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Texte à méditer :  Aucune philosophie n'a jamais pu mettre fin à la philosophie et pourtant c'est là le voeu secret de toute philosophie.   Georges Gusdorf
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Désir et raison

  "Les Stoïciens divisent l'âme en huit parties : les cinq sens, la parole, la pensée, qui est l'esprit, et le pouvoir d'engendrer. Ils disent que le faux trouble la pensée, et donne à l'âme une instabilité créée par les passions.
  La passion, selon Zénon, est un mouvement de l'âme irraisonné et contraire à la nature, ou encore un emportement excessif. Les principales passions, selon Hécaton (des Passions, liv. II), sont de quatre sortes : la douleur, la crainte, le désir, les plaisirs. Les Stoïciens croient encore qu'elles sont des jugements (cf. Chrysippe, Traité des Passions). Ainsi l'avarice consiste à juger que l'argent est une belle chose, et l'ivresse et l'intempérance s'expliquent de la même façon.
  […]
  Le désir est un souhait irraisonné, à quoi sont subordonnées les affections suivantes : indigence, haine, rivalité, colère, amour, ressentiment et emportement. L'indigence est un désir qui vient de ce que nous n'avons pas ce que nous voulons, et que nous cherchons sans cesse à l'avoir ; la haine est le désir qu'il arrive du mal à autrui et que ce mal dure et croisse ; la rivalité est un désir provenant d'un choix à faire ; la colère est un désir de punir celui qui paraît nous avoir injustement fait du tort ; l'amour est un désir qui ne vient jamais aux philosophes, car c'est une tentative pour s'unir à quelqu'un à cause de sa beauté ; le ressentiment est une colère vieillie cherchant avec soin une vengeance, comme le montrent les vers suivants :
  Si vraiment tout un jour il a contenu sa bile,

  Il n'en aura pas moins ensuite du ressentiment, jusqu'à ce qu'elle éclate enfin.
  L'emportement, enfin, est une colère naissante.
  Le plaisir est un désir irraisonné d'une chose qui paraît souhaitable. Il comprend : le charme, la joie du mal, la jouissance, le relâchement. Le charme est un plaisir qui nous prend par l'oreille, la joie du mal est un plaisir qui nous vient à la suite des malheurs d'autrui, la jouissance est comme un circuit ou un mouvement attractif de l'âme le conduisant à la mollesse, le relâchement enfin est le fait de négliger la vertu. Tout comme on parle des maladies du corps : podagre, goutte, de même il y a des maladies de l'âme, comme l'amour exagéré de la gloire, du plaisir, etc. ; ce sont des maladies qui s'accompagnent d'affaiblissement et cette maladie est la croyance en une chose qui semble vivement désirable. De même qu'il y a des accidents auxquels le corps est facilement exposé, comme le rhume de cerveau et la diarrhée, de même l'âme a ses penchants, comme l'envie, la pitié, la querelle, etc. Les Stoïciens disent encore qu'il y a trois bonnes affections : la joie, la prudence, la volonté ; la joie est le contraire du plaisir, car elle est un désir raisonné ; la prudence est le contraire de la crainte, car elle est une fuite raisonnée, ainsi le sage n'a jamais peur, mais il est toujours sur ses gardes. Enfin la volonté est le contraire du désir, en ce qu'elle est un souhait raisonné. Tout comme les principales passions, les principales bonnes affections comportent des espèces : ainsi la volonté comprend la bienveillance, le calme, la douceur et l'affection. La prudence comprend : la pudeur, la chasteté ; enfin la joie comprend la gaieté, l'enjouement, la bonne humeur.
  Les Stoïciens soutiennent que le sage est exempt de passions, parce qu'il est inébranlable."

 

Diogène Laërce, Vie, doctrines et sentences des philosophes illustres, VII, tr. fr. R. Grenaille, GF, 1965, p. 87-90.



  "Il n'y a rien que le désir, et le regret ou le repentir, qui nous puissent empêcher d'être contents : mais si nous faisons toujours tout ce que nous dicte notre raison, nous n'aurons jamais aucun sujet de nous repentir, encore que les événements nous fissent voir, par après, que nous nous sommes trompés, parce que ce n'est point par notre faute. Et ce qui fait que nous ne désirons point d'avoir, par exemple, plus de bras ou plus de langues que nous n'en avons, mais que nous désirons bien d'avoir plus de santé ou plus de richesses, c'est seulement que nous imaginons que ces choses ici pourraient être acquises par notre conduite, ou bien qu'elles sont dues à notre nature, et que ce n'est pas le même des autres : de laquelle opinion nous pourrons nous dépouiller, en considérant que, puisque nous avons toujours suivi le conseil de notre raison, nous n'avons rien omis de ce qui était en notre pouvoir, et que les maladies et les infortunes ne sont pas moins naturelles à l'homme, que les prospérités et la santé.

