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Nécessité et contingence

  "Nous ne nous embarrasserons pas non plus de ce qu'on nomme le raisonnement paresseux : en effet les philosophes appellent raisonnement paresseux un raisonnement qui nous conduirait à vivre dans l'inaction complète. Voici comme on pose la question : « Si c'est votre destin de guérir de cette maladie, que vous fassiez ou non venir le médecin, vous en guérirez. Pareillement, si c'est votre destin de ne pas guérir de cette maladie, que vous fassiez ou non venir le médecin, vous n'en guérirez pas. Et l'un des deux est votre destin. Donc il ne sert à rien de faire venir le médecin. »

  On a raison de traiter de paresse et d'inertie cette manière de poser la question, car, avec le même raisonnement on retrancherait toute action de la vie. On peut même en changer l'expression, et, sans nommer le destin, lui conserver un sens identique, par exemple : « Si cette proposition "vous guérirez de cette maladie" a été vraie de toute éternité, que vous fassiez ou non venir le médecin, vous en guérirez. Pareillement si cette proposition "vous guérirez de cette maladie" a été fausse de toute éternité, que vous fassiez ou non venir le médecin, vous n'en guérirez pas », et ainsi de suite.

  À ce raisonnement, Chrysippe objecte ceci : Il y a dans la réalité des faits simples et d'autres solidaires. On énonce un fait simple en disant : « Socrate mourra tel jour. » Qu'il fasse ou non quelque chose, le jour de sa mort est déterminé. Mais si la destinée que "Œdipe naîtra de Laius", on ne pourra pas dire : « que Laius ait été ou non une femme », car c'est une chose solidaire et « confatale ». C'est le terme dont il se sert, parce que le destin est à la fois que Laius fasse lit commun avec son épouse, et que d'elle il engendre Œdipe. Ainsi cette proposition étant émise : « Milon luttera à Olympie », si l'on rétorquait : « Donc, qu'il ait ou non un adversaire, il luttera », on serait dans l'erreur car « il luttera » est une chose solidaire, puisque sans adversaire il n'y pas de lutte. Tous les raisonnements captieux de ce genre se réfutent donc de la sorte. « Que vous fassiez ou non venir le médecin, vous guérirez » est un raisonnement captieux, car il est aussi fatal de faire venir le médecin que de guérir. C'est, comme je l'ai dit, ce que Chrysippe appelle « confatal ».

  Carnéade rejetait d'un bloc toute cette argumentation, où il voyait un raisonnement par trop superficiel. Aussi pressait-il Chrysippe d'une autre manière, sans avoir recours à de mauvaises raisons. Son raisonnement était celui-ci : « Si tout arrive par des causes antérieures, tous les événements s'entrelacent et sont tramés ensemble dans un enchaînement naturel ; s'il en est ainsi, la nécessité fait tout ; si cela est vrai, rien n'est en notre pouvoir. Mais si tout arrive par le destin, tout arrive par des causes antérieures ; donc tout ce qui arrive n'est pas le fait du destin. » "

 

Cicéron, Le destin, tr. fr. Albert Yon, Gallimard tel, 1994, pp. 162-164.



    "La possibilité et la contingence ne sont pas des affections des choses. - Il a paru convenable d'ajouter à ces observations sur la nécessité et l'impossibilité quelques mots sur la possibilité et la contingence ; car l'une et l'autre ont été tenues par quelques-uns pour des affections des choses, alors qu'elles ne sont cependant que les défauts de notre entendement. Je le montrerai clairement après avoir expliqué ce qu'il faut entendre par ces deux termes.

    Ce qu'est le possible et ce qu'est le contingent. - On dit qu'une chose est possible quand nous en connaissons la cause efficiente mais que nous ignorons si cette cause est déterminée. D'où suit que nous pouvons la considérer elle-même comme possible, mais non comme nécessaire ni comme impossible. Si, d'autre part, nous avons égard à l'essence d'une chose simplement mais non à sa cause, nous la dirons contingente ; c'est à dire, nous la considérerons, pour ainsi parler, comme intermédiaire entre Dieu et une Chimère ; parce qu'en effet nous ne trouvons en elle, l'envisageant du côté de l'essence, aucune nécessité d'exister, comme dans l'essence divine, et aucune contradiction ou impossibilité, comme dans une Chimère.

    Que si l'on veut appeler contingent ce que j'appelle possible, et au contraire possible ce que j'appelle contingent, je n'y contredirai pas n'ayant pas coutume de disputer sur les mots. Il suffira qu'on nous accorde que ces deux choses ne sont que des défauts de notre perception et non quoi que ce soit de réel.

    La possibilité et la contingence ne sont rien que des défauts de notre entendement. - S'il plaisait à quelqu'un de le nier, il ne serait pas difficile de lui démontrer son erreur. S'il considère la Nature, en effet, et comme elle dépend de Dieu, il ne trouvera dans les choses rien de contingent, c'est-à-dire qui, envisagé du côté de l'être réel, puisse exister ou ne pas exister, ou, pour parler selon l'usage ordinaire, soit contingent réellement."


