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Texte à méditer :  Time is money.
  
Benjamin Franklin
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Hors des sentiers battus
La remise en cause des principes logiques ; les paradoxes logiques

  "Une large et profonde rivière divisait en deux un vaste domaine. Sur cette rivière, on avait jeté un pont ; au bout du pont, il y avait une potence et une salle où siégeaient en permanence quatre juges chargés d'appliquer la loi édictée par le propriétaire de la rivière, du pont et du domaine. Cette loi était ainsi conçue : « Quiconque traverse ce pont doit d'abord déclarer sous serment où il va, et pour quelle raison. S'il dit vrai, qu'on le laisse passer. S'il ment, qu'il soit pendu à cette potence, sans rémission. » Bien qu'informés de cette loi rigoureuse, les gens n'en traversaient pas moins le pont ; aussitôt qu'on reconnaissait qu'ils avaient dit vrai, on les laissait passer librement. Or, il s'est présenté le cas suivant : un homme, à qui on demandait de prêter serment, a juré qu'il traversait le pont pour aller se faire pendre à la potence qu'il y avait à l'autre bout, et pour rien d'autre. Les juges ont délibéré : « Si nous laissons cet homme passer librement, il aura menti sous serment, et la loi veut qu'il meure. Et si nous le pendons alors qu'il a juré qu'il passait le pont pour mourir sur la potence, puisqu'il aura dit la vérité la loi veut qu'il passe librement. » Dites-nous monsieur le gouverneur [1], quelle décision doivent prendre ces juges, qui, jusqu'à ce jour, sont dans le doute et la perplexité."

 

Cervantès, Don Quichotte de la Manche, Deuxième partie (1615), Chapitre LI, tr. fr. Aline Schulman, Points Seuil, p. 409.


[1] Il s'agit ici de Sancho Panza, qui vient d'être nommé gouverneur de l'archipel de Barbatarie.


 

    "Dans la logique moderne, on a construit des paradoxes qui utilisent le concept de classe […]

    Le catalogue d'une bibliothèque énumère tous les livres de la bibliothèque ; le catalogue étant lui-même un livre de la bibliothèque, cette définition impliquerait qu'il se mentionne lui-même. Ce serait là l'exemple d'une classe qui se contient elle-même. Il n'est pas nécessaire cependant d'accepter cette définition du catalogue ; il y a d'autres bibliothèques qui emploient une autre définition du catalogue telle que celui-ci énumère tous les livres de la bibliothèque sauf le catalogue lui-même. Les deux sortes de définitions sont employées par des bibliothèques différentes, si bien qu'il y a des catalogues qui se mentionnent et d'autres qui ne se mentionnent pas.

    Il se peut qu'un statisticien zélé veuille établir une statistique particulière, qu'il veuille faire le catalogue des catalogues qui ne se mentionnent pas eux-mêmes. Il se trouve amené au paradoxe suivant : doit-il mentionner dans ce super-catalogue ce catalogue lui-même ? S'il le mentionne ce sera là un catalogue qui se mentionne, mais comme son catalogue énumère seulement les catalogues qui ne se mentionnent pas, il serait donc faux de le mentionner. D'autre part, s'il ne le mentionne pas, son catalogue serait un catalogue qui ne se mentionne pas ; d'après le but qu'il poursuit, il aurait donc à le mentionner pour énumérer tous les catalogues qui ne se mentionnent pas […]

    Un autre paradoxe présenté par Russell est le suivant : en général une propriété ne possède pas elle-même la propriété qu'elle représente ; la propriété "bleu" n'est pas bleue, etc. mais il y a apparemment des exceptions. La propriété "être concevable" est concevable ; la propriété "abstrait" est abstraite, etc. Appelons les propriétés du second genre prédicables, celles du premier genre imprédicables. La question se pose : où classer la propriété "imprédicable" ? Si elle est imprédicable, elle possède la propriété représentée par elle-même, elle est donc prédicable. Si elle est prédicable, elle possède une propriété différente d'elle-même, elle est donc imprédicable […]

    Les paradoxes sont des contradictions que l'ancienne logique ne peut exclure ; si nous voulons les éliminer nous aurons donc à introduire de nouvelles règles qui excluent la formation de concepts paradoxaux. C'est dans un tel esprit qu'il faut rechercher la solution du problème des paradoxes".

