrivant implique une sorte de consentement, à savoir une acceptation des règles qui gouvernent le grand jeu du monde dans le groupe particulier auquel il appartient par sa naissance. Nous vivons et survivons tous par l'effet d'une sorte de consentement tacite, qu'il serait toutefois difficile de qualifier de volontaire. Comment pourrait-on vouloir ce qui existe de toute façon ? On pourra toutefois parler de consentement volontaire dans le cas où l'enfant se trouve naître dans une communauté où, parvenu à l'âge adulte, il aura en fait et en droit la possibilité d'exprimer son dissentiment. Ce dernier implique le consentement et constitue la marque caractéristique d'un régime de liberté. Celui qui sait pouvoir refuser son accord sait également que, d'une certaine façon, il consent lorsqu'il s'abstient d'exprimer son désaccord."
Hannah Arendt, "La désobéissance civile", 1970, in Du mensonge à la violence, tr. Fr. Guy Durand, Pocket, 1994, p. 89-90.
"La liberté ou, si l'on préfère, la faculté d'autodétermination de toute personne humaine est le présupposé inévitable de tout ordre normatif. Comme tout autre ordre normatif, et notamment éthique, l'impératif juridique implique évidemment que le destinataire de cet impératif peut lui obéir ou ne pas lui obéir. Les « lois de la nature » […] ne peuvent être l'occasion de manquement ou d'infractions, sinon sous forme de miracles. Au contraire, l'on peut dire que c'est la possibilité de la désobéissance qui donne son sens et sa portée à la règle de droit. A contrario, l'obligation juridique de tenir tel ou tel comportement, positif ou négatif, cesse à partir du moment où le sujet de droit perd sa liberté, que ce soit du fait de son aliénation mentale, de l'état de nécessité ou de toute situation affectant l'exercice de sa liberté."
George Vedel, Avant-propos au livre de Paul Amselek : Science et déterminisme. Éthique et liberté, 1988, PUF, p. 5-6.