Spinoza, Pensées métaphysiques, 1663, 1ère partie, Chapitre 3, trad. Charles Appuhn, GF, p. 347.


 

 "36. […] Les philosophes conviennent aujourd'hui que la vérité des futurs contingents est déterminée, c'est-à-dire que les futurs contingents sont futurs, ou bien qu'ils seront, qu'ils arriveront ; car il est aussi sûr que le futur sera, qu'il est sûr que le passé a été. Il était déjà vrai il y a cent ans que j'écrirais aujourd'hui ; comme il sera vrai après cent ans que j'ai écrit. Ainsi le contingent, pour être futur, n'en est pas moins contingent ; et la détermination, qu'on appellerait certitude, si elle était connue, n'est pas incompatible avec la contingence. On prend souvent le certain et le déterminé pour une même chose, parce qu'une vérité déterminée est en état de pouvoir être connue, de sorte qu'on peut dire que la détermination est une certitude objective.
 37. Cette détermination vient de la nature même de la vérité et ne saurait nuire à la liberté ; mais il y a d'autres déterminations qu'on prend d'ailleurs et premièrement de la prescience de Dieu, laquelle plusieurs ont crue contraire à la liberté. Car ils disent que ce qui est prévu ne peut pas manquer d'exister, et ils disent vrai ; mais il ne s'ensuit pas qu'il soit nécessaire, car la vérité nécessaire est celle dont le contraire est impossible ou implique contradiction. Or, cette vérité, qui porte que j'écrirai demain, n'est point de cette nature, elle n'est point nécessaire. Mais supposé que Dieu la prévoie, il est nécessaire qu'elle arrive ; c'est-à-dire la conséquence est nécessaire, savoir qu'elle existe, puisqu'elle a été prévue, car Dieu est infaillible; c'est ce qu'on appelle une nécessité hypothétique. Mais ce n'est pas cette nécessité dont il s'agit : c'est une nécessité absolue qu'on demande, pour pouvoir dire qu'une action est nécessaire, qu'elle n'est point contingente, qu'elle n'est point l'effet d'un choix libre. Et d'ailleurs il est fort aisé de juger que la prescience en elle-même n'ajoute rien à la détermination de la vérité des futurs contingents, sinon que cette détermination est connue : ce qui n'augmente point la détermination, ou la futurition (comme on l'appelle) de ces événements, dont nous, sommes convenus d'abord.
 38. Cette réponse est sans doute fort juste, l'on convient que la prescience en elle-même ne rend point la vérité plus déterminée : elle est prévue parce qu'elle est déterminée, parce qu'elle est vraie ; mais elle n'est pas vraie, parce qu'elle est prévue : et en cela la connaissance du futur n'a rien qui ne soit aussi dans la connaissance du passé et du présent. Mais voici ce qu'un adversaire pourra dire : Je vous accorde que la prescience en elle-même ne rend point la vérité plus déterminée, mais c'est la cause de la prescience qui le fait. Car il faut bien que la prescience de Dieu ait son fondement dans la nature des choses, et ce fondement, rendant la vérité prédéterminée, l'empêchera d'être contingente et libre."
   
Leibniz, Essais de Théodicée, 1710, Première partie, § 36-38, GF-Flammarion, 1969, pp. 124-125.


 

    "Il semble évident que, si tous les spectacles de la nature changeaient continuellement, de telle manière qu'il n'y eût pas deux événements qui offrissent entre eux une ressemblance quelconque, mais que tout objet fût entièrement nouveau, sans aucune similitude avec rien de ce qu'on eût vu auparavant, nous ne serions jamais, en ce cas, parvenus à la moindre idée de nécessité, ou d'une connexion entre ces objets. Nous pourrions dire, dans une telle supposition, que l'un des objets ou des événements a suivi l'autre, non que l'un fût produit par l'autre. La relation de cause à effet ne pourrait qu'être absolument inconnue de l'humanité. L'inférence et le raisonnement touchant les opérations de la nature, de ce moment, prendraient fin ; et la mémoire et les sens resteraient les seuls canaux par où il fût possible que la connaissance d'une existence réelle quelconque eût accès dans l'esprit. Notre idée de nécessité et de causalité provient donc entièrement de l'uniformité observable dans les opérations de la nature, où des objets semblables sont constamment joints entre eux, et où l'esprit est déterminé par habitude à inférer l'un de l'apparition de l'autre. Ces deux circonstances forment le tout de la nécessité que nous attribuons la matière. Passé la constante conjonction d'objets semblables, et l'inférence de l'un à l'autre, qui en est la conséquence, nous n'avons aucune notion d'une nécessité ou d'une connexion quelconque."


Hume, Enquête sur l'entendement humain, 1748, Section 8 : De la liberté et de la nécessité, tr. Philippe Folliot.

 

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Date de création : 27/05/2007 @ 19:14
Dernière modification : 14/06/2011 @ 08:56
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