"L'État comme tel supprime par exemple la propriété privée, l'homme décrète, politiquement, l'abolition de la propriété privée, dès qu'il décide que l'électorat et l'éligibilité ne sont plus liés au cens, ainsi qu'on l'a décidé dans bon nombre d'États de l'Amérique du Nord. Hamilton interprète très exactement ce fait au point de vue politique : « La grande masse a remporté la victoire sur les propriétaires et la richesse financière. » La propriété privée n'est-elle pas supprimée idéalement, lorsque celui qui ne possède rien est devenu le législateur de celui qui possède ? Le cens est la dernière forme politique de la reconnaissance de la propriété privée. Cependant l'annulation politique de la propriété privée, non seulement ne supprime pas la propriété privée, mais la présuppose. L'État supprime à sa façon les distinctions constituées par la naissance, le rang social, l'instruction, l'occupation particulière, en décrétant que la naissance, le rang social, l'instruction, l'occupation particulière sont des différences non politiques, quand, sans tenir compte de ces distinctions, il proclame que chaque membre du peuple partage, à titre égal, la souveraineté populaire, quand il traite tous les éléments de la vie populaire effective en se plaçant au point de vue de l'État. Mais l'État n'en laisse pas moins la propriété privée, l'instruction, l'occupation particulière agir à leur façon, c'est-à-dire en tant que propriété privée, instruction, occupation particulière, et faire prévaloir leur nature spéciale. Bien loin de supprimer ces différences factices, il n'existe plutôt que dans leurs présuppositions ; il a conscience d'être un État politique et ne fait prévaloir son universalité que par opposition à ces éléments. " Marx, À propos de la question juive, 1844, trad. Maximilien Rubel, Louis Évrard et Louis Janover, in Marx, Philosophie, Folio essais, pp. 57-59.
Date de création : 25/11/2006 @ 15:09
Dernière modification : 25/11/2006 @ 15:11
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