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Hors des sentiers battus
L'homme comme être culturel

    "Le cercle fonctionnel de l'homme ne s'est pas seulement élargi, il a également subi un changement qualitatif. L'homme a, pour ainsi dire, découvert une nouvelle méthode d'adaptation au milieu. Entre les systèmes récepteur et effecteur propres à toute espèce animale existe chez l'homme un troisième chaînon que l'on peut appeler système symbolique. Ce nouvel acquis transforme l'ensemble de la vie humaine. Comparé aux autres animaux, l'homme ne vit pas seulement dans une réalité plus vaste, il vit, pour ainsi dire, dans une nouvelle dimension de la réalité. Entre les réactions organiques et les réponses humaines existe une différence indubitable. Dans le premier cas, à un stimulus externe correspond une réponse directe et immédiate ; dans le second cas, la réponse est différée. Elle est suspendue et retardée par un processus lent et compliqué de la pensée. Le bénéfice d'un tel délai peut sembler à première vue bien contestable. « L'homme qui médite, dit Rousseau, est un animal dépravé » : outrepasser les frontières de la vie organique n'est pas pour la nature humaine perfection mais dégradation.

    Il n'existe pourtant aucun remède contre ce renversement de l'ordre naturel. L'homme ne peut échapper à son propre accomplissement. Il ne peut qu'accepter les conditions de sa vie propre. Il ne vit plus dans un univers purement matériel, mais dans un univers symbolique. Le langage, le mythe, l'art, la religion sont des éléments de cet univers. Ce sont les fils différents qui tissent la toile du symbolisme, la trame enchevêtrée de l'expérience humaine. Tout progrès dans la pensée et l'expérience de l'homme complique cette toile et la renforce. L'homme ne peut plus se trouver en présence immédiate de la réalité ; il ne peut plus la voir, pour ainsi dire, face à face. La réalité matérielle semble reculer à mesure que l'activité symbolique de l'homme progresse. Loin d'avoir rapport aux choses mêmes, l'homme, d'une certaine manière, s'entretient constamment avec lui-même. Il s'est tellement entouré de formes linguistiques, d'images artistiques, de symboles mythiques, de rites religieux, qu'il ne peut rien voir ni connaître sans interposer cet élément médiateur artificiel."

 

Ernst Cassirer, Essai sur l'Homme, 1944, chapitre 3, tr. fr. N. Massa, éd. de Minuit, 2003, p. 43-44.



  "Si forte est, d'une manière générale, l'emprise de la culture sur l'individu que même la satisfaction de ses besoins les plus élémentaires - ceux qu'on peut qualifier de biologiques parce que les hommes les partagent avec les autres mammifères : nutrition, par exemple, protection et reproduction – n'échappe jamais aux règles imposées par l'usage, sauf circonstances exceptionnelles : un Occidental, s'il s'agit d'un individu normal, ne mangera pas de chien à moins d'être menacé de mourir de faim et, en revanche, beaucoup de peuples n'auraient que du dégoût pour certains mets dont nous nous régalons ; un homme quel qu'il soit s'habillera selon son rang (ou bien selon le rang qu'il voudrait faire passer pour le sien) et la coutume - ou mode - en l'occurrence primera souvent les considérations pratiques ; dans nulle société, enfin, le commerce sexuel n'est libre et il existe partout des règles - variables d'une culture à une autre culture - pour proscrire certaines unions que les membres de la société envisagée regardent comme incestueuses et, de ce fait, comme constituant des crimes. [...]
  La culture intervient donc à tous les niveaux de l'existence individuelle et se manifeste aussi bien dans la façon dont l'homme satisfait ses besoins physiques que dans sa vie intellectuelle et dans ses impératifs moraux."

 

Michel Leiris, Le Racisme devant 1a science, 1960, Unesco/Denoël, p. 218.



  "L'homme est par excellence l'être d'anti-nature, le seul qui soit capable de ne pas être de part en part déterminé par les conditions naturelles qui lui sont faites à sa naissance. Ce pour quoi selon Sartre, il n 'y a pas à proprement parler de « nature humaine ». Évitons d'emblée un malentendu trop fréquent : il ne s'agit pas de nier le fait, au demeu­rant peu contestable, que nous vivons dans un corps, masculin ou féminin, dans une nation, une culture, un milieu social particuliers qui possèdent sur nous une influence considérable. Il est clair que je ne choisis pas davantage ma sexualité que ma langue maternelle. Je les reçois, pour ainsi dire, de l'exté­rieur et tout ne relève pas, c'est l'évidence, de l'autonomie : il serait tout simplement absurde d'assigner à notre liberté la tâche impossible d'éradiquer une telle extériorité.
  Il n'en reste pas moins qu'en toute rigueur nous pouvons, bien plus, nous devons opérer une distinc­tion entre une simple situation factuelle, fût-elle intangible comme l'est l'appartenance à l'un des deux sexes, et une détermination par laquelle nous sommes en quelque sorte façonnés hors de toute activité volontaire. Car à la différence de l'animal, qui est de part en part soumis au code naturel de l'instinct propre à son espèce plus qu'à son individualité, les êtres humains ont la possibilité de s'émanciper, voire de se révolter contre leur propre nature. C'est même par là, c'est-à-dire en s'arrachant à l'ordre des choses, qu'ils témoignent d'une authentique humanité et accèdent simultanément aux sphères de l'éthique et de la culture. L'une comme l'autre, en effet, relèvent de cet effort antinaturel pour construire un univers proprement humain. Il n'est rien d'aussi peu naturel que le règne du droit comme il n'est rien d'aussi peu naturel que l'histoire des civilisations : l'un comme l'autre sont inconnu des plantes et des animaux. On peut dire, avec Spinoza, qu'il est dans la nature des gros poissons de manger les plus petits. Il est à craindre certes, qu'il n'en soit parfois, voire souvent de même, mutatis mutandis, chez les êtres humains et qu'ils ne soient enclins, justement par nature, à céder au règne de la force. Mais ce n'est point là ce qu'on attend d'eux sur un plan éthique et culturel, et cette attente n'aurait pas lieu d'être si nous ne supposions chez eux la faculté de résister aux penchants de la nature et de ne pas laisser ainsi une situation se transformer en détermination."

 

Luc Ferry, Le Nouvel ordre écologique, 1992, Grasset, p. 219-220.

 

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Date de création : 13/05/2007 @ 16:26
Dernière modification : 24/01/2023 @ 10:00
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