"L'attribut d'une proposition affirmative n'ayant jamais plus d'étendue que le sujet est toujours considéré comme pris particulièrement, parce que ce n'est que par accident s'il est quelque fois pris généralement.
L'attribut d'une proposition négative est toujours pris généralement.
C'est principalement sur ces axiomes que sont fondées les règles générales des syllogismes, qu'on ne saurait violer sans tomber dans de faux raisonnements.
Règle I. Le moyen ne peut être pris 2 fois particulièrement ; mais il doit être pris au moins une fois universellement...
Règle II. Les termes de la conclusion ne peuvent être pris plus universellement dans la conclusion que dans les prémisses...
Règles III. On ne peut rien conclure de 2 propositions négatives...
Règle IV. On ne peut pas prouver une proposition négative par 2 propositions affirmatives...
Règle V. La conclusion suit toujours la plus faible partie, c'est à dire que s'il y a une des 2 propositions qui soit négative, elle doit être négatives; et s'il y en a une particulière, elle doit être particulière...
Règle VI. De 2 propositions particulières il ne s'ensuit rien...
La première figure est donc celle où le moyen est sujet dans la majeure et attribut dans la mineure.
Cette figure n'a que 2 règles "spéciales".
Règle I. Il faut que la mineure soit affirmative. Car si elle était négative, la majeure serait affirmative par la 3ème règle générale, et la conclusion négative par la 5ème : donc le grand terme serait pris universellement dans la conclusion, parce qu'elle serait négative, et particulièrement dans la majeure, parce qu'il en est l'attribut dans cette figure, et qu'elle serait affirmative, ce qui serait contre la seconde règle, qui défend de conclure du particulier au général. Cette raison a lieu aussi dans la troisième figure, où le grand terme est aussi attribut dans la majeure.
Règle II. La majeure doit être universelle. Car la mineure étant affirmative par la règle précédente, le moyen qui y est attribut y est pris particulièrement : donc il doit être universel dans la majeure où il est sujet, ce qui la rend universelle ; autrement il serait pris 2 fois particulièrement contre la première règle générale."
Arnauld et Nicole, La logique ou l'art de penser, 1662, 3e partie ch. III et V: cit. d'après l'édition Jourdain (hachette 1846 épuisé) pp.180-8.
"Je dis donc que le seul principe de contradiction suffit pour démontrer la seconde et la troisième figures des syllogisme par la première. Par exemple on peut conclure dans la première figure, en barbara :
____Tout B est C.
____Tout A est B.
donc Tout A est C.
Supposons que la conclusion soit fausse (ou qu'il soit vrai que quelque A n'est point C), donc l'une ou l'autre des prémisses sera fausse aussi. Supposons que la seconde est véritable, il faudra que la première soit fausse, qui prétend que tout B est C. Donc sa contradictoire sera vraie, c'est-à-dire quelque B ne sera point C. Et ce sera la conclusion d'un argument nouveau, tiré de la fausseté de la conclusion et de la vérité d'une des prémisses du précédent. Voici cet argument nouveau :
quelque A n'est point C.
Ce qui est opposé à la conclusion précédente supposée fausse
Tout A est B
C'est la prémisse précédente supposée vraie.
Donc quelque B n'est point C
C'est la conclusion présente vraie, opposée à la prémisse précédente fausse.
Cet argument est dans le mode disamis [1] de la troisième figure, qui se démontre ainsi manifestement et d'un coup d'oeil du mode barbara de la première figure, sans employer que le principe de contradiction. Et j'ai remarqué dans ma jeunesse, lorsque j'épluchais ces choses, que tout les modes de la seconde et de la troisième figure se peuvent tirer de la première par cette seule méthode, en supposant que le mode de la première est bon, et par conséquent que la conclusion étant fausse, ou sa contradictoire étant prise pour vraie aussi, il faut que la contradictoire de l'autre prémisse soit vraie. Il est vrai que dans les écoles logiques on aime mieux se servir des conversions pour tirer les figures moins principales de la première, qui est la principale, parce que cela parait plus commode pour les écoliers. Mais pour ceux qui cherchent les raisons démonstratives, où il faut employer le moins de suppositions qu'on peut, on ne démontrera pas par la supposition de la conversion ce qui peut se démontrer par le seul principe primitif, qui est celui de la contradiction et qui ne suppose rien. J'ai même fait cette observation, qui paraît remarquable, c'est que les seules figures moins principales, qu'on appelle directes, savoir la seconde et la troisième, se peuvent démontrer par le principe de contradiction tout seul, mais la figure moins principales indirecte, qui est la quatrième, et dont les Arabes attribuent l'invention à Galien, quoique nous n'en trouvons rien dans les ouvrages qui nous restent de lui, ni dans les autres auteurs grecs, la quatrième, dis-je, a ce désavantage, qu'elle ne saurait être tirée de la première ou principale par cette méthode seule, et qu'il faut encore employer une autre supposition, savoir les conversions; de sorte qu'elle est plus éloignés d'un degré que la seconde et la troisième, qui sont de niveau et également éloignées de la première, au lieu que la quatrième a besoin encore de la seconde et de la troisième pour être démontrée. Car il se trouve fort à propos que les conversions même dont elle a besoin se démontrent par la figure seconde ou troisième, démontrables indépendamment des conversions, comme je viens de faire voir."
Leibniz, Nouveaux essais sur l'entendement humain, 1704, Livre IV, Chapitre 2, § 1, GF, pp. 287-288.
