"Nous distinguons, bon gré, mal gré, dans la connaissance, deux modes, la déduction et l'acquisition. Par la première, l'esprit semble créer en effet tout ce qu'il apprend : telles sont les mathématiques. Par la seconde, au contraire, l'esprit, sans cesse arrêté dans son progrès scientifique, ne marche plus qu'à l'aide d'une excitation perpétuelle, dont la cause est pleinement involontaire, et hors de la souveraineté du moi. Comment donc, dans le spiritualisme, rendre raison de ce phénomène, qu'il est impossible de méconnaître ? Comment, si toute la science vient du moi seul, n'est-elle pas spontanée, complète dès l'origine, égale dans tous les individus, et chez le même individu à tous les moments de l'existence ? Comment enfin expliquer l'erreur et le progrès ? Au lieu de résoudre le problème, le spiritualisme l'écarte : il méconnaît les faits les mieux acquis, les plus indubitables, savoir les découvertes expérimentales du moi ; il donne la torture à la raison ; il est forcé pour se soutenir, de révoquer en doute son propre principe, en niant le témoignage négatif de l'esprit. Le spiritualisme est contradictoire, inadmissible."
Proudhon, Système des contradictions économiques, 1846, Chapitre XI.
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