  Au reste, toute sorte de désirs ne sont pas incompatibles avec la béatitude ; il n'y a que ceux qui sont accompagnés d'impatience et de tristesse. Il n'est pas nécessaire aussi que notre raison ne se trompe point ; il suffit que notre conscience nous témoigne que nous n'avons jamais manqué de résolution et de vertu, pour exécuter toutes les choses que nous avons jugé être les meilleures, et ainsi la vertu seule est suffisante pour nous rendre contents en cette vie. Mais néanmoins parce que, lorsqu'elle n'est pas éclairée par l'entendement, elle peut être fausse, c'est-à-dire que la volonté et résolution de bien faire nous peut porter à des choses mauvaises, quand nous les croyons bonnes, le contentement qui en revient n'est pas solide ; et parce qu'on oppose ordinairement cette vertu aux plaisirs, aux appétits et aux passions, elle est très difficile à mettre en pratique, au lieu que le droit usage de la raison, donnant une vraie connaissance du bien, empêche que la vertu ne soit fausse, et même l'accordant avec les plaisirs licites, il en rend l'usage si aisé, et nous faisant connaître la condition de notre nature, il borne tellement nos désirs, qu'il faut avouer que la plus grande félicité de l'homme dépend de ce droit usage de la raison, et par conséquent que l'étude qui sert à l'acquérir, est la plus utile occupation qu'on puisse avoir, comme elle est aussi sans doute la plus agréable et la plus douce."

 

Descartes, Lettre à Elisabeth du 4 août 1645 [A.T. IV, 266-267 - édit. F. Alquié, tome III, p. 589-590].


 

  "Juste après l'instinct de nutrition, par lequel la nature conserve chaque individu, le plus important est l'instinct sexuel grâce auquel la nature pourvoit à la conservation de chaque espèce. La raison après son réveil ne tarda pas non plus à manifester son influence sur celui-ci. L'homme trouva bientôt que l'excitation sexuelle, qui chez les animaux repose seulement sur une impulsion passagère et la plupart du temps périodique, était susceptible pour lui de se prolonger et même de s'accroître sous l'effet de l'imagination, qui fait sentir son action avec d'autant plus durable et plus uniforme, que l'objet est soustrait aux sens ; ce qui évite la satiété qu'entraîne avec soi la satisfaction d'un désir purement animal. La feuille de figuier fut donc le résultat d'une manifestation de la raison bien plus importante que toutes celles qui étaient survenues antérieurement au tout premier stade de son développement. Car le fait de rendre une inclination plus forte et plus durable, en retirant son objet aux sens, dénote déjà une certaine suprématie consciente de la raison sur les inclinations et non plus seulement, comme un degré inférieur un pouvoir de les servir, sur une plus ou moins grande échelle. Le refus fut l'habile artifice qui conduisit l'homme des excitations purement sensuelles vers les excitations idéales, et peu à peu du désir purement agréable devint le goût du beau, découvert d'abord seulement dans l'homme, puis aussi dans la nature."

 

Emmanuel Kant, Conjectures sur les débuts de l'histoire humaine, 1784, in La Philosophie de l'histoire, tr. fr. Stéphane Piobetta, Aubier, 1947, p. 158.


 

 

    "Un désir ne peut être ni rationnel ni irrationnel par lui-même. Il peut s'opposer à d'autres désirs, et rendre malheureux ; il peut soulever une opposition chez les autres, et être impossible à satisfaire. Mais il ne peut pas être considéré comme « irrationnel » uniquement parce qu'on ne peut pas expliquer pourquoi on le ressent. Nous pouvons désirer A parce que A mène à B, mais au bout du compte, quand nous en avons fini avec les moyens, nous arrivons forcément à quelque chose que nous désirons sans raison, mais non pas « irrationnellement » pour autant."

 

Russell, Science et religion, 1935, Chapitre IX, tr. fr. P.-R. Mantoux, 1975, Folio essais, p. 179-180.

 

 

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Date de création : 12/05/2007 @ 11:02
Dernière modification : 04/11/2019 @ 14:40
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