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Texte à méditer :  La raison du plus fort est toujours la meilleure.
  
La Fontaine
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Hors des sentiers battus
Le crime

  "Dans la mesure où la mesure criminelle est obligatoire et est engagée même lorsque la victime préfère oublier et pardonner, elle repose sur des lois dont l' « essence » est que « le crime n'est pas seulement commis contre la victime mais d'abord contre la communauté dont la loi a été violée » - selon un article de Telford Taylor publié dans le New York Times Magazine. Le malfaiteur comparaît en justice parce que son acte a perturbé et gravement mis en danger la communauté dans son ensemble et non, comme dans les affaires civiles, parce qu'il a lésé certains individus qui ont droit à un dédommagement. Dans les affaires criminelles, le dédommagement est d'une tout autre nature ; c'est le corps politique lui-même qui doit être « dédommagé » et c'est l'ordre public dans son ensemble qui a été perturbé et doit être en quelque sorte rétabli. En d'autres termes, c'est la loi, et non le plaignant, qui doit prévaloir."

 

Hannah Arendt, Eichmann à Jérusalem. Rapport sur la banalité du mal, 1963, Épilogue, tr. fr. Anne Guérin, revue par M.-I. Brudny de Launay, Gallimard, Quarto, 2005, p. 1270.



  "Le crime est la transposition juridique de ce qui, avant la loi, est vécu comme offense (entre individus, groupes ou dans, peu importe). L'offensé ne l'est pas en vertu du caractère criminel de l'acte, mais en vertu simplement de la violence qu'il subit. De là la disproportion de la riposte, que ne fonde aucune mesure commune. C'est au contraire cette mesure commune que le crime, sitôt introduit dans le monde, substitue à l'offensé : le crime est crime devant la loi des hommes ou des dieux, mais non pas crime devant quelqu'un seulement. L'offense n'est que relativement mauvaise, au sens où elle n'existe qu'en relation ; le crime l'est absolument sitôt que la loi le pose. La notion de crime relève d'un codage institutionnel des rapports de forces entre familles, clans, tribus, et il contient un degré d'abstraction supplémentaire par rapport à l'offense, qui elle-même était déjà une abstraction : ce n'est pas la douleur de la gifle qui la rend offensante, mais l'événement immatériel qu'elle constitue. Le crime fait donc exister l'offense sans l'offensé, dont il n'a plus besoin, et qu'il prive ainsi de la possibilité de se venger. Le crime devant la loi ôte à l'offense le caractère arbitraire, passionnel, démesuré qu'elle avait dans la sphère de la vengeance. Elle pose et fixe les termes d'une offense en général."

 

Cédric Lagandré, La Société intégrale, 2009, Flammarion Climats, p. 33-34.
 

 


Date de création : 09/04/2007 @ 11:40
Dernière modification : 29/03/2024 @ 15:23
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