[1] Erreur: bocardo. La forme disamis ne s'obtient que si l'on transforme O en I par un prédicat négatif, la copule devenant positive.
"Soit d'abord, dans la seconde figure, le syllogisme que nous venons de construire : "tout sage est content", ou "nul sage n'est triste : or Pierre n'est pas content", ou "pierre est triste : donc pierre n'est pas sage". On se propose d'en renverser la mineure. Il faut pour cela conserver la majeure, et prendre pour mineure la contradictoire de la conclusion. On dira donc : "Tout sage est content" ou "nul sage n'est triste : or pierre est sage : donc pierre est content", ou "pierre n'est pas triste".
Ce syllogisme est de la première figure. Mais c'est celui même dont nous étions partis, et contre lequel nous avions dirigé celui de la seconde. Nous avions pour construire celui-ci pris pour mineure la négative de la conclusion, et conclu à la négation de la mineure. En prenant maintenant pour mineure la négative de cette conclusion nous ne faisons que rétablir notre mineure primitive ; et en concluant à la négation de la mineure du second syllogisme nous ne faisons qu'énoncer une seconde fois la conclusion du premier. On ne peut donc pas dire que le syllogisme de la première figure joue, à l'égard de celui de la seconde, un rôle négatif : car il ne nie en lui que les négations dont il a été lui-même l'objet. […]
Supposons maintenant qu'il s'agisse d'en renverser, non plus la mineure, mais la majeure… Nous devons dire "pierre n'est pas content", ou "pierre est triste (c'est la mineure qui devient majeure) : or Pierre est sage (c'est la contradictoire de la conclusion, que nous prenons pour mineure) : donc "il est possible qu'un sage ne soit pas content", ou "qu'un sage soit triste". Ce syllogisme est de la troisième figure. Mais c'est celui même qui nous a déjà servi à renverser la majeure de notre syllogisme de la première. Comment se fait-il que le renversement de la majeure ait lieu, dans un syllogisme de la seconde figure, par la même opération que dans un syllogisme de la première ? Parce que cette opération porte en réalité sur celui de la première, dont celui de la seconde n'est qu'une transformation. La majeure qu'il s'agit de renverser est la même dans l'un et dans l'autre. La double proposition "pierre n'est pas content", ou "pierre est triste", que nous élevons au rang de majeure, ne jouait, dans le syllogisme de la seconde figure , le rôle de mineure que parce qu'elle niait la conclusion de celui de la première : c'est donc en réalité la contradictoire de la conclusion du syllogisme de la première figure, que nous prenons, dans celui de la troisième, comme nous avons déjà fait, pour majeure. La proposition "pierre est sage", contradictoire de la conclusion de notre syllogisme de la seconde figure, a commencé par être mineure de notre syllogisme de la première ; et c'est pour cela que nous la prenons maintenant encore, dans celui de la troisième, pour mineure. C'est donc bien dans notre syllogisme de la première figure que nous renversons encore une fois la majeure au moyen de la mineure et de la contradictoire de la conclusion. Le syllogisme de la troisième figure ne s'oppose donc directement et naturellement qu'à celui de la première, et ce n'est qu'indirectement, et en quelque sorte à travers celui de la première, que nous avons pu l'opposer à celui de la seconde."
Lachelier, La proposition et le syllogisme in oeuvres, 1906, t. I, Alcan, pp.156-6.
"Le syllogisme de la logique des énoncés, le soi-disant syllogisme théorique, est une suite d'énoncés dans lesquels la vérité d'un contenu de signification, qui est linguistiquement exprimée dans une proposition - la conclusion -, est inférée de la vérité de contenus de signification qui sont linguistiquement exprimés dans deux autres propositions - la majeure et la mineure. Ce qui nous intéresse ici, c'est plus particulièrement l'inférence du général au particulier, plus précisément, inférer la vérité d'une proposition particulière de la vérité d'une proposition générale. L'exemple habituel est : tous les hommes sont mortels - Socrate est un homme - Socrate est mortel. Plus exactement :
1 / Si un être est un homme, cet être est mortel ;
2 / Socrate est un homme ;
3 / Socrate est mortel.
La seconde proposition, c'est-à-dire la (prémisse) mineure, est la constatation que la condition déterminée de manière générale dans la première proposition (la majeure) est donnée de manière individuelle. La vérité de la troisième proposition, la conclusion, est implicitement contenue dans la vérité des première et seconde propositions (les deux prémisses majeure et mineure).
Présenté sous cette forme, le syllogisme est une inférence médiate. Simplifié, il peut être présenté comme une inférence immédiate. Cela donne alors :
Tous les hommes sont mortels.
L'homme Socrate est mortel
Il convient de remarquer que la logique n'affirme pas que tous les hommes sont mortels, et que l'homme Socrate est par conséquent mortel, mais plutôt : s'il est vrai que tous les hommes sont mortels, alors il est vrai que l'homme Socrate est mortel. Savoir s'il est vrai que tous les hommes sont mortels n'a pas à être prouvé par la science de la logique, mais par une autre science. De manière générale : la règle de l'inférence signifie: si les prémisses sont vraies et si la conclusion est implicite dans les prémisses, alors la conclusion est vraie. Le fait que la vérité de la conclusion est « inférée » de la vérité des prémisses ne signifie rien d'autre que : la vérité de la conclusion est « implicite » dans la vérité des prémisses."
Hans Kelsen, Théorie générale des normes, Chapitre 58, § 5, tr. fr. Olivier Béaud et Fabrice Malkani, PUF, 1996, pp. 308-309.
Retour au menu sur la démonstration