"De ces principes donc que rien n'arrive dans la nature qui ne suive de ses lois ; que ses lois s'étendent à tout ce que conçoit l'entendement divin ; qu'enfin la Nature observe un ordre fixe et immuable, il suit très clairement que le nom de miracle ne peut s'entendre que par rapport aux opinions des hommes et signifie tout uniment un ouvrage dont nous ne pouvons assigner la cause par l'exemple d'une autre chose accoutumée, ou que du moins ne peut expliquer l'auteur relatant le miracle. Je pourrais dire à la vérité qu'un miracle est un événement dont on ne peut assigner la cause par des principes des choses naturelles tels que la Lumière Naturelle les fait connaître ; toutefois, puisque les miracles ont été fait à la mesure de la compréhension du vulgaire, lequel ignore totalement les principes des choses naturelles, il est certain que les anciens ont tenu pour miracle ce qu'ils ne pouvaient expliquer par le moyen dont le vulgaire a coutume d'user pour expliquer les choses naturelles, c'est-à-dire en recourant à sa mémoire pour se rappeler un cas semblable qu'il se représente sans surprise à l'ordinaire".
Spinoza, Traité théologico-politique, 1670, chapitre VI, trad. Charles Appuhn, GF, p. 120.
"Somme toute, il paraît alors qu'aucun témoignage en faveur d'aucun genre de miracle n'est jamais monté à la probabilité, encore moins à la preuve; et que si l'on supposait qu'il se monte à une preuve, il subirait l'opposition d'une autre preuve tirée de la nature même du fait qu'il tenterait d'établir. C'est l'expérience seulement qui donne autorité au témoignage ; et c'est la même expérience qui nous rend certains des lois de la nature. Quand donc ces deux genres d'expérience sont contraires, nous n'avons rien à faire que de soustraire l'une de l'autre et d'embrasser une opinion, d'un côté ou de l'autre, avec l'assurance qui naît de la différence. Mais, selon le principe expliqué ici, cette soustraction, à l'égard de toutes les religions populaires, se monte à une entière annihilation ; par suite nous pouvons établir comme maxime qu'aucun témoignage humain ne peut avoir assez de force pour prouver un miracle et en faire le juste fondement d'un tel système de religion."
Hume, Enquête sur l'entendement humain, 1748, tr. fr. Philippe Baranger et Philippe Saltel, GF, 1983, p. 203.
"Nous savons tous ce qui dans le train ordinaire de la vie, serait appelé un miracle. De toute évidence, c'est simplement un évènement tel que nous n'avons jamais rien vu encore de semblable. Supposons maintenant qu'un tel évènement se produise. Imaginez le cas où soudain une tête de lion pousserait sur les épaules de l'un d'entre vous, qui se mettrait à rugir. Certainement ce serait là quelque chose d'aussi extraordinaire que tout ce que je puis imaginer. Ce que je suggérerais alors, une fois que vous vous seriez remis de votre surprise, serait d'aller chercher un médecin, de faire procéder à un examen scientifique du cas de cet homme et, si ce n'étaient les souffrances que cela entraînerait, j'en ferais faire une vivisection. Et à quoi aurait abouti le miracle ? Il est clair en effet que si nous voyons les choses de cet œil, tout ce qu'il y a de miraculeux disparaît ; à moins que ce que nous entendons par ce terme consiste simplement en ceci : un fait qui n'a pas encore été expliqué par la science, ce qui à son tour signifie que nous n'avons pas encore réussi à grouper ce fait avec d'autres à l'intérieur d'un système scientifique. Ceci montre qu'il est absurde de dire « la science a prouvé qu'il n'y a pas de miracles ». En vérité, l'approche scientifique d'un fait n'est pas l'approche de ce fait comme miracle. En effet vous pouvez bien imaginer n'importe quel fait, il n'est pas en soi miraculeux, au sens absolu de ce terme."
Ludwig Wittgenstein, "Conférence sur l'éthique", 1929-1930, in Leçons et conversations, tr. fr. Jacques Fauve, Folio essais, 2000, p. 152-153.
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