"Des perspectives nouvelles s'ouvrent alors. Il ne s'agit plus seulement d'une collaboration occasionnelle, où le linguiste et le sociologue, travaillant chacun dans son coin, se lancent de temps en temps ce que chacun trouve qui peut intéresser l'autre. Dans l'étude des problèmes de parenté (et sans doute aussi dans l'étude d'autres problèmes), le sociologue se voit dans une situation formellement semblable à celle du linguiste phonologue : comme les phonèmes, les termes de parenté sont des éléments de signification ; comme eux, ils n'acquièrent cette signification qu'à la condition de s'intégrer en systèmes ; les « systèmes de parenté », comme les « systèmes phonologiques », sont élaborés par l'esprit à l'étage de la pensée inconsciente ; enfin la récurrence, en des régions éloignées du monde et dans des sociétés profondément différentes, de formes de parenté, règles de mariage, attitudes pareillement prescrites entre certains types de parents, etc., donne à croire, que, dans un cas comme dans l'autre, les phénomènes observables résultent du jeu de lois générales, mais cachées. Le problème peut donc se formuler de la façon suivante : dans un autre ordre de réalité les phénomènes de parenté sont des phénomènes du même type que les phénomènes linguistiques. Le sociologue peut-il, en utilisant une méthode analogue quant à la forme (sinon quant au contenu) à celle introduite par la phonologie, faire accomplir à sa science un progrès analogue à celui qui vient de prendre place dans les sciences linguistiques ?"
Lévi-Strauss, Anthropologie structurale, Plon, 1958, pp. 40-41.
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