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Texte à méditer :   Les vraies révolutions sont lentes et elles ne sont jamais sanglantes.   Jean Anouilh
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Hors des sentiers battus
L'efficacité de la croyance

    "La cure [1] consisterait donc à rendre pensable une situation donnée d'abord en termes affectifs - et acceptables pour l'esprit des douleurs que le corps se refuse à tolérer. Que la mythologie du shaman ne corresponde pas à une réalité objective n'a pas d'importance : la malade y croit, et elle est membre d'une société qui y croit. Les esprits protecteurs et les esprits malfaisants, les monstres surnaturels et les animaux magiques, font partie d'un système cohérent qui fonde la conception indigène de l'univers. La malade les accepte, ou, plus exactement, elle ne les a jamais mis en doute. Ce quelle n'accepte pas, ce sont des douleurs incohérentes et arbitraires, qui, elles, constituent un élément étranger à son système, mais que, par l'appel au mythe, le shaman va replacer dans un ensemble où tout se tient.

    Mais la malade, ayant compris, ne fait pas que se résigner : elle guérit. Et rien de tel ne se produit chez nos malades, quand on leur a expliqué la cause de leurs désordres en invoquant des sécrétions, des microbes ou des virus.

    On nous accusera peut-être de paradoxe si nous répondons que la raison en est que les microbes existent, et que les monstres n'existent pas. Et cependant, la relation entre microbe et maladie est extérieure à l'esprit du patient, c'est une relation de cause à effet ; tandis que la relation entre monstre et maladie est intérieure à ce même esprit, conscient ou inconscient : c'est une relation de symbole à chose symbolisée, ou, pour employer le vocabulaire des linguistes, de signifiant à signifié. Un shaman fournit à sa malade un langage, dans lequel peuvent s'exprimer immédiatement des états informulés, et autrement informulables. Et c'est le passage à cette expression verbale (qui permet, en même temps, de vivre sous une forme ordonnée et intelligible une expérience actuelle, mais, sans cela, anarchique et ineffable) qui provoque le déblocage du processus physiologique, c'est-à-dire la réorganisation, dans un sens favorable, de la séquence dont la malade subit le déroulement.

    À cet égard, la cure shamanistique se place à moitié chemin entre notre médecine organique et des thérapeutiques psychologiques comme la psychanalyse. Son originalité provient de ce quelle applique à un trouble organique une méthode très voisine de ces dernières."


Claude Lévi-Strauss, Anthropologie structurale (1958), Éd. Plon, 1958, pp. 217-218.



[1] Lévi-Strauss rapporte l'intervention d'un shaman (sorcier) chez un peuple du Panama.


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Date de création : 31/08/2007 @ 11:47
Dernière modification : 31/08/2007 @ 11:49
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