 

Hans Reichenbach, Introduction à la logistique, trad. H. Savonnet, 1939, Hermann, p. 53-54.


 

 

    "Le menteur dit « Tout ce que j'affirme est faux ». Cela, en fait, est une assertion qu'il fait, mais qui se réfère à la totalité de ses assertions et c'est seulement si on la comprend dans la totalité que le paradoxe apparaît.

    Nous distinguerons entre les propositions qui se réfèrent à une totalité quelconque de propositions et les propositions qui ne le font pas. Celles qui se réfèrent à une totalité quelconque de propositions ne peuvent jamais être membres de cette totalité. Nous pouvons définir les propositions de premier ordre comme celles qui ne se réfèrent à aucune totalité de propositions ; les propositions de second ordre comme celles qui se réfèrent à des totalités de propositions de premier ordre ; et ainsi ad infinitum. Ainsi, notre menteur devra dire maintenant : « J’asserte une fausse proposition de premier ordre qui est fausse ». Mais cette proposition est elle-même une proposition de second ordre. Il n'asserte donc ainsi aucune proposition de premier ordre. Ce qu'il dit est ainsi tout simplement faux, et l’argument selon lequel c'est également vrai tombe. Le même raisonnement s'applique exactement à toute proposition d’un ordre plus élevé."

 

Bertrand Russell, Histoire de mes idées philosophiques, 1959, chap. VII, trad. Georges Auclair, Gallimard, 1961, p. 102-103.


 

    "Ainsi, une seule question plus spéciale demeure : est-il permis, dans des constructions et des transformations purement mathématiques, de négliger pour quelque temps l'idée du système mathématique en construction et d'opérer avec la structure logique correspondante, en suivant les principes du syllogisme, de la contradiction et du tiers exclu ? Et pouvons-nous être confiants dans le fait que chaque partie du raisonnement pourra être justifiée en rappelant à l'esprit la construction mathématique correspondante ?

On montrera ici que cette confiance est bien fondée pour les deux premiers principes, mais pas pour le troisième.

    Commençons par le syllogisme. Il conclut de l'emboîtement d'un système b dans un système c, joint à l'emboîtement d'un système a, à un emboîtement direct du système a dans le système c. Ce n'est pas autre chose qu'une tautologie.

    De même, le principe de contradiction est indiscutable. Le résultat auquel nous parvenons par emboîtement d'un système a dans un système b d'une manière déterminée et celui consistant auquel nous parviendrions si nous étions arrêtés par l'impossibilité d'un tel emboîtement s'excluent l'un l'autre.

    Considérons maintenant le principe du tiers exclu : il affirme que toute proposition est soit vraie soit fausse ; en mathématiques, cela signifie que pour tout emboîtement supposé d'un système dans un autre, satisfaisant certaines conditions, ou bien nous pouvons parvenir, par construction, à un tel emboîtement, ou bien nous pouvons être conduits, par construction, à un arrêt du processus qui conduirait à cet emboîtement. Il s'ensuit que la question de la validité du principe du tiers exclu équivaut à celle de savoir si des problèmes mathématiques insolubles peuvent exister. Il n'y a pas l'ombre d'une preuve de cette conviction, qui a parfois été formulée, qu'il n'existe pas de problèmes mathématiques insolubles."

 

Brouwer, "The unreliability of the logical principles", in Collected Works, vol. 1, North-Holland Publishing Company, 1975, trad. F. Burbage et N. Chouchan, 1998, p. 107-110.

 

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Date de création : 05/06/2007 @ 16:02
Dernière modification : 05/08/2014 @ 16